Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 23 avril 2019 par lequel le préfet de police a décidé de son transfert aux autorités espagnoles, de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et d'enjoindre au préfet de police d'enregistrer sa demande d'asile en procédure normale et de lui délivrer l'attestation correspondante.
Par un jugement n° 1909713/8 du 3 juillet 2019, le Tribunal administratif de Paris a admis M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 5 août et le 20 décembre 2019, M. A..., représenté par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1909713/8 du 3 juillet 2019 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du 23 avril 2019 par lequel le préfet de police a décidé de son transfert aux autorités espagnoles ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de procéder à l'enregistrement de sa demande d'asile en procédure normale et de lui délivrer l'attestation correspondante ;
4°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son avocat au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le tribunal administratif a omis de statuer sur le moyen tiré de ce que le préfet de police, en n'apportant pas une information exacte sur les délais de transfert, l'a privé d'une garantie procédurale ;
- l'arrêté contesté méconnaît les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 en ce que le préfet de police n'a pas démontré que les informations contenues dans la brochure " A " lui aient été correctement transmises ;
- l'arrêté méconnaît les dispositions de ce même article en ce que la brochure " B " a été mise à sa disposition en français alors qu'il ne comprend que le peul ;
- le préfet de police, en n'apportant pas une information exacte sur les délais de transfert, l'a privé d'une garantie procédurale ;
- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 en ce qu'il n'a pas pris en compte la présence régulière sur le territoire français de sa mère et de ses frères.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 4 décembre 2019 et le 22 janvier 2020, le préfet de police conclut au rejet de la requête de M. A....
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.
Par une décision du 12 août 2019, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Paris a admis M. A... à l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée, relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- et les observations de Me D..., avocat de M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant guinéen né 17 décembre 1996, est entré irrégulièrement en France et a sollicité le 4 février 2019 son admission au séjour au titre de l'asile. La consultation du fichier Eurodac ayant révélé que l'intéressé avait présenté une demande d'asile auprès des autorités espagnoles le 30 novembre 2018, le 5 février 2019, le préfet de police a adressé aux autorités espagnoles une demande de reprise en charge de M. A... en application des dispositions du 1 de l'article 13 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, que les autorités espagnoles ont acceptée par un accord explicite en date du 21 février 2019. Par un arrêté du 23 avril 2019, le préfet de police a décidé de remettre M. A... à ces autorités. M. A... fait appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. Aux termes du premier paragraphe de l'article 17 du règlement (UE) 604/2013 du 26 juin 2013 : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement ".
3. Il ressort des pièces du dossier que la mère de M. A... réside régulièrement sur le territoire français avec ses autres enfants, dont l'un de nationalité française, et qu'elle entretient des liens étroits avec son fils, pour lequel elle a présenté une demande de regroupement familial en 2012, auquel elle a envoyé de l'argent à de nombreuses reprises et qu'elle héberge depuis son entrée sur le territoire français. Il ressort de ces mêmes pièces que M. A... est isolé en Espagne où il n'avait séjourné que quelques mois à la date de la décision attaquée. Dans ces circonstances particulières, M. A... est fondé à soutenir qu'en refusant d'examiner sa demande d'asile en application des dispositions précitées de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013, le préfet de police a entaché l'arrêté en litige d'une erreur manifeste d'appréciation.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 24 avril 2019.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Le présent arrêt, par lequel la Cour fait droit aux conclusions à fin d'annulation présentées par M. A..., revenu sur le territoire français et hébergé à nouveau par sa mère, implique que le préfet de police enregistre la demande d'asile de M. A... en procédure normale et lui délivre une attestation de demande d'asile. Il y a donc lieu de faire application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative et d'enjoindre au préfet de police d'y procéder dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les conclusions présentées au titre des frais liés à l'instance :
6. M. A... ayant obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me D..., avocat de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me D... de la somme de 1 500 euros.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1909713/8 du 3 juillet 2019 du Tribunal administratif de Paris, en ce qu'il rejette la demande présentée par M. A..., et l'arrêté du 23 avril 2019 par lequel le préfet de police a décidé de son transfert aux autorités espagnoles, sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de délivrer à M. A... une attestation de demande d'asile en procédure normale dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, une somme de 1 500 euros à Me D..., sous réserve que cet avocat renonce à percevoir les sommes correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A..., à Me C... D..., au préfet de police et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 11 février 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- Mme B..., président assesseur,
- Mme Mielnik-Meddah, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 25 février 2020.
Le rapporteur,
P. B...Le président,
C. JARDIN
Le greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA02608