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06/02/2020 | FRANCE | N°18PA01918

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 06 février 2020, 18PA01918


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... G... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 27 septembre 2016 par laquelle l'inspectrice du travail de l'unité territoriale de Seine-et-Marne a autorisé son licenciement, ainsi que la décision du 13 janvier 2017 de la ministre chargée du travail en tant qu'elle s'est déclarée incompétente.

Par un jugement n° 1702590 du 6 avril 2018, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mé

moires enregistrés les 6 juin 2018, 29 novembre 2018 et

19 mars 2019, M. G..., représenté pa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... G... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 27 septembre 2016 par laquelle l'inspectrice du travail de l'unité territoriale de Seine-et-Marne a autorisé son licenciement, ainsi que la décision du 13 janvier 2017 de la ministre chargée du travail en tant qu'elle s'est déclarée incompétente.

Par un jugement n° 1702590 du 6 avril 2018, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 6 juin 2018, 29 novembre 2018 et

19 mars 2019, M. G..., représenté par Me D... B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Melun du 6 avril 2018 ;

2°) d'annuler la décision de l'inspecteur du travail du 27 septembre 2016 et la décision du ministre du 13 janvier 2017 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat et de la société Kéolis la somme de 3 000 euros chacun sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal ne lui a pas communiqué l'ensemble des écritures de l'administration et de la société Kéolis en méconnaissance du contradictoire ;

- le jugement n'est pas suffisamment motivé, notamment quant aux faits reprochés et à leur date ;

- dès lors que l'autorisation de le licencier accordée en 2013 avait été annulée, une nouvelle période complémentaire de protection de douze mois courait à compter de sa réintégration ;

- la qualité de salarié protégé doit s'apprécier à la date des faits reprochés et non à celle de la convocation pour l'entretien préalable au licenciement ;

- à la date de la convocation, il bénéficiait encore de la protection des salariés protégés ;

- la décision de l'inspectrice du travail n'a pas disparu de l'ordonnancement juridique ;

- elle ne justifie pas de sa compétence personnelle et elle n'est pas territorialement compétente ;

- les faits étaient prescrits ;

- les faits sont inexacts et le doute doit lui profiter ;

- la faute alléguée n'était pas suffisamment grave.

Par un mémoire enregistré le 14 février 2019, le ministre du travail conclut au rejet de la requête

Le ministre, qui renvoie à ses écritures de première instance, soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 11 avril 2019, la société Keolis Roissy Services Aéroportuaires conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge du requérant la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

La clôture de l'instruction est intervenue le 6 mai 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- les conclusions de Mme Pena, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant M. G... et de Me A..., représentant la société Kéolis Roissy Services aéroportuaires.

Considérant ce qui suit :

1. Le 5 août 2016, la société Kéolis Roissy Services aéroportuaires a demandé à l'inspecteur du travail l'autorisation de licencier pour un motif disciplinaire M. C... G..., chauffeur d'autocar. Par une décision du 27 septembre 2016, l'inspectrice du travail de l'unité territoriale du Val-de-Marne a fait droit à cette demande. Saisi par M. G... d'un recours hiérarchique, le ministre du travail, par une décision du 3 janvier 2017, après avoir considéré que le demandeur ne pouvait pas se prévaloir d'une protection attachée à un mandat, a annulé la décision de l'inspectrice du travail en considérant qu'elle n'avait pas compétence pour statuer sur la demande d'autorisation de licenciement présentée par l'employeur, et décidé en conséquence qu'il n'y avait pas lieu davantage pour lui d'y statuer.

2. M. G... relève appel du jugement du 6 avril 2018 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant d'une part à l'annulation de la décision du ministre du 3 janvier 2017, d'autre part à la décision de l'inspectrice du travail du 27 septembre 2016.

Sur la régularité du jugement :

3. Il ressort du dossier de première instance que l'ensemble des écritures des défendeurs, et notamment les mémoires en défense de l'administration et de la société Kéolis, a été communiqué à M. G.... Le principe du contradictoire a donc été respecté. Par ailleurs, le jugement mentionne en son point 10 la date des faits reprochés au salarié. Compte tenu du motif qu'ils retenaient pour rejeter la demande, les premiers juges n'étaient pas tenus de préciser la nature de ces faits. Le jugement n'est pas insuffisamment motivé. Les moyens tirés de son irrégularité doivent être écartés.

Sur le bienfondé du jugement :

4. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Cette autorisation est requise si le salarié bénéficie de la protection attachée à son mandat à la date de l'envoi par l'employeur de sa convocation à l'entretien préalable au licenciement.

5. Aux termes de l'article L. 2411-3 du code du travail : " Le licenciement d'un délégué syndical ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail. / Cette autorisation est également requise pour le licenciement de l'ancien délégué syndical, durant les douze mois suivant la date de cessation de ses fonctions, s'il a exercé ses dernières pendant au moins un an. / (...) ". Aux termes de l'article L. 2411-8 de ce code : " / (...) / L'ancien membre élu du comité d'entreprise ainsi que l'ancien représentant syndical qui, désigné depuis deux ans, n'est pas reconduit dans ses fonctions lors du renouvellement du comité bénéficient également de cette protection pendant les six premiers mois suivant l'expiration de leur mandat ou la disparition de l'institution / (...) ". Aux termes de l'article L. 2422-2 de ce code : " Le délégué du personnel ou le membre du comité d'entreprise dont la décision d'autorisation de licenciement a été annulée est réintégré dans son mandat si l'institution n'a pas été renouvelée. Dans le cas contraire, il bénéficie pendant une durée de six mois, à compter du jour où il retrouve sa place dans l'entreprise, de la protection prévue à l'article L. 2411-5. ".

6. Alors qu'il était salarié de la société Transdev, M. G... avait été désigné délégué syndical. Il n'a pas été redésigné après les élections professionnelles du 19 avril 2013 au sein de cette société car son syndicat n'a pas atteint le seuil de représentativité de 10%. La protection au titre du mandat de délégué syndical expirait donc le 19 avril 2014. La circonstance que la décision du ministre chargé du travail du 9 aout 2013, autorisant son licenciement, lequel est intervenu le 26 aout 2013, ait été annulée par un jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 26 octobre 2015, qu'il ait sollicité sa réintégration le 16 décembre 2015 et que son contrat de travail ait été transféré vers la société Keolis Roissy Services Aéroportuaires le

19 janvier 2016, n'a pas eu pour effet d'interrompre la protection de douze mois dont il bénéficiait en vertu de l'article L. 2411-3 du code du travail ni de lui conférer le bénéfice d'une nouvelle période de protection. Le 19 juillet 2016, date de l'envoi par la société Keolis de sa convocation à l'entretien préalable au licenciement, il ne bénéficiait donc plus de la protection au titre de son mandat syndical.

7. Par ailleurs, M. G... était, de droit, en sa qualité de délégué syndical, représentant syndical au comité d'entreprise de la société Transdev en application des dispositions des articles L. 2324-2 et L. 2143-22 du code du travail. Il bénéficiait donc, en application de l'article L. 2422-2 du code du travail précité, d'une protection d'une durée de six mois à la date de sa réintégration. Il doit être regardé comme ayant été réintégré à compter du

16 décembre 2015, date à laquelle il a demandé sa réintégration. La protection expirait donc le 16 juin 2016. Ainsi, c'est à bon droit que le ministre du travail a retenu que le 19 juillet 2016, date de convocation à l'entretien préalable, M. G... n'était plus protégé. Si le requérant soutient que les faits qui lui sont reprochés se sont produits entre janvier et juin 2016, soit pendant la période de protection, et qu'ils devaient être soumis à l'administration, il résulte des principes rappelés au point 4 que la date à laquelle s'apprécie la qualité de salarié protégé est celle à laquelle la convocation à l'entretien préalable au licenciement est envoyée.

8. Ainsi, c'est à bon droit que, par la décision contestée, le ministre du travail a annulé la décision du 27 septembre 2016 par laquelle l'inspectrice du travail de l'unité territoriale de Seine-et-Marne a autorisé le licenciement, et qu'il a décidé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur la demande d'autorisation de licenciement présentée par la société Keolis Roissy Services Aéroportuaires. La décision de l'inspecteur du travail ayant été annulée par le ministre, les conclusions du requérant tendant à son annulation ne peuvent être accueillies et en tout état de cause, eu égard au motif d'annulation retenu par le ministre, les moyens dont elles sont assorties sont inopérants.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. G... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

10. Les conclusions de M. G... tendant à ce que soient mis à la charge de l'Etat et de la société Keolis Roissy Services Aéroportuaires, qui ne sont pas les parties perdantes, les frais exposés et non compris dans les dépens ne peuvent qu'être rejetées. Il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de faire droit aux conclusions présentées par la société Keolis Roissy Services Aéroportuaires sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. G... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société Keolis Roissy Services Aéroportuaires sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... G..., au ministre du travail et à la société Kéolis Roissy services aéroportuaires. Copie en sera adressée à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France.

Délibéré après l'audience du 21 janvier 2020, à laquelle siégeaient :

- M. F..., premier vice-président,

- M. E..., président assesseur,

- Mme Mornet, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 6 février 2020.

Le rapporteur,

Ch. E...Le président,

M. F...

Le greffier,

A. DUCHER

La République mande et ordonne au ministre du travail en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 10PA03855

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N° 18PA01918


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA01918
Date de la décision : 06/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés.


Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: M. Christian BERNIER
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : BAÏTA

Origine de la décision
Date de l'import : 10/03/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-02-06;18pa01918 ?
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