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05/02/2020 | FRANCE | N°19PA00826

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 05 février 2020, 19PA00826


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler les décisions implicites par lesquelles le maire de la commune de Saint-Sauveur-sur-Ecole a rejeté ses demandes tendant à ce qu'il prenne des mesures de réglementation de la circulation et du stationnement dans la zone d'activité de la Mare aux Trois Saules, d'enjoindre à la commune de Saint-Sauveur-sur-Ecole d'adopter, sous astreinte, des mesures de réglementation de la circulation et du stationnement dans la zone d'activité de la Mare au

x Trois Saules dans un délai de six mois à compter de la décision à int...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler les décisions implicites par lesquelles le maire de la commune de Saint-Sauveur-sur-Ecole a rejeté ses demandes tendant à ce qu'il prenne des mesures de réglementation de la circulation et du stationnement dans la zone d'activité de la Mare aux Trois Saules, d'enjoindre à la commune de Saint-Sauveur-sur-Ecole d'adopter, sous astreinte, des mesures de réglementation de la circulation et du stationnement dans la zone d'activité de la Mare aux Trois Saules dans un délai de six mois à compter de la décision à intervenir, et de mettre à la charge de la commune de Saint-Sauveur-sur-Ecole la somme de

2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Par un jugement n° 1609865 du 28 décembre 2018, le Tribunal administratif de Melun a annulé les décisions implicites de rejet de la commune de Saint-Sauveur-sur-Ecole, des demandes de M. D... de règlementation de la circulation et du stationnement dans la zone d'activité de la Mare aux Trois Saules, a enjoint à la commune de Saint-Sauveur-sur-Ecole de prendre, dans un délai de deux mois, les mesures de nature à faire obstacle au stationnement des véhicules sur la chaussée et les trottoirs de cette zone d'activité et a mis à la charge de la commune de Saint-Sauveur-sur-Ecole une somme de 1 500 euros à verser à M. D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 22 février 2019 et 22 juillet 2019, la commune de Saint-Sauveur sur Ecole, représentée par Me E..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Melun du 28 décembre 2018 ;

2°) de rejeter la demande de première instance de M. D....

3°) de mettre à la charge de M. D... une somme de 5 000 euros au titre des frais exposés en première instance et en appel en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a à tort, jugé que la demande était recevable alors qu'elle était tardive, ayant été présentée plus de deux mois après la formation d'une décision implicite de rejet en mars 2016 et, en tout état de cause, plus d'un an après la décision orale qui lui avait été signifiée par le maire le 17 octobre 2015.

- le tribunal aurait dû aussi rejeter la demande pour irrecevabilité dès lors qu'elle était dirigée contre une décision purement confirmative de décisions antérieures de rejet de précédentes demandes de M. D... ;

- le tribunal a à tort, jugé que le maire aurait dû mettre en oeuvre ses pouvoirs de police du stationnement et de la circulation alors que la situation de la zone ne le justifiait pas, et que la demande résultait de l'animosité de M. D... à l'égard de ses voisins et de l'équipe municipale ;

- à supposer qu'il y ait des problèmes de stationnement devant le garage de M. D..., ils trouvent leur origine dans le comportement des entreprises voisines et non dans une carence du maire.

- la configuration de la zone permet d'assurer une bonne circulation routière et les pièces produites n'établissent pas la nécessité d'une intervention du maire dans le cadre de ses pouvoirs de police.

Par des mémoires en défense enregistrés les 19 avril 2019 et 29 octobre 2019, M. D..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Sauveur sur Ecole une somme de

5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des générales collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F...,

- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public,

- les observations de Me C... pour la commune de Saint-Sauveur-sur-Ecole,

- et les observations de Me B... pour M. D....

Considérant ce qui suit :

1. Propriétaire d'une maison individuelle et exploitant d'un garage dans la zone d'activité de la Mare aux Trois Saules, sur le territoire de la commune de Saint-Sauveur-sur-Ecole, M. D... a adressé le 6 janvier 2016 au maire de la commune une lettre, faisant suite à d'autres démarches, se plaignant des conditions de stationnement et de circulation dans la zone, en même temps qu'il saisissait également le préfet par un autre courrier du même jour. Dans le silence de la commune, il a saisi le Tribunal administratif de Melun d'une requête qui, telle que complétée par des mémoires ultérieurs, tendait à l'annulation de la décision implicite de rejet par le maire de sa demande de mise en oeuvre d'une règlementation appropriée pour faciliter le stationnement et la circulation dans la zone. Faisant droit à cette demande le tribunal a, par jugement du 28 décembre 2018, annulé cette décision et enjoint à la commune de prendre, dans un délai de deux mois, les mesures de nature à faire obstacle au stationnement des véhicules sur la chaussée et les trottoirs de la zone d'activité de la Mare aux Trois Saules. Par la présente requête la commune interjette appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. " ; Aux termes de l'article R. 421-5 du même code: " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ".

3. La commune requérante, qui ne conteste plus en appel que la demande de première instance était dirigée contre la décision implicite de rejet de la demande contenue dans la lettre en date du 6 janvier 2016 adressée par M. D... au maire, oppose en revanche la tardiveté de cette action dès lors que la décision implicite contestée aurait été formée en mars 2016 et que néanmoins le tribunal n'a été saisi que le 30 novembre suivant. Toutefois il n'est ni établi ni même allégué que la commune aurait accusé réception de la demande de M. D... du 6 janvier 2016 et l'aurait informé de la date à laquelle une décision implicite de rejet serait formée, ni des voies et délais de recours applicables ; par suite ce délai de recours n'a pu commencer à courir.

4. Par ailleurs la commune rappelle, certes, que le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance, et qu'en une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable qui, en règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance.

5. Toutefois, la décision implicite contestée, en tant qu'elle porte refus par le maire de mettre en oeuvre ses pouvoirs de police pour règlementer la circulation a le caractère d'une décision règlementaire. Par suite la commune ne peut, en tout état de cause, utilement invoquer la règle

ci-dessus rappelée, qui ne s'applique qu'aux décisions individuelles.

6. La commune soutient également que cette demande aurait été dirigée contre une décision confirmative dès lors que la décision implicite de rejet de la demande du 6 janvier 2016 faisait suite à d'autres demandes de même objet adressées par M. D... au maire et qui avaient été également rejetées. Toutefois s'il est vrai que le demandeur de première instance sollicitait l'annulation des " décisions implicites par lesquelles le maire de la commune de Saint-Sauveur-sur-Ecole a rejeté (ses) demandes " et évoque à plusieurs reprises celles-ci, ces demandes ne figurent pas au dossier et aucune précision n'est apportée sur leur objet exact et sur leur date. Il ne peut dans ces conditions être tenu pour établi ni qu'elles auraient eu le même objet que celle contenue dans la lettre du 6 janvier 2016, ni qu'elles auraient été présentées à des dates telles que la décision implicite de rejet de sa demande du 6 janvier 2016 serait purement confirmative de précédentes décisions définitives. Par suite la commune de Saint-Sauveur-sur-Ecole n'est pas fondée à soutenir que le tribunal aurait à tort fait droit aux conclusions d'une demande irrecevable.

7. Aux termes de l'article L. 2212-1 du code général des collectivités territoriales : " Le maire est chargé (...) de la police municipale (...) " et aux termes de l'article L. 2212-2 du même code : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment 1°) Tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques (...) ". Aux termes de l'article L. 2213-2 de ce code : " Le maire peut, par arrêté motivé, eu égard aux nécessités de la circulation et de la protection de l'environnement : (...) 2° Réglementer l'arrêt et le stationnement des véhicules ou de certaines catégories d'entre eux, ainsi que la desserte des immeubles riverains (...) ".

8. Il ressort des pièces du dossier et notamment des photographies produites, y compris par la commune elle-même, ainsi que de l'attestation de l'exploitant d'une autre société dont le siège est également situé dans la zone d'activité de la Mare aux Trois Saules, que des voitures et des poids lourds stationnent fréquemment sur les trottoirs de cette zone d'activité, gênant la circulation des piétons et compromettant leur sécurité en les contraignant à marcher sur la voie. Si la commune fait valoir que la zone en cause dispose de deux accès et d'une large voie, ces caractéristiques, si elles sont de nature à faciliter la circulation, ne permettent pas de remettre en cause la réalité des problèmes de stationnement sur les trottoirs. Par ailleurs les circonstances que M. D... serait en conflit avec le maire et l'équipe municipale issue des élections de 2014 et aurait entrepris cette procédure en raison de son animosité à leur égard, qu'il serait en conflit également avec certains voisins, ou qu'il contribuerait lui-même aux difficultés de stationnement dans la zone, sont sans incidence sur le constat de l'existence de ces difficultés et par suite de l'obligation pour le maire, dans le cadre de l'exercice de ses pouvoirs de police, de prendre des mesures en conséquence. De même, si la commune fait valoir que les problèmes de stationnement seraient dus à l'attitude des occupants de la zone eux-mêmes, cette circonstance ne dispensait pas le maire de prendre, dans le cadre de ses pouvoirs de police, les mesures nécessaires pour remédier à ces désordres.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Saint-Sauveur-sur-Ecole n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a annulé les décisions implicites de rejet par la commune de Saint-Sauveur-sur-Ecole des demandes de M. D... de règlementation de la circulation et du stationnement dans la zone d'activité de la Mare aux Trois Saules, et a enjoint à la commune de Saint-Sauveur-sur-Ecole de prendre, dans un délai de deux mois, les mesures de nature à faire obstacle au stationnement des véhicules sur la chaussée et les trottoirs de cette zone d'activité.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. D..., qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par la commune de Saint-Sauveur-sur-Ecole au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Saint-Sauveur-sur-Ecole la somme demandée par M. D... sur le même fondement.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Saint-Sauveur-sur-Ecole est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de M. D... présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et à la commune de Saint-Sauveur sur Ecole.

Délibéré après l'audience du 21 janvier 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- Mme F... premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 février 2020.

Le rapporteur,

M-I. F...Le président,

O. FUCHS TAUGOURDEAU

Le greffier,

A-L. CHICHKOVSKY PASSUELLO

La République mande et ordonne au préfet de Seine-et-Marne en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19PA00826


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA00826
Date de la décision : 05/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-04-01 Police. Police générale. Circulation et stationnement.


Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: Mme Marie-Isabelle LABETOULLE
Rapporteur public ?: M. BAFFRAY
Avocat(s) : DSC AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-02-05;19pa00826 ?
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