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11/02/2020 | FRANCE | N°19PA00043

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 11 février 2020, 19PA00043


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Polynésie Perles a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie Française de prononcer la décharge de l'impôt sur les transactions et de la contribution de solidarité territoriale sur les professions et activités non salariées mis à sa charge au titre de l'année 2015 pour un montant total de 19 808 888 francs CFP.

Par un jugement n°s 1800037, 1800274 du 11 décembre 2018, le Tribunal administratif de la Polynésie Française a rejeté ses demandes.

Procédure devant la C

our :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 5 janvier et 7 juin 2019, la société Pol...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Polynésie Perles a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie Française de prononcer la décharge de l'impôt sur les transactions et de la contribution de solidarité territoriale sur les professions et activités non salariées mis à sa charge au titre de l'année 2015 pour un montant total de 19 808 888 francs CFP.

Par un jugement n°s 1800037, 1800274 du 11 décembre 2018, le Tribunal administratif de la Polynésie Française a rejeté ses demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 5 janvier et 7 juin 2019, la société Polynésie Perles, représentée par Me François Quinquis, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n°s 1800037, 1800274 du 11 décembre 2018 du Tribunal administratif de la Polynésie Française ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée devant le tribunal;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'opération de cession de l'ensemble immobilier Atitiafa 1 opérée en 2015 pour un prix de 375 000 000 francs CFP, n'entre pas dans le champ d'application de l'impôt sur les transactions et pas davantage dans celui de la contribution de solidarité territoriale sur les professions et activités non salariées ; en vertu de l'article LP 182-1 du code des impôts de la Polynésie française, seules les cessions d'actifs mobiliers par les entreprises de nature commerciale ou se livrant à des activités commerciales sont taxables à l'impôt sur les transactions, et cet article ne précisant pas, s'agissant d'une vente d'immeubles, quel est le fait générateur, une telle vente ne saurait être taxée ; cet article vise la vente de marchandises, ce qui exclut les cessions immobilières et il ne saurait y avoir taxation en l'absence de fait générateur ; le tribunal n'a pas répondu à ce dernier argument ;

- en tout état de cause l'abattement de 60 % prévu à l'article 188-3-1 dudit code doit lui être accordé et elle entend se prévaloir, à cet égard, de l'instruction fiscale IT-2008 qui ne distingue pas entre éléments mobiliers et immobiliers de l'actif immobilisé ;

Par un mémoire en défense enregistré le 27 mai 2019, le gouvernement de la Polynésie française, représenté par Me Vincent Dubois, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société Polynésie Perles d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- aucun des moyens de la requête n'est fondé.

En application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, la clôture d'instruction a été fixée au 28 juin 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique 2004-192 du 27 février 2004 ;

- le code des impôts de la Polynésie Française ;;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les conclusions de Mme Jimenez, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par acte du 15 décembre 2015, la société civile immobilière (SCI) Polynésie Perles, qui exerce une activité d'administration d'immeubles, a cédé pour un prix de 375 000 000 francs CFP à la Banque de Polynésie, en règlement d'une garantie bancaire pour laquelle elle s'était portée caution, une partie d'un ensemble immobilier Atitiafa 1 dont elle était propriétaire. Suite à cette cession, la SCI Polynésie Perles a déposé une déclaration au titre de l'impôt sur les transactions, intégrant dans les recettes taxables, une somme de 150 000 000 francs CFP au titre de cette opération de cession, éligible selon elle au bénéfice d'un abattement d'assiette de 60%. L'impôt sur les transactions et la contribution de solidarité territoriale sur les professions et activités non salariées ont été liquidés sur la base de la déclaration de l'intéressée et mis en recouvrement par deux rôles du 30 juin 2016. Toutefois, l'administration fiscale, après une procédure de rectification, a mis à la charge de la société Polynésie Perles, au titre de cette opération de cession, des suppléments d'impôt sur les transactions et de contribution de solidarité territoriale, à raison de la remise en cause de l'abattement de 60 % pratiqué par la société, par deux rôles complémentaires du 3 mai 2017. La SCI Polynésie Perles, après avoir en vain demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française de lui accorder la décharge de ces impositions primitives et supplémentaires, pour un montant total de de 19 808 888 francs CFP, relève appel du jugement n°s 1800037, 1800274 du 11 décembre 2018 par lequel ce tribunal a rejeté ses demandes.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. La SCI Polynésie Perles fait valoir qu'alors qu'elle soutenait dans ses écritures produites devant le tribunal administratif que, faute pour l'article LP 182-1 du code des impôts de la Polynésie française de viser les ventes de biens immobiliers et de définir le fait générateur de l'impôt concernant de telles ventes, celles-ci n'entraient pas dans le champ d'application de l'impôt sur les transactions, le tribunal administratif a omis de répondre à ce moyen. Toutefois, les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre dans le détail à tous les arguments présentés par la société à l'appui de son moyen, ont exposé de manière suffisamment complète notamment au point 4. de leur jugement, les motifs pour lesquels la vente d'un actif immobilier était soumise à cette imposition, relevant en particulier que cet impôt s'applique en vertu des articles LP 181-1 et LP 182-2 dudit code aux opérations de toute nature réalisées par les personnes physiques et morales et que le paragraphe 2 de l'article LP 182-2 ne fixe pas une liste limitative des opérations imposables à l'impôt sur les transactions mais se borne à apporter des précisions pour certaines opérations particulières relevant d'une activité autre que salariée ou agricole et qui ne sont pas expressément exonérées, Par suite, si la société a entendu, à cet égard, contester la régularité du jugement attaqué, elle n'est pas fondée à le faire.

Sur l'assujettissement de la cession immobilière à l'impôt sur les transactions et à la contribution de solidarité territoriale sur les professions et activités non salariées :

3. En premier lieu, aux termes de l'article LP.181-1 du code des impôts de la Polynésie française qui détermine le champ d'application de l'impôt sur les transactions : "Les recettes réalisées en Polynésie française par les personnes physiques ou morales qui, habituellement ou occasionnellement, achètent pour revendre ou accomplissent des opérations relevant d'une activité autre qu'agricole ou salariée sont soumises à l'impôt sur les transactions./ Sont passibles de cet impôt les sociétés civiles, sous réserve des dispositions du paragraphe 2 de l'article LP. 112-1 du présent code (...) ". L'article LP.182-2 de ce code précise que : " L'impôt sur les transactions s'applique aux recettes brutes résultant des opérations imposables de toute nature réalisées par les contribuables./Sont notamment considérées comme opérations imposables, les cessions de droit de clientèle ainsi que les cessions d'éléments mobiliers de l'actif immobilisé réalisées en cours ou en fin d'exploitation par les entreprises de nature commerciale ou par toute entreprise se livrant à des activités commerciales, l'appréciation du caractère commerciale de l'activité étant réalisée en fonction des dispositions des articles L. 110-1 et L. 110-2 du code de commerce. Toutefois, les produits exceptionnels résultant de l'apport à une société, lors de sa constitution, de l'ensemble des éléments d'actif immobilisé affectés à l'exercice de l'activité d'une entreprise individuelle ou d'une branche complète de cette activité, à l'exception des marchandises, ne sont pas soumis à l'impôt si l'engagement est pris, dans l'acte d'apport, de pérenniser l'exploitation de ces éléments d'actif pendant une durée minimum de trois années. L'apport doit avoir pour contrepartie exclusive l'attribution d'actions ou de parts sociales pour une valeur au moins égale à la valeur réelle de l'ensemble des éléments d'actif immobilisé apportés, diminuée du passif rattaché aux dits éléments ".

4. Pour contester l'assujettissement de l'opération en cause à l'impôt sur les transactions, la SCI requérante soutient, d'une part, que la vente d'un actif immobilier n'entre pas dans le champ d'application de cet impôt puisqu'elle n'est pas visée par l'article LP 182-2 dans son deuxième paragraphe. Cependant, il résulte des dispositions précitées du code des impôts, que l'impôt sur les transactions s'applique aux opérations de toute nature réalisées par les personnes physiques et morales et relevant d'une activité autre que salariée ou agricole et qui ne sont pas expressément exonérées par d'autres dispositions. Le paragraphe 2 de l'article LP 182-2 ne fixe pas une liste limitative des opérations imposables à l'impôt sur les transactions mais se borne à apporter des précisions concernant certaines opérations particulières.

5. D'autre part, la société Polynésie Perles fait valoir que l'article LP 182-1. du même code, aux termes duquel " Le fait générateur et la valeur imposable sont constitués : -en ce qui concerne les ventes et les échanges, par la livraison des marchandises et par le prix total dont l'acquéreur doit s'acquitter pour en prendre possession ; /- en ce qui concerne les professions libérales et les prestations de services à caractère autre qu'agricole ou salarié par l'exécution du service et par le prix facturé ", ne comporte pas de dispositions spécifiques applicables aux ventes d'immeubles. Toutefois, cette circonstance ne saurait impliquer que ces dernières ne sont pas soumises audit impôt. Au demeurant, il ressort du 3ème alinéa de l'article LP 182-2 précité, qui fixe les conditions dans lesquelles sont exonérés certains produits exceptionnels résultant d'opérations immobilières, que le législateur n'a pas entendu exclure de telles opérations du champ d'application de l'impôt en cause.

6. Il suit de là que l'opération de vente immobilière opérée par la SCI requérante entrait bien, en application du code des impôts susvisé, dans le champ de l'impôt sur les transactions et par voie de conséquence, dans celui de la contribution de solidarité territoriale sur les professions et activités non salariées en vertu de l'article 194-2 du même code, aux termes duquel : " Sont soumises à cette contribution les personnes physiques ou morales assujetties à l'impôt sur les transactions, selon les règles définies au chapitre III du titre Ier de la 1re partie du code des impôts. ".

Sur le droit à un abattement :

7. La SCI Polynésie Perles revendique le bénéfice d'un abattement de 60 % sur le prix de cession des immeubles en se prévalant des dispositions de l'article 188-3-1 du code des impôts de la Polynésie française et d'une instruction de l'administration fiscale en date du

4 juillet 2008.

- Au regard de la loi :

8. Aux termes de l'article 188-3-1 du code des impôts de la Polynésie française : " Un coefficient modérateur de 30 % est appliqué au produit de cession des droits de clientèle ou d'éléments mobiliers de l'actif immobilisé lorsque l'élément cédé figurait au bilan de l'entreprise depuis au moins cinq années. / Lorsque l'élément d'actif cédé figurait au bilan de l'entreprise depuis plus de dix ans, le coefficient modérateur est fixé à 60 %. / Ces dispositions sont applicables aux cessions de droit de clientèle. ". Il résulte clairement de ces dispositions que l'abattement n'est pas ouvert aux cessions d'éléments immobiliers de l'actif immobilisé.

- Au bénéfice de la doctrine :

9. Aux termes de l'article LP. 421-3 du code des impôts de la Polynésie française : " Lorsque le contribuable a appliqué un texte fiscal conformément à l'interprétation qui ressort d'instructions ou circulaires publiées, l'administration ne peut procéder à aucun redressement sur le fondement d'une interprétation différente, à moins que le changement d'interprétation ait été publié et qu'il soit susceptible de s'appliquer aux opérations en

cause. (...) ".

10. La SCI Polynésie Perles se prévaut de l'instruction fiscale n° 1-2008 IT du

4 juillet 2008 émanant du ministre du budget, des finances et des pouvoirs publics du gouvernement de la Polynésie, publiée au Journal Officiel de la Polynésie française le 7 août 2008 et relative aux modalités d'application de l'impôt sur les transactions, laquelle prévoit dans son IV-2-2 intitulé " abattement applicable en cas de vente d'éléments de l'actif professionnel ", sous le n° 46. qu'" Un abattement de 30 % est par ailleurs appliqué au produit de la cession d'un élément de l'actif professionnel lorsque cet élément figurait au bilan de l'entreprise depuis au moins cinq années. / Cet abattement est porté à 60 % lorsque l'élément d'actif cédé figurait au bilan de l'entreprise depuis plus de dix ans. ", et sous le n° 47. que : " L'abattement cité au point 46 est applicable aux cessions de droit de clientèle par les contribuables exerçant une profession libérale. Il est applicable au seul produit de la cession de l'élément en cause ".

11. Si la doctrine énoncée ci-dessus, précise en son point 47 que l'abattement mentionné au point 46 s'applique aux cessions de droits de clientèle opérées par les personnes exerçant une profession libérale, il ne résulte pas des termes de ce point 47, dont il convient de faire une lecture littérale, qu'il limiterait l'abattement en cause à ces seules cessions ou aux seuls éléments mobiliers de l'actif immobilisé, alors que le point 46 indique, sans restriction, que l'abattement s'applique " au produit de la cession d'un élément de l'actif professionnel ", lorsque cet élément figurait au bilan de l'entreprise depuis plus de dix ans. Ainsi, l'interprétation administrative contenue dans cette instruction est plus favorable à la société requérante que l'article 188-3-1 du code des impôts de la Polynésie française, qui limite le champ de l'abattement au produit de cession des droits de clientèle ou d'éléments mobiliers de l'actif immobilisé en excluant, comme il a été dit ci-dessus au point 8., les cessions d'éléments immobiliers de l'actif immobilisé. La société requérante est donc fondée, sur le fondement de l'article LP.421-3 du code des impôts de la Polynésie française, à demander le bénéfice de l'abattement de 60% par application littérale de cette doctrine, dès lors qu'il est constant que les immeubles cédés par acte du 15 décembre 2015 constituaient un élément de son actif immobilisé et figuraient à son bilan depuis plus de dix ans. A cet égard, si le gouvernement de la Polynésie française fait valoir que l'instruction susénoncée, en ce qu'elle ajouterait à la loi du pays serait illégale, cette circonstance ne saurait, sauf à priver de toute portée la garantie instituée par le 1er alinéa de l'article LP 421-3, faire obstacle à ce que la doctrine contenue dans cette instruction, en l'absence de toute décision juridictionnelle l'ayant déclarée contraire aux lois et règlements, lui soit opposée.

12. De tout ce qui précède il résulte que la société Polynésie Perles est seulement fondée à obtenir la décharge des suppléments d'impôt sur les transactions et de contribution de solidarité territoriale sur les professions et activités non salariées mis à sa charge suite à la remise en cause de l'application du coefficient modérateur de 60% au produit de la cession d'une partie de l'ensemble immobilier Atitiafa 1 en date du 15 décembre 2015 opérée au bénéfice de la Banque de Polynésie pour un prix de 375 000 000 francs CFP, et la réformation du jugement attaqué. En application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le gouvernement de la Polynésie française versera à la société Polynésie Perles une somme de

1 500 euros. Les conclusions présentées sur le fondement de cet article par la Polynésie française ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La société Polynésie Perles est déchargée des suppléments d'impôt sur les transactions et de contribution de solidarité territoriale sur les professions et activités non salariées mis à sa charge suite à la remise en cause de l'application du coefficient modérateur de 60% au produit de la cession immobilière en date du 15 décembre 2015 opérée au bénéfice de la Banque de Polynésie pour un prix de 375 000 000 francs CFP.

Article 2 : Le jugement n°s 1800037, 1800274, du Tribunal administratif de la Polynésie française en date du 11 décembre 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le gouvernement de la Polynésie française versera à la société Polynésie Perles une somme de 1 500 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

Article 4: Le surplus de la requête de la société Polynésie Perles est rejeté.

Article 5 : Les conclusions du gouvernement de la Polynésie française présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Polynésie Perles et au gouvernement de la Polynésie française.

Délibéré après l'audience du 29 janvier 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme A..., président assesseur,

- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.

Lu en audience publique le 11 février 2020.

Le rapporteur,

S. APPECHELe président,

I. BROTONS

Le greffier,

S. DALL'AVA

La République mande et ordonne au Haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 19PA00043 4


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA00043
Date de la décision : 11/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Sylvie APPECHE
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : SELARL JURISPOL

Origine de la décision
Date de l'import : 21/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-02-11;19pa00043 ?
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