Vu la procédure suivante :
M. E... C... a saisi le Tribunal administratif de la Réunion de deux demandes tendant à l'annulation respectivement de la délibération du conseil municipal de Saint-Denis du 19 mars 2016 fixant les taux des impôts directs locaux pour 2016 et de la délibération du même jour du même conseil municipal adoptant le budget primitif de la commune pour 2016, outre des conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1600383, 1600475 du 2 mars 2017, le Tribunal administratif de la Réunion a rejeté ses demandes.
Procédure devant la Cour:
Par une requête, enregistrée le 2 mai 2017 au greffe de la Cour administrative d'appel de Bordeaux, et un mémoire en réplique, enregistré le 28 juillet 2017, M. C..., représenté par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 2 mars 2017 du Tribunal administratif de la Réunion ;
2°) d'annuler les deux délibérations mentionnées ci-dessus du 19 mars 2016 ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Denis une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier car le tribunal, d'une part, n'a pas pris en compte sa note en délibéré, d'autre part, n'a pas suffisamment motivé sa réponse aux moyens tirés de l'insincérité de la note de présentation et du budget primitif et de l'ordre des délibérations du vote des taux et du vote du budget primitif ;
- les deux délibérations ont été adoptées à la suite d'une procédure irrégulière faute d'avoir été précédées d'une information suffisante des élus et du public telle que prévue par l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales ;
- les deux délibérations ont été adoptées à la suite d'une procédure irrégulière car certains des documents budgétaires annexes prévus par les articles L. 2313-1 et R. 2313-1 du code général des collectivités territoriales n'étaient pas produits ou pas renseignés ;
- les deux délibérations sont illégales car le vote du budget doit précéder le vote des taux des impôts directs locaux alors qu'en l'espèce c'est l'ordre inverse qui a été suivi ;
- le budget primitif litigieux est entaché d'insincérité.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 juillet 2017, la commune de Saint-Denis, représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et demande, en outre, qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête de M. C... est irrecevable car tout au long de son argumentation il plaide par procuration pour les conseillers municipaux de l'opposition ;
- les moyens soulevés par M. C... sont infondés.
Par une ordonnance du 18 janvier 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 18 février 2019 à 12 heures.
Par une ordonnance du 1er mars 2019 le Président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la Cour la requête de M. C....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code général des impôts ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- et les conclusions de M. Baffray, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... a saisi le Tribunal administratif de la Réunion de deux demandes tendant à l'annulation respectivement de la délibération du conseil municipal de Saint-Denis du 19 mars 2016 fixant les taux des impôts directs locaux pour 2016 et de la délibération du même jour du même conseil municipal adoptant le budget primitif de la commune pour 2016. Par un jugement du 2 mars 2017, le Tribunal administratif de la Réunion a rejeté ses demandes. M. C... relève appel de ce jugement.
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la commune de Saint-Denis :
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. D'une part, les premiers juges ont bien visé les notes en délibéré enregistrées le 8 février 2017 et, contrairement à ce que soutient M. C..., ils n'étaient pas tenus à la suite de ces notes en délibéré de réouvrir l'instruction faute pour ce dernier de présenter des éléments de fait et de droit nouveaux dont il ne pouvait pas faire état avant la clôture de l'instruction. D'autre part, les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments de M. C..., ont répondu par une motivation suffisante aux moyens tirés de l'insincérité de la note de présentation et du budget primitif et de l'ordre des délibérations du vote des taux des impôts et du vote du budget primitif. Les moyens tirés de l'irrégularité du jugement attaqué doivent donc être écartés.
Sur le bien fondé du jugement attaqué :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2311-1 du code général des collectivités territoriales : " Le budget de la commune est l'acte par lequel sont prévues et autorisées les recettes et les dépenses annuelles de la commune (...) ". Aux termes de l'article L. 2312-1 du même code : " Le budget de la commune est proposé par le maire et voté par le conseil municipal (...) " . L'article 1636 B sexies du code général des impôts prévoit : " I. 1. (...) Les conseils municipaux (...) votent chaque année les taux des taxes foncières, de la taxe d'habitation et de la cotisation foncière des entreprises. Ils peuvent : 1 a) Soit faire varier dans une même proportion les taux des quatre taxes appliqués l'année précédente ; 1 b) Soit faire varier librement entre eux les taux des quatre taxes. (...) ". M. C... soutient que les délibérations du 19 mars 2016 sont irrégulières dès lors que le conseil municipal de Saint-Denis, qui a d'abord délibéré sur les taux des impôts directs locaux, lesquels se traduisaient en l'espèce par une augmentation, aurait dû commencer par voter le budget primitif de la commune, établissant ainsi le niveau de dépenses et recettes jugé nécessaire, avant de prendre position sur les taux d'imposition. Toutefois, il ne résulte ni des dispositions citées ci-dessus ni d'aucune autre disposition législative ou règlementaire que la délibération relative au vote du budget doive nécessairement précéder celle portant sur la fixation des taux d'imposition.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales : " Dans les communes de 3 500 habitants et plus, une note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération doit être adressée avec la convocation aux membres du conseil municipal. (...) 1. Le délai de convocation est fixé à cinq jours francs. En cas d'urgence, le délai peut être abrégé par le maire sans pouvoir être toutefois inférieur à un jour franc. (...) ". Il résulte de ces dispositions que, dans les communes de 3 500 habitants et plus, la convocation aux réunions du conseil municipal doit être accompagnée d'une note explicative de synthèse portant sur chacun des points de l'ordre du jour. Cette obligation, qui doit être adaptée à la nature et à l'importance des affaires, doit permettre aux conseillers municipaux de connaître le contexte et de comprendre les motifs de fait et de droit ainsi que les implications des mesures envisagées mais elle n'impose pas de joindre à la convocation adressée aux intéressés une justification détaillée du bien-fondé des propositions qui leur sont soumises.
5. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que la note de présentation accompagnant les projets de délibération a été adressée à chaque membre du conseil municipal et que cette note était assortie d'un document budgétaire intitulé " M14 budget primitif voté par nature " qui détaillait, sur une centaine de pages, les recettes et dépenses communales envisagées pour l'année 2016, permettant ainsi aux élus d'apprécier les composantes et l'équilibre du budget. Par ailleurs, les projets d'investissement représentant les enveloppes les plus importantes ont donné lieu à une énumération dans la note de synthèse, diverses précisions étant ensuite apportées sous la forme d'une maquette explicative présentée pendant la séance du conseil municipal du 19 mars 2016. En outre, il ressort des pièces du dossier que le délai de convocation fixé par l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales, applicable à toutes les délibérations quelles que soient leur importance, a bien été respecté. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient M. C... il ne ressort nullement des pièces du dossier que le maire aurait sciemment dissimulé aux élus les motifs réels des choix budgétaires et financiers traduits par les délibérations litigieuses. Si M. C... soutient aussi que les conseillers municipaux n'ont pas eu connaissance, au moment où ils ont délibéré, de l'ensemble des documents mentionnés à l'article L. 2313-1 du code général des collectivités territoriales, ces documents, qui sont destinés à 1'information du public et ne présentent pas par eux-mêmes le caractère de documents budgétaires annexes, ne doivent pas nécessairement faire l'objet d'une présentation aux élus lors du vote du budget. Enfin, la branche du moyen tirée de l'information insuffisante du public n'est pas assortie des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé. Par suite, les moyens tirés du caractère insuffisant, au regard notamment des prescriptions de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales, de l'information dont ont bénéficié les conseillers municipaux de la commune de Saint-Denis et le public ne peuvent qu'être écartés.
6. En dernier lieu, les allégations de M. C... selon lesquelles les prévisions budgétaires ont en l'espèce occulté certaines contraintes pesant sur la commune de Saint-Denis en 2016, notamment en ce qui concerne les conséquences à tirer de la récente annulation contentieuse des " décisions d'octroi du treizième mois aux 2 000 agents non titulaires de catégorie C de 2011 à 2015 ", ou en ce qui concerne la baisse des dotations de l'Etat, ne sont, pas plus en appel qu'en première instance, assorties de précisions et de justifications suffisantes et ne permettent pas d'établir le caractère insincère ou faussement à l'équilibre du budget. Le moyen tiré de ce que le budget primitif 2016 aurait été voté en méconnaissance de la règle de l'équilibre réel définie par l'article L. 1612-4 du code général des collectivités territoriales ne peut qu'être écarté.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de la Réunion a rejeté ses demandes. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées. Enfin, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de M. C... une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par la commune de Saint-Denis et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : M. C... versera une somme de 1 000 euros à la commune de Saint-Denis au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3: Le présent arrêt sera notifié à M. E... C... et à la commune de Saint-Denis.
Copie en sera adressée au ministre des outre-mer et au préfet de la Réunion.
Délibéré après l'audience du 5 février 2020 à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
- M. Niollet, président-assesseur,
- M. B..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 février 2020.
Le rapporteur,
D. PAGESLe président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
Le greffier,
P. TISSERAND
La République mande et ordonne au préfet de la Réunion en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA21400