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25/02/2020 | FRANCE | N°18PA03116,18PA03117

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 25 février 2020, 18PA03116,18PA03117


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D... a demandé au Tribunal administratif de Paris, par deux requêtes distinctes, de condamner l'Etat à lui verser une somme de 315 976 euros en réparation des préjudices subis en raison de son absence d'affiliation au régime de sécurité sociale français, assortie des intérêts au taux légal, après avoir le cas échéant désigné un expert.

Par un jugement nos 1706133/5-2, 1706134/5-2 du 12 juillet 2018, le Tribunal administratif de Paris, après avoir joint les deux requêtes, a rejeté

sa demande.

Procédure devant la Cour :

I°- Par une requête, enregistrée le 14 septemb...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D... a demandé au Tribunal administratif de Paris, par deux requêtes distinctes, de condamner l'Etat à lui verser une somme de 315 976 euros en réparation des préjudices subis en raison de son absence d'affiliation au régime de sécurité sociale français, assortie des intérêts au taux légal, après avoir le cas échéant désigné un expert.

Par un jugement nos 1706133/5-2, 1706134/5-2 du 12 juillet 2018, le Tribunal administratif de Paris, après avoir joint les deux requêtes, a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

I°- Par une requête, enregistrée le 14 septembre 2018 à 16 heures 43 sous le numéro 18PA03116, Mme D..., représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 1706133/5-2,1706134/5-2 du 12 juillet 2018 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 240 156 euros assortie des intérêts au taux légal à compter de la réception de sa demande préalable ;

3°) le cas échéant, de désigner un expert aux fins d'évaluer son préjudice ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier faute de comporter une analyse détaillée de ses moyens, telle que prescrite par l'article R. 741-2 du code de justice administrative ;

- il est insuffisamment motivé dans sa réponse au moyen tiré de la responsabilité sans faute de l'Etat ;

- elle établit avoir présenté de nombreuses demandes d'affiliation au régime français avant 2009 ;

- l'Etat a commis une faute en ne l'informant pas de son droit d'opter pour l'affiliation au régime français de sécurité sociale ;

- elle a subi un préjudice anormal et spécial de nature à engager la responsabilité sans faute de l'Etat.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 octobre 2019, le ministre de l'Europe et des affaires étrangères conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la créance dont se prévaut Mme D... est atteinte par la prescription quadriennale ;

- les moyens soulevés par Mme D... ne sont pas fondés.

II°- Par une requête et un mémoire, enregistrée le 14 septembre 2018 à 16 heures 49 et le 6 novembre 2019, sous le numéro 18PA03117, Mme D..., représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 1706133/5-2,1706134/5-2 du 12 juillet 2018 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 240 156 euros assortie des intérêts au taux légal à compter de la réception de sa demande préalable ;

3°) le cas échéant, de désigner un expert aux fins d'évaluer son préjudice ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier faute de comporter une analyse détaillée de ses moyens, telle que prescrite par l'article R. 741-2 du code de justice administrative ;

- il est insuffisamment motivé dans sa réponse au moyen tiré de la responsabilité sans faute de l'Etat ;

- elle établit avoir présenté de nombreuses demandes d'affiliation au régime français avant 2009 ;

- l'Etat a commis une faute en ne l'informant pas de son droit d'opter pour l'affiliation au régime français de sécurité sociale ;

- il a commis une faute en ne l'affiliant pas régulièrement à un régime de protection sociale ;

- elle a subi un préjudice anormal et spécial de nature à engager la responsabilité sans faute de l'Etat ;

- la faute de l'Etat ayant été révélée en 2016 la prescription quadriennale ne lui est pas opposable.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 octobre 2019, le ministre de l'Europe et des affaires étrangères conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la créance dont se prévaut Mme D... est atteinte par la prescription quadriennale ;

- les moyens soulevés par Mme D... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés et à leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté ;

- le règlement (CEE) n° 574/72 du Conseil du 21 mars 1972 fixant les modalités d'application du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les conclusions de Mme Stoltz-Valette, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... a exercé les fonctions de rédactrice " état civil et affaires sociales " au sein du consulat de France à Edimbourg au Royaume Uni, sur le fondement d'un contrat de droit local, du 1er décembre 1993 au 31 août 2016. Ayant demandé en 2009 à être affiliée au régime de sécurité sociale français en vertu du droit d'option qui lui était alors ouvert entre, d'une part, le régime local de sécurité sociale, et d'autre part, le régime social français, par un avenant à son contrat de travail du 21 janvier 2010, elle a été affiliée, à compter du 1er janvier 2010, au régime général français de protection sociale et au régime de retraite complémentaire de l'IRCANTEC. Elle a saisi le 15 décembre 2016 le consulat général de France à Edimbourg et Glasgow d'une réclamation indemnitaire tendant à la réparation des préjudices qu'elle aurait subis du fait de sa non affiliation au régime général français de protection sociale du 1er octobre 1993 au 31 décembre 2009, laquelle a fait l'objet d'une décision implicite de rejet. Par deux requêtes enregistrées le même jour elle fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris, après avoir joint les deux requêtes par lesquelles elle demandait la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 315 976 euros, a rejeté sa demande.

Sur la requête n° 18PA03117 :

2. Les deux requêtes n° 18PA03116 et n° 18PA03117 de Mme D... sont dirigées contre le même jugement et comportent des conclusions et des moyens identiques, la requête n° 18PA03117 constituant en réalité le doublon de la requête n° 18PA03116, transmis par erreur à la Cour. Il y a lieu, en conséquence, de radier la requête n° 18PA03117 des registres du greffe et de verser les productions des parties enregistrées sous ce numéro au dossier de la requête enregistrée sous le n° 18PA03116.

Sur la requête n° 18PA03116 :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

3. Il résulte en premier lieu du jugement attaqué que celui-ci a visé et analysé de manière suffisamment précise l'ensemble des moyens présentés par Mme D... à l'appui de ses conclusions. Ce jugement n'est dès lors pas entaché d'irrégularité.

4. En second lieu, en se fondant sur l'absence de caractère anormal et spécial du préjudice dont se prévaut la requérante eu égard à l'objet de la réglementation européenne applicable, les premiers juges ont suffisamment motivé leur réponse au moyen, soulevé par Mme D..., tiré de la responsabilité sans faute de l'Etat.

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :

5. En application de l'article 16 paragraphe 2 du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 alors en vigueur, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés et à leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, le personnel de service des missions diplomatiques et des postes consulaires disposait jusqu'au 1er mai 2010 de la faculté d'opter entre l'affiliation au régime de sécurité sociale du pays de leur affectation et l'affiliation au régime du pays de leur employeur. Aux termes de l'article 13 du règlement (CEE) n° 574/72 du Conseil du 21 mars 1972 fixant les modalités d'application du règlement (CEE) n° 1408/71 : " 1. Le droit d'option prévu à l'article 16 paragraphe 2 du règlement doit être exercé pour la première fois dans les trois mois suivant la date à laquelle le travailleur salarié a été engagé dans la mission diplomatique ou le poste consulaire dont il s'agit ou est entré au service personnel d'agents de cette mission ou de ce poste. L'option prend effet à la date d'entrée en service. Lorsque l'intéressé exerce à nouveau son droit d'option à la fin d'une année civile, l'option prend effet au premier jour de l'année civile suivante. 2. L'intéressé qui exerce son droit d'option en informe l'institution désignée par l'autorité compétente de l'État membre pour la législation duquel il a opté en avisant en même temps son employeur. Cette institution en informe, en tant que de besoin, toutes autres institutions du même État membre, conformément aux directives émises par l'autorité compétente de cet État membre. 3. L'institution désignée par l'autorité compétente de l'État membre pour la législation duquel l'intéressé a opté lui remet un certificat attestant qu'il est soumis à la législation de cet État membre, pendant qu'il est occupé dans la mission diplomatique ou le poste consulaire dont il s'agit, ou au service personnel d'agents de cette mission ou de ce poste. ".

6. Il ne résulte ni de ces dispositions, ni d'aucune autre disposition ou principe que le poste consulaire employeur de Mme D... était tenu de l'informer de l'existence du droit d'option prévu à l'article 16 paragraphe 2 du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971. Par suite, la responsabilité de l'Etat ne peut être engagée à l'encontre de Mme D... à raison de l'absence d'information sur cette option délivrée lors de la signature, en 1993, du contrat d'engagement initial du 1er décembre 1993 stipulant qu'elle est affiliée au régime local de protection sociale.

7. Si Mme D... soutient que la responsabilité pour faute de l'Etat est également engagée à son égard à raison des renseignements erronés qui lui ont été fournis en réponse à ses demandes répétées d'affiliation au régime français de sécurité sociale, elle n'établit pas l'existence de telles demandes antérieurement à celle à laquelle il a été fait droit à compter du 1er janvier 2010, par la seule production d'une attestation non circonstanciée d'un collègue retraité ayant quitté le consulat en 1995 et d'un courrier adressé par les représentants du personnel au Consul en 2014, faisant état des souhaits de l'intéressée en matière d'affiliation, sans plus de précision.

8. Mme D... ayant toujours été régulièrement affiliée, en application des dispositions du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971, à un régime de sécurité sociale, d'abord britannique de 1993 à 2009 puis français à compter du 1er janvier 2010, elle n'est pas plus fondée à soutenir que l'Etat aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité en ne la plaçant pas dans une situation régulière au regard de son affiliation à un régime d'assurance sociale.

9. Enfin, si Mme D... soutient que la responsabilité sans faute de l'Etat serait engagée à son encontre à raison d'une rupture d'égalité devant les charges publiques, les préjudices dont elle se prévaut, au demeurant non établis dans leur quantum, voire dans leur existence faute de tout justificatif, ne présentent en tout état de cause ni un caractère anormal ni un caractère spécial dès lors qu'elle était placée pour la période en litige dans la même situation que tous les agents consulaires ayant opté pour leur affiliation au régime de sécurité sociale du pays de leur affectation.

10. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il y ait lieu d'ordonner une expertise, que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme D... enregistrée sous le n° 18PA03117 est rayée des registres du greffe de la Cour et rattachée à celle enregistrée sous le n° 18PA03116.

Article 2 : La requête de Mme D... enregistrée sous le n° 18PA03116 est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D... et au ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

Délibéré après l'audience du 11 février 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- Mme B..., président assesseur,

- Mme Mielnik-Meddah, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 25 février 2020.

Le rapporteur,

P. B...Le président,

C. JARDIN

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre de l'Europe et des affaires étrangères en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

Nos 18PA03116, 18PA03117


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA03116,18PA03117
Date de la décision : 25/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Fondement de la responsabilité - Responsabilité sans faute - Responsabilité fondée sur l'égalité devant les charges publiques.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Agissements administratifs susceptibles d'engager la responsabilité de la puissance publique - Renseignements.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: Mme Perrine HAMON
Rapporteur public ?: Mme STOLTZ-VALETTE
Avocat(s) : SCP LEGENDRE-PICARD-SAADAT

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-02-25;18pa03116.18pa03117 ?
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