La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/02/2020 | FRANCE | N°17PA23424

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 14 février 2020, 17PA23424


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... C... a saisi le Tribunal administratif de la Réunion d'une demande tendant à l'annulation de la délibération du conseil municipal de Saint-Denis n° 16/02-41 du 19 mars 2016 modifiant les conditions d'attribution d'une subvention à l'association culturelle et éducative comorienne de la Réunion pour la réalisation de l'espace culturel du centre comorien de culture et de connaissances, outre des conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 16

00461 du 26 octobre 2017, le Tribunal administratif de la Réunion a rejeté sa ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... C... a saisi le Tribunal administratif de la Réunion d'une demande tendant à l'annulation de la délibération du conseil municipal de Saint-Denis n° 16/02-41 du 19 mars 2016 modifiant les conditions d'attribution d'une subvention à l'association culturelle et éducative comorienne de la Réunion pour la réalisation de l'espace culturel du centre comorien de culture et de connaissances, outre des conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1600461 du 26 octobre 2017, le Tribunal administratif de la Réunion a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour:

Par une requête, enregistrée le 30 octobre 2017 au greffe de la Cour administrative d'appel de Bordeaux, un mémoire en réplique enregistré le 30 octobre 2018 et des mémoires de production enregistrés les 1er et 31 juillet 2019, M. C..., représenté par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 26 octobre 2017 du Tribunal administratif de la Réunion ;

2°) d'annuler la délibération du 19 mars 2016 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Denis une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'information des élus locaux préalablement à la délibération litigieuse, prévue par les dispositions de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales, n'était pas suffisante en l'espèce ;

- le projet de convention entre la commune et l'association bénéficiaire de la subvention n'était pas joint à la note de synthèse et au projet de délibération ;

- la délibération litigieuse viole la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'Etat.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 octobre 2018, la commune de Saint-Denis, représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 3 500 euros soit mise à la charge de M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 1er mars 2019, le Président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la Cour la requête de M. C....

Par une ordonnance du 10 A... 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 13 mai 2019 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'Etat ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- et les conclusions de M. Baffray, rapporteur public,

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération n° 14/8-25 du 13 décembre 2014, le conseil municipal de la commune de Saint-Denis a décidé l'attribution d'une subvention d'équipement au profit de l'association culturelle et éducative comorienne de la Réunion (ACECR) pour la réalisation de l'espace culturel du centre comorien de culture et de connaissances (CCCC) dans le quartier du Bas de la Rivière à Saint-Denis, a approuvé la convention d'objectifs et de moyens accompagnant cette convention et a autorisé le maire à signer cette convention et à verser la subvention correspondante. Par une nouvelle délibération n° 16/2-41 adoptée le 19 mars 2016, le conseil municipal a décidé de modifier les conditions du versement de cette subvention. M. C... a saisi le Tribunal administratif de la Réunion d'une demande tendant à l'annulation de cette dernière délibération. Par un jugement du 26 octobre 2017, le Tribunal administratif de la Réunion a rejeté sa demande. M. C... relève appel de ce jugement.

Sur la légalité externe :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales, relatif au fonctionnement du conseil municipal : " Dans les communes de 3 500 habitants et plus, une note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération doit être adressée avec la convocation aux membres du conseil municipal ". Selon l'article L. 2121-13 du même code : " tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaires de la commune qui font l'objet d'une délibération. ". Il résulte de ces dispositions que, dans les communes de 3 500 habitants et plus, la convocation aux réunions du conseil municipal doit être accompagnée d'une note explicative de synthèse portant sur chacun des points de l'ordre du jour. Cette obligation, qui doit être adaptée à la nature et à l'importance des affaires, doit permettre aux conseillers municipaux de connaître le contexte et de comprendre les motifs de fait et de droit ainsi que les implications des mesures envisagées. En revanche, ces dispositions n'imposent pas de joindre à la convocation adressée aux intéressés une justification détaillée du bien-fondé des propositions qui leur sont soumises.

3. En premier lieu, M. C... soutient que les informations communiquées aux élus pour justifier la décision de " réaménager le versement de la participation communale " étaient insuffisantes. Toutefois, la note explicative jointe à la convocation rappelle que " le 13 décembre 2014, le Conseil Municipal a[vait] voté l'attribution d'une subvention d'investissement au profit de l'Association Culturelle et Educative Comorienne de la Réunion pour la réalisation du Centre Comorien de Culture et de Connaissances ". Elle redonne les caractéristiques principales de ce centre à savoir qu'il " sera un espace à vocation civique et culturelle où seront développées des actions touchant à la formation individuelle, à l'éducation et à la citoyenneté, nourries des valeurs et les principes multiculturels qui structurent la personnalité des nouvelles et futures générations des ComoroMahorais de la Réunion " et qu'il comprendra " quatre niveaux organisé en deux espaces : culturel et cultuel ", " La Ville de Saint-Denis contribu[ant] exclusivement au développement de l'espace à vocation culturelle ". Le rapport de présentation rappelle également que le montant de la subvention est de 200 000 euros pour un coût total des travaux de 1,2 million d'euros. Enfin, la note explicative précise que le projet de délibération qui leur est soumis s'explique par le " fait de la diversité des financeurs et [le] souci de garantir la continuité des travaux en cours " et a uniquement pour objet de modifier la convention de subvention pour " réaménager le versement de la participation communale : - 50 % dès maintenant, - le solde lors de l'achèvement du tiers du gros oeuvre ", ainsi que de prévoir que " la libération des 50% du solde des travaux soit effectuée à partir d'un état des travaux réalisé sur constatation de leur niveau d'exécution par la Direction des Services Techniques ". Les conseillers municipaux disposaient donc des informations suffisantes leur permettant de se prononcer en toute connaissance de cause. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles L. 2121-12 et L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales et de la violation du droit d'information des élus doit être écarté.

4. En second lieu, les dispositions citées au point 2 des articles L. 2121-12 et L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales n'imposaient pas à la commune de joindre le projet de convention au projet de délibération. Par ailleurs, il n'est pas soutenu que les conseillers municipaux auraient été privés du droit qu'ils tenaient de ces dispositions de consulter, préalablement à la séance au cours de laquelle a été adoptée la délibération litigieuse, le projet de convention et ses annexes. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure du fait que le projet de convention n'était pas joint au projet de délibération doit être écarté.

Sur la légalité interne :

5. Aux termes de l'article 1er de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'Etat : " La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l'intérêt de l'ordre public ". L'article 2 de cette loi dispose : " La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. En conséquence, à partir du 1er janvier qui suivra la promulgation de la présente loi, seront supprimées des budgets de l'Etat, des départements et des communes, toutes dépenses relatives à l'exercice des cultes. ". Enfin, aux termes du dernier alinéa de l'article 19 de cette même loi, les associations formées pour subvenir aux frais, à l'entretien et à l'exercice d'un culte en vertu du titre IV de cette loi " ne pourront, sous quelque forme que ce soit, recevoir des subventions de l'Etat, des départements et des communes. Ne sont pas considérées comme subventions les sommes allouées pour réparations aux édifices affectés au culte public, qu'ils soient ou non classés monuments historiques. ". Il résulte de ces dispositions que les collectivités territoriales ne peuvent accorder aucune subvention, à l'exception des concours pour des travaux de réparation d'édifices cultuels, aux associations cultuelles au sens du titre IV de cette loi et il leur est également interdit d'apporter une aide quelconque à une manifestation qui participe de l'exercice d'un culte. Ainsi, les collectivités territoriales ne peuvent accorder une subvention à une association qui, sans constituer une association cultuelle au sens du titre IV de la même loi, a des activités cultuelles, qu'en vue de la réalisation d'un projet, d'une manifestation ou d'une activité qui ne présente pas un caractère cultuel et n'est pas destiné au culte et à la condition, en premier lieu, que ce projet, cette manifestation ou cette activité présente un intérêt public local et, en second lieu, que soit garanti, notamment par voie contractuelle, que la subvention est exclusivement affectée au financement de ce projet, de cette manifestation ou de cette activité et n'est pas utilisée pour financer les activités cultuelles de l'association.

6. M. C... soutient que la délibération qu'il conteste méconnaît le principe de laïcité ainsi que les dispositions citées ci-dessus de la loi du 9 décembre 1905. Toutefois, la décision de financer partiellement la construction de l'espace culturel du centre comorien de culture et de connaissances a été prise par la délibération du 13 décembre 2014. Or, cette délibération, qui ne présente pas le caractère d'un acte réglementaire, n'a pas été contestée dans le délai du recours contentieux et, contrairement à ce que soutient M. C..., n'a pas été "acquise par des manoeuvres frauduleuses". Elle est donc devenue définitive. La délibération attaquée se bornant à modifier les modalités de versement de cette subvention sans en modifier ni l'objet ni le montant, le moyen tiré de la méconnaissance du principe de laïcité ne peut qu'être écarté.

7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande de première instance, que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de la Réunion a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées. Enfin, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de M. C... une somme de 1 000 euros au titre du même article.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : M. C... versera une somme de 1 000 euros à la commune de Saint-Denis au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3: Le présent arrêt sera notifié à M. E... C... et à la commune de Saint-Denis.

Copie en sera adressée au ministre des outre-mer et au préfet de la Réunion.

Délibéré après l'audience du 5 février 2020 à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- M. B..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 14 février 2020.

Le rapporteur,

D. PAGES

Le président,

O. FUCHS TAUGOURDEAU

Le greffier,

P. TISSERAND

La République mande et ordonne au préfet de la Réunion en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17PA23424


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

135-02 Collectivités territoriales. Commune.


Références :

Publications
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: M. Dominique PAGES
Rapporteur public ?: M. BAFFRAY
Avocat(s) : ARMOUDOM

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Date de la décision : 14/02/2020
Date de l'import : 25/02/2020

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 17PA23424
Numéro NOR : CETATEXT000041608511 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-02-14;17pa23424 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award