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11/02/2020 | FRANCE | N°19PA02181

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 11 février 2020, 19PA02181


Vu la procédure suivante :

Par un arrêt n° 16PA01384 du 2 février 2018, la Cour administrative d'appel de Paris a annulé le jugement nos 1606611, 1514904, 1514907 du 19 février 2016 du Tribunal administratif de Paris, condamné l'Etat à verser à la société Highfi les sommes de 384 787 euros et de 334 261 euros au titre des crédits d'impôt recherche lui restant dus au titre des exercices clos en 2009 et 2010, déchargé la société des intérêts de retard de 30 098 euros et de 33 874 euros mis à sa charge respectivement les 15 juin et 15 juillet 2015 et mis à la charge de

l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à la société Highfi sur le fondem...

Vu la procédure suivante :

Par un arrêt n° 16PA01384 du 2 février 2018, la Cour administrative d'appel de Paris a annulé le jugement nos 1606611, 1514904, 1514907 du 19 février 2016 du Tribunal administratif de Paris, condamné l'Etat à verser à la société Highfi les sommes de 384 787 euros et de 334 261 euros au titre des crédits d'impôt recherche lui restant dus au titre des exercices clos en 2009 et 2010, déchargé la société des intérêts de retard de 30 098 euros et de 33 874 euros mis à sa charge respectivement les 15 juin et 15 juillet 2015 et mis à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à la société Highfi sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par des lettres enregistrées les 28 janvier et 29 mars 2019, la société Highfi, représentée par Me B..., a demandé à la Cour, en application des articles L. 911-4 et R. 921-1 du code de justice administrative, d'assurer la complète exécution de cet arrêt.

Par une lettre enregistrée le 28 février 2019, le ministre de l'action et des comptes publics a informé la Cour des mesures prises à cet effet.

Par une lettre enregistrée le 13 juin 2019, la société Highfi a estimé que l'arrêt de la Cour n'avait toujours pas été entièrement exécuté et demandé en conséquence l'ouverture d'une procédure juridictionnelle.

Par une ordonnance du 27 juin 2019, le président de la Cour a décidé l'ouverture de cette procédure.

Par des mémoires, enregistrés le 7 août 2019, le 23 septembre 2019 et le 5 décembre 2019, la société Highfi, représentée par Me B... et Me C..., demande à la Cour :

1°) d'assurer l'entière exécution de l'arrêt n° 16PA01384 du 2 février 2018 de la Cour administrative d'appel de Paris, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, en enjoignant à l'Etat de lui verser une créance complémentaire de 140 528,42 euros, ainsi que les intérêts moratoires correspondants, ayant commencé à courir le 25 juillet 2018, jusqu'à la date de complète exécution de l'arrêt du 2 février 2018 ;

2°) à titre accessoire, de condamner l'Etat à verser une astreinte de 500 euros par jour de retard s'il ne justifie pas avoir assuré l'entière exécution de l'arrêt du 2 février 2018 dans le délai imparti ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa demande devant la Cour est recevable, la règle de la réclamation préalable devant le comptable public ne trouvant pas à s'appliquer dans un litige d'exécution ;

- contrairement à ce que soutient le ministre, le litige, consécutif à la condamnation de l'Etat par la Cour à la restitution de crédits d'impôt recherche, à la suite de vaines réclamations contentieuses présentées à l'administration fiscale, entre dans le champ de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ;

- quand bien même l'arrêt du 2 février 2018 n'a pas explicitement mis à la charge de l'Etat le versement d'intérêts moratoires, ceux-ci sont de droit lorsque l'Etat est condamné par une décision de justice à la restitution d'un crédit d'impôt recherche ;

- en application de la règle selon laquelle les paiements successifs effectués par le comptable public doivent d'abord s'imputer sur les intérêts moratoires dus sur le principal, les sommes de 73 913,21 euros et 66 615,21 euros, dues au titre des années 2009 et 2010 respectivement, sont constitutives de reliquats de crédit d'impôt recherche qui doivent eux-mêmes produire intérêts, du 25 juillet 2018 à la date de complète exécution de l'arrêt du 2 février 2018.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 9 août 2019 et le 29 novembre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que la requête de la société Highfi, qui relève du contentieux du recouvrement, est irrecevable et, en tout état de cause, infondée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme Stoltz-Valette, rapporteur public,

- et les observations de Me B... et de Me C..., représentant la société Highfi.

Considérant ce qui suit :

1. La société Highfi a demandé à l'administration fiscale de lui rembourser les crédits d'impôt recherche auxquels elle s'estimait éligible au titre des années 2009 et 2010. Après avoir obtenu à ce titre des restitutions s'élevant respectivement à 294 905 euros et 286 109 euros au titre de chacune de ces deux années, elle a sollicité, le 17 décembre 2012, le remboursement de crédits complémentaires qu'elle a évalués à 351 118 euros et à 287 385 euros respectivement. Après avoir saisi le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche pour avis, l'administration fiscale a finalement estimé que les crédits d'impôt recherche auquel avait droit la société Highfi n'excédaient pas 70 111 euros en 2009 et 184 099 euros en 2010. Par décision du 12 février 2015, elle a donc refusé de faire droit à ses demandes de restitutions complémentaires. A la suite de propositions de rectification du 24 décembre 2013 et du 18 décembre 2014, contestées par la société Highfi, elle a mis en recouvrement, les 15 juin et 15 juillet 2015, les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés correspondant à ce qu'elle a estimé être un trop versé de crédits d'impôt recherche, à concurrence de 224 794 euros en 2009 et de 184 099 euros en 2010, sommes qu'elle a assorties des intérêts de retard prévus par l'article 1727 du code général des impôts, à concurrence de 30 098 euros et 33 874 euros respectivement.

2. Par un jugement nos 1606611, 1514904, 1514907 du 19 février 2016, le Tribunal administratif de Paris a refusé de faire droit aux demandes de la société Highfi tendant à ce que lui soient restitués les crédits d'impôt recherche auxquels elle estimait avoir droit au titre des années 2009 et 2010. Ce jugement a été annulé par un arrêt de la Cour du 2 février 2018, n° 16PA01384, lequel a condamné l'Etat à verser à la société Highfi les sommes de 384 787 euros et de 334 261 euros au titre des crédit d'impôt recherche lui étant dus au titre des exercices clos en 2009 et 2010, déchargé la société des intérêts de retard de 30 098 euros et de 33 874 euros mis à sa charge respectivement les 15 juin et 15 juillet 2015 et mis à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

3. Pour exécuter cet arrêt, l'administration fiscale a procédé à quatre virements en date du 25 juillet 2018 en faveur de la société Highfi, 384 787 euros et 334 261 euros au titre des crédits d'impôt recherche lui étant dus au titre des années 2009 et 2010, ainsi que 30 098 euros et 33 874 euros au titre des intérêts de retard mis à sa charge au titre de chacune de ces deux années. L'appelante ne conteste pas avoir obtenu en outre le paiement, le 10 juillet 2018, des frais de justice mis à la charge de l'Etat. En revanche, la société Highfi reproche à l'administration fiscale de ne pas avoir assorti la somme globale de 783 020 euros correspondant aux quatre virements du 25 juillet 2018 des intérêts moratoires auxquels elle estime avoir droit.

Sur les intérêts dus :

4. Aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander au tribunal administratif ou à la cour administrative d'appel qui a rendu la décision d'en assurer l'exécution. / (...) Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte. / (...) ". L'article L. 208 du livre des procédures fiscales dispose que : " Quand l'Etat est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal ou quand un dégrèvement est prononcé par l'administration à la suite d'une réclamation tendant à la réparation d'une erreur commise dans l'assiette ou le calcul des impositions, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires dont le taux est celui de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du code général des impôts. Les intérêts courent du jour du paiement. Ils ne sont pas capitalisés. / (...) ".

5. En premier lieu, les restitutions de crédit d'impôt recherche ordonnées par une décision de justice à la suite de vaines réclamations contentieuses devant l'administration fiscale, en l'espèce celle du 17 décembre 2012 par laquelle la société Highfi a sollicité des crédits d'impôt recherche complémentaires de 351 158 euros et 287 395 euros et celles du 30 juillet 2015 par laquelle elle a demandé au service de lui accorder le dégrèvement des sommes de 254 892 euros et 217 893 euros mises à sa charge les 15 juin et 15 juillet 2015, ont le caractère de dégrèvements prononcés par un tribunal au sens de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales. Le ministre de l'action et des comptes publics ne saurait donc soutenir que le litige se trouve hors du champ de cet article pour refuser de faire droit à la demande d'exécution de l'arrêt de la Cour du 2 février 2018.

6. En deuxième lieu, l'exécution d'une décision de justice par laquelle l'Etat est condamné à restituer un crédit d'impôt à un contribuable implique que l'administration fiscale s'exécute en augmentant la restitution due des intérêts moratoires prévus par l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, quand bien même le juge de l'impôt n'en aurait pas fait mention dans sa décision. Contrairement à ce que soutient le ministre, qui ne saurait utilement se prévaloir de ce que la requête de la société Highfi est irrecevable faute d'avoir été précédée d'une réclamation préalable devant le comptable public, le juge de l'exécution peut donc ordonner le versement des intérêts moratoires lorsque l'administration n'y a pas procédé d'office.

7. En troisième et dernier lieu, l'article 1343-1 du code civil dispose que : " Lorsque l'obligation de somme d'argent porte intérêt, le débiteur se libère en versant le principal et les intérêts. Le paiement partiel s'impute d'abord sur les intérêts. / (...) ".

8. Il résulte de l'instruction que la société Highfi a réglé au fisc, le 31 juillet 2015, la somme de 472 865 euros correspondant aux cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, assorties des intérêts de retard correspondants, mises en recouvrement par le service les 15 juin et 15 juillet 2015. Il y a donc lieu de condamner l'Etat à lui verser, au taux de l'intérêt de retard de l'article 1727 du code général des impôts, les intérêts moratoires dus sur cette somme, sur la période ayant couru du 31 juillet 2015 au 25 juillet 2018, date à laquelle elle a été restituée à la société Highfi en exécution de l'arrêt de la Cour du 2 février 2018. Cet arrêt ayant également condamné l'Etat à la restitution d'un surplus de crédits d'impôt recherche s'élevant à 159 993 euros en 2009 et 150 162 euros en 2010, soit 310 155 euros correspondant aux restitutions complémentaires vainement sollicitées par la société Highfi le 17 décembre 2012, il y a lieu de condamner l'Etat à verser à la société les intérêts moratoires dus sur cette somme, sur la période ayant couru du 17 décembre 2012 au 25 juillet 2018, au taux de l'intérêt de retard. Enfin, dès lors qu'en vertu de l'article 1343-1 du code civil, le paiement partiel s'impute d'abord sur les intérêts, comme le demande d'ailleurs en l'espèce la société Highfi, la somme due à titre d'intérêts moratoires devra être regardée par le comptable public comme un reliquat de crédits d'impôt recherche devant lui-même produire intérêts moratoires, au taux de l'intérêt de retard, du 25 juillet 2018 à la date de complète exécution de l'arrêt de la Cour du 2 février 2018.

Sur l'astreinte :

9. Si l'Etat ne justifie pas d'une complète exécution de l'arrêt du 2 février 2018 en procédant au règlement des intérêts moratoires dus conformément à l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, il y aura lieu de prononcer à son encontre une astreinte de 100 euros par jour de retard, jusqu'à la date à laquelle l'arrêt du 2 février 2018 aura reçu complète exécution.

Sur les frais de justice :

10. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des conclusions de la société Highfi présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Une astreinte est prononcée à l'encontre de l'Etat s'il ne justifie pas avoir, dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt, accompli toutes diligences utiles à l'exécution de l'arrêt de la Cour n° 16PA01384 du 2 février 2018, dans les conditions mentionnées au point 8 du présent arrêt, jusqu'à la date de cette exécution. Le taux de cette astreinte est fixé à 100 euros par jour, à compter de l'expiration du délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.

Article 2 : L'Etat versera à la société Highfi la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le ministre de l'action et des comptes publics communiquera au greffe de la Cour administrative d'appel de Paris copie des actes justifiant des mesures prises pour exécuter le présent arrêt.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Highfi, au ministre de l'action et des comptes publics et à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris (pôle contrôle fiscal et affaires juridiques).

Délibéré après l'audience du 28 janvier 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- Mme Hamon, président assesseur,

- Mme A..., premier conseiller,

Lu en audience publique, le 11 février 2020.

Le rapporteur,

C. A...Le président,

C. JARDIN

Le greffier,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19PA02181


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA02181
Date de la décision : 11/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Exécution décision justice adm

Analyses

Procédure - Jugements - Exécution des jugements - Prescription d'une mesure d'exécution.

Procédure - Jugements - Exécution des jugements - Astreinte.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: Mme Christelle ORIOL
Rapporteur public ?: Mme STOLTZ-VALETTE
Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-02-11;19pa02181 ?
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