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14/02/2020 | FRANCE | N°17PA01017

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 14 février 2020, 17PA01017


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Fédération française du transport de personnes sur réservation (FFTPR) et les sociétés Transcovo, Snapcar et Transdev Shuttle France ont demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté n° 2015-648 du 2 juin 2015 par lequel le préfet de police, le préfet du

Val-de-Marne et la maire de Paris ont créé et réglementé l'usage d'une voie réservée, dans le sens province-Paris, les jours ouvrés du lundi au vendredi de 7 à 10 heures, sur une section de l'autoroute A6a et, dans sa

continuité, sur une section du boulevard périphérique intérieur parisien.

Par un jugeme...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Fédération française du transport de personnes sur réservation (FFTPR) et les sociétés Transcovo, Snapcar et Transdev Shuttle France ont demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté n° 2015-648 du 2 juin 2015 par lequel le préfet de police, le préfet du

Val-de-Marne et la maire de Paris ont créé et réglementé l'usage d'une voie réservée, dans le sens province-Paris, les jours ouvrés du lundi au vendredi de 7 à 10 heures, sur une section de l'autoroute A6a et, dans sa continuité, sur une section du boulevard périphérique intérieur parisien.

Par un jugement n° 1510230/3-1 du 24 janvier 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 24 mars 2017, un mémoire en réplique enregistré le 21 novembre 2019, la Fédération française du transport de personnes sur réservation (FFTPR) et les sociétés Transcovo, Snapcar et Transdev Shuttle France représentées par Me B..., demandent à la Cour, dans le dernier état de leurs écritures :

- d'annuler le jugement du 24 janvier 2017 du Tribunal administratif de Paris ;

- d'annuler l'arrêté n° 2015-648 du 2 juin 2015 du préfet de police, du préfet du

Val-de-Marne et de la maire de Paris, en tant qu'il interdit la circulation des voitures de transport avec chauffeur (VTC) à circuler sur la voie réservée créée par cet arrêté ;

- de condamner l'Etat à verser à la FFTPR et aux sociétés Transcovo, Snapcar et Transdev Shuttle France la somme de 3 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- l'arrêté en litige octroie un avantage concurrentiel très significatif aux taxis sans justification d'ordre public ou de poursuite de l'intérêt général, en violation de la liberté d'entreprendre, de commerce et d'industrie et des règles de la concurrence ; les VTC et les taxis sont en concurrence sur le marché de la réservation préalable et doivent dans ce cadre être traités de la même manière pour éviter toute distorsion de concurrence ;

- l'arrêté en litige n'aurait pas été adopté s'il n'accordait aux taxis un avantage substantiel ;

- l'arrêté en litige est incompatible avec le Plan de déplacement urbains d'Ile-de-France (PDUIF).

Par deux mémoires enregistrés le 16 juin 2017 et le 17 janvier 2020, l'Union nationale des industries du taxi (UNIT) représentée par la SCP Piwnica et Molinié conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge in solidum des appelantes le versement de la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 6 février 2018, le ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales,

- le code de l'environnement,

- le code de la route,

- le code des transports,

- le code de commerce,

- le décret n° 2015-1252 du 7 octobre 2015,

- l'arrêté interpréfectoral n° 01-16385 du 31 juillet 2001 modifié relatif aux exploitants et aux conducteurs de taxis dans la zone parisienne,

- l'arrêté du 2 novembre 2015 relatif aux tarifs des courses de taxi,

- le plan de déplacements urbains d'Ile-de-France,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public,

- les observations de Me G... et Me C... pour la Fédération française du transport de personnes sur réservation,

- et les observations de Me D... pour l'Union nationale des industries du taxi.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté n° 2015-648 du 2 juin 2015, le préfet de police, le préfet du

Val-de-Marne et la maire de Paris ont créé sur la voie la plus à droite de l'autoroute A6a dans le sens province-Paris, entre le PR2+540 sur la commune de Villejuif et la fin de l'autoroute au PR0+00 sur la commune de Paris, et dans la continuité, sur la voie la plus à droite du boulevard périphérique intérieur parisien entre la fin de l'autoroute A6a (PR0+000) et la rue du Professeur Hyacinthe Vincent (PR+-300), une voie réservée aux véhicules assurant les services de transport public régulier de personnes, aux véhicules assurant les services du réseau PAM et aux taxis, les jours ouvrés du lundi au vendredi de 7 à 10 heures. La Fédération française du transport de personnes sur réservation (FFTPR) et les sociétés Transcovo, Snapcar et Transdev Shuttle France relèvent appel du jugement du 24 janvier 2017 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cet arrêté, en tant qu'il interdit la circulation des voitures de transport avec chauffeur (VTC) sur la voie réservée créée par cet arrêté.

Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 juin 2015 :

2. En premier lieu, lorsque l'exercice de pouvoirs de police administrative est susceptible d'affecter des activités de production, de distribution ou de services, la circonstance que les mesures de police ont pour objectif la protection de l'ordre public ou, dans certains cas, la sauvegarde des intérêts spécifiques que l'administration a pour mission de protéger ou de garantir, n'exonère pas l'autorité investie de ces pouvoirs de police de l'obligation de prendre en compte également la liberté du commerce et de l'industrie et les règles de concurrence.

3. Les appelantes soutiennent que l'arrêté litigieux octroie un avantage concurrentiel très significatif aux taxis sans justification d'ordre public ni de poursuite de l'intérêt général, en violation des libertés d'entreprendre, de commerce et d'industrie et des règles de la concurrence.

4. D'une part, si le législateur a pour des motifs d'ordre public, notamment de police de la circulation et du stationnement sur la voie publique, réservé aux seuls taxis l'activité consistant à stationner et à circuler sur la voie publique en quête de clients, l'activité de transport particulier de personnes sur réservation préalable peut être exercée tant par les taxis que par les VTC. Toutefois, même dans ce cadre concurrentiel, l'activité des taxis s'exerce dans un cadre réglementaire et tarifaire spécifique régi, en particulier en ce qui concerne la clientèle des aéroports, par les dispositions de l'arrêté du 2 novembre 2015 relatif aux tarifs des courses de taxi, pris en application du décret susvisé du 7 octobre 2015 ou, comme le fait valoir l'UNIT, par l'arrêté interpréfectoral du 31 juillet 2001 relatif aux exploitants et aux conducteurs de taxis dans la zone parisienne qui interdit en son article 26 aux chauffeurs de taxis de refuser toute course demandée depuis l'aéroport de Roissy.

5. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que la limitation aux seuls taxis de la voie réservée litigieuse est justifiée, au regard de l'objectif de fluidification du trafic de la desserte des territoires sud franciliens, notamment la plate-forme aéroportuaire de Paris-Orly, par l'absence de contingentement des VTC. Si les appelantes soutiennent qu'il n'y aurait aucune augmentation du trafic liée à une telle ouverture, dès lors qu'elle aurait pour seule conséquence un report de clientèle des taxis vers les VTC, elles n'apportent aucun élément de nature à l'établir alors que cet axe pourrait être emprunté par de très nombreux véhicules supplémentaires, en dehors même de l'activité de transport de personnes, les véhicules étant autorisés à circuler sans passager, y compris par des véhicules de particuliers dès lors que l'absence de signal lumineux sur les VTC permettant leur identification et leur contrôle, pourrait inciter d'autres véhicules à s'engager sur cette voie. Il ressort également des pièces du dossier que l'avantage octroyé aux taxis est limité à 3,17 km du trajet Orly-Paris, à une partie seulement de la semaine et à 3 heures dans la matinée, l'arrêté prévoyant en outre que le dispositif puisse être désactivé en cas de " situation exceptionnelle ", notamment en cas de congestion excessive du trafic routier sur les autres voies. Enfin, si les appelantes font valoir le gain de temps et les économies de carburant subséquentes, réalisés par les taxis et représentant un avantage décisif pour leur attractivité, notamment pour les abonnements souscrits par les entreprises, elles ne donnent aucun élément permettant d'établir que l'impact économique sur l'activité des entreprises de VTC serait disproportionné aux buts d'intérêt général poursuivis, alors qu'il n'est pas sérieusement contesté que le flux de clientèle en provenance de l'aéroport d'Orly et susceptible de bénéficier de la voie réservée provient en très grande partie de l'activité de transport particulier de personnes sans réservation préalable que les VTC ne sont pas autorisés à exercer.Par suite, le moyen tiré de l'atteinte disproportionnée aux libertés d'entreprendre, de commerce et d'industrie et aux règles de la concurrence, doit être écarté.

6. En deuxième lieu, les appelantes soutiennent que l'arrêté litigieux est incompatible avec le plan de déplacements urbains d'Ile-de-France (PDUIF) approuvé par délibération du conseil régional du 19 juin 2014, en se prévalant de l'objectif énoncé au chapitre 3 " de réguler la concurrence sur le marché de la réservation préalable d'un véhicule par le voyageur entre les taxis et les véhicules de tourisme avec chauffeur ". Il ressort toutefois de ce plan, au demeurant visé par l'arrêté litigieux, que l'action 2.9 qui tend à améliorer " les conditions de circulation des taxis qui peuvent bénéficier, dans certaines conditions, de l'usage des voies réservées aux autobus ", vise à " améliorer les conditions de circulation des taxis en leur facilitant l'accès aux pôles générateurs de trafic (gare, aéroports) et l'entrée dans Paris " et prévoit de " développer les voies réservées aux taxis sur les autoroutes et voies rapides " et d'ouvrir aux taxis " les voies réservées aux bus sur les autoroutes et voies rapides ". Il en résulte, d'une part, que le PDUIF admet l'usage de voies réservées aux taxis, notamment sur l'autoroute, d'autre part, que l'objectif de régulation de la concurrence sur le marché de la réservation préalable n'exclut pas, en tant que tel, la mesure critiquée. Par suite, le moyen ne peut qu'être écarté.

7. Enfin si les appelantes soutiennent que l'arrêté en litige n'aurait pas été adopté s'il n'accordait aux taxis un avantage substantiel, le détournement de pouvoir ainsi allégué n'est pas établi.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la Fédération française du transport de personnes sur réservation (FFTPR) et les sociétés Transcovo, Snapcar et Transdev Shuttle France ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Sur les frais de l'instance :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de rejeter les conclusions de l'Union nationale des industries du taxi (UNIT) présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions des parties appelantes, parties perdantes à l'instance.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la Fédération française du transport de personnes sur réservation (FFTPR), des sociétés Transcovo, Snapcar et Transdev Shuttle France, est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de l'Union nationale des industries du taxi (UNIT) présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié la Fédération française du transport de personnes sur réservation (FFTPR), aux sociétés Transcovo, Snapcar et Transdev Shuttle France, aux ministres de la transition écologique et solidaire et de l'intérieur, à la maire de Paris et à l'Union nationale des industries du taxi (UNIT).

Copie en sera adressée au préfet de police et au préfet du Val-de-Marne,

Délibéré après l'audience du 31 janvier 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme A..., président de chambre,

- Mme E..., présidente assesseure,

- M. Mantz, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 14 février 2020.

La rapporteure,

M. E...Le président,

M. A...Le greffier,

S. GASPAR La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 17PA01017 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA01017
Date de la décision : 14/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Commerce - industrie - intervention économique de la puissance publique - Réglementation des activités économiques - Activités soumises à réglementation - Taxis.

Police - Police générale - Circulation et stationnement - Réglementation de la circulation - Mesures d'interdiction.

Police - Police générale - Circulation et stationnement - Réglementation de certaines activités dans l'intérêt de la circulation - Taxis (voir : Commerce et industrie).


Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Marianne JULLIARD
Rapporteur public ?: M. BARONNET
Avocat(s) : FALALA

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-02-14;17pa01017 ?
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