Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... E... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 4 août 2016 par lequel la maire de Paris lui a infligé la sanction du blâme et de lui accorder une somme de 2 000 euros en réparation de son préjudice moral.
Par un jugement n° 1617223/2-1 du 6 février 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 3 avril 2018, Mme E..., représentée par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1617223/2-1 du 6 février 2018 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
2°) d'annuler l'arrêté du 4 août 2016 par lequel la maire de Paris lui a infligé la sanction de blâme ;
3°) de condamner le centre d'action sociale de la ville de Paris à lui verser une somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
4°) de désigner un expert médical ;
5°) de mettre à la charge du centre d'action sociale de la ville de Paris le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le principe du contradictoire a été méconnu par la ville de Paris dès lors qu'elle n'a pas communiqué à son conseil la note en délibéré produite devant le tribunal ;
- la note en délibéré était irrecevable et devait être écartée ;
- l'arrêté du 4 août 2016 a été pris par une autorité incompétente ;
- l'autorité territoriale a refusé de communiquer son dossier administratif à son avocat ;
- elle n'a pas disposé d'un délai suffisant pour prendre connaissance de son dossier et préparer sa défense ;
- elle n'a pas été invitée à un entretien préalable ;
- l'arrêté attaqué n'est pas motivé ;
- elle n'a pas commis de faute de nature à justifier une sanction ;
- la sanction de blâme est manifestement disproportionnée ;
- la sanction est entachée d'un détournement de pouvoir ;
- elle a été victime de harcèlement moral ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 mai 2018, le centre d'action sociale de la ville de Paris, représenté par Me F..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme E... une somme de 1 296 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la requête est irrecevable dès lors qu'elle ne conclut pas à l'annulation du jugement du Tribunal administratif de Paris, lequel n'est pas joint ;
- les conclusions indemnitaires sont irrecevables en application de l'article R. 421-1 du code de justice administrative ;
- les conclusions aux fins de désignation d'un expert sont irrecevables à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir ;
- les moyens soulevés par Mme E... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 11 octobre 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au
12 novembre 2019 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mach, premier conseiller,
- les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public,
- et les observations de Me Debarre, avocat du centre d'action sociale de la ville de Paris.
Considérant ce qui suit :
1. Mme E..., aide-soignante de classe supérieure affectée à l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Julie Siegfried à Paris, a fait l'objet d'une sanction de blâme par arrêté du 4 août 2016 de la maire de Paris, agissant en qualité de présidente du conseil d'administration du centre d'action sociale de la ville de Paris. Mme E... relève appel du jugement du Tribunal administratif de Paris du 6 février 2018 rejetant sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 août 2016 et à la condamnation du centre d'action sociale de la ville de Paris au versement d'une indemnité en réparation de son préjudice moral.
Sur les fins de non-recevoir opposées par le centre d'action sociale de la ville de Paris :
2. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. (...) ".
3. La requête d'appel présentée par Mme E... précise qu'elle interjette appel du jugement rendu par le Tribunal administratif de Paris du 6 février 2018. Elle énonce ainsi des conclusions d'appel, alors même qu'elle se borne dans la partie conclusive à réitérer les conclusions présentées en première instance. Par suite, la requête d'appel satisfait aux exigences de l'article
R. 411-1 du code de justice administrative.
4. Aux termes de l'article R. 412-1 du code de justice administrative : " La requête doit, à peine d'irrecevabilité, être accompagnée, sauf impossibilité justifiée, de l'acte attaqué (...) ".
5. Il ressort des pièces du dossier que la requête d'appel présentée par Mme E... était accompagnée du jugement attaqué du Tribunal administratif de Paris du 6 février 2018. Par suite, la fin de non-recevoir tirée du défaut de production du jugement attaqué ne peut être qu'écartée.
6. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " (...) / Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle. ".
7. Mme E... n'allègue ni n'établit avoir formé une demande devant l'administration tendant au versement d'une somme de 5 000 euros en réparation du préjudice moral subi par la décision lui infligeant une sanction de blâme. En l'absence de décision expresse ou implicite prise par l'administration, y compris en cours d'instance, sur une demande formée par Mme E..., les conclusions indemnitaires présentées par Mme E... sont irrecevables et doivent, ainsi que le fait valoir le centre d'action sociale de la ville de Paris, être rejetées pour ce motif.
Sur la régularité du jugement attaqué :
8. Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe. / La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-3, R. 611-5 et R. 611-6. / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux. " Aux termes de l'article R. 611-3 du même code : " Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication, sauf réouverture de l'instruction. ". Lorsqu'il est saisi, postérieurement à la clôture de l'instruction et au prononcé des conclusions du rapporteur public, d'une note en délibéré émanant d'une des parties à l'instance, et conformément au principe selon lequel, devant les juridictions administratives, le juge dirige l'instruction, il lui appartient d'en prendre connaissance avant la séance au cours de laquelle sera rendue la décision. S'il a toujours la faculté, dans l'intérêt d'une bonne justice, de rouvrir l'instruction et de soumettre au débat contradictoire les éléments contenus dans la note en délibéré, il n'est tenu de le faire à peine d'irrégularité de sa décision que si cette note contient soit l'exposé d'une circonstance de fait dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, soit d'une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d'office.
9. Il ressort des pièces du dossier que, postérieurement à la clôture de l'instruction et au prononcé des conclusions du rapporteur public, le centre d'action sociale de la ville de Paris a produit une note en délibéré le 23 novembre 2017 comportant des pièces relatives à la compétence du signataire de la décision contestée, et notamment son arrêté de nomination et des justificatifs de l'absence de la directrice générale de l'EHPAD concerné. Si le centre d'action sociale de la ville de Paris était en mesure de produire ces éléments de faits antérieurement à la clôture de l'instruction, le tribunal pouvait, comme il en a la faculté, se fonder sur cette production sous réserve de rouvrir l'instruction et de soumettre au débat contradictoire les éléments contenus dans cette production. Il ressort des pièces du dossier qu'après avoir réouvert l'instruction, le tribunal a communiqué ces éléments à Mme E... le 27 novembre 2017 et a fixé une nouvelle date d'audience au 6 février 2018. La circonstance que le centre d'action sociale de la ville de Paris a produit une note en délibéré quelques jours avant la date de lecture initialement prévue et n'a pas communiqué spontanément et par courtoisie au conseil de Mme E... cette note n'est pas de nature à méconnaître le caractère contradictoire de l'instruction, laquelle relève de la seule compétence du juge. Par suite, le moyen tiré de la violation du principe du contradictoire doit être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
10. L'arrêté contesté a été signée par Mme G... H..., directrice adjointe de l'EHPAD Julie Siegfried. Il est constant que celle-ci ne disposait d'aucune délégation régulièrement publiée à l'effet de signer une sanction de blâme, l'article 13 de l'arrêté de la maire de Paris du 16 juin 2016 portant délégation de signature à la directrice générale du centre d'action sociale de la ville de Paris et à certains de ses collaborateurs donnant compétence uniquement à Mme B... I..., en sa qualité de directrice de l'EHPAD Julie Siegfried à l'effet de signer les arrêtés infligeant la sanction disciplinaire du blâme aux agents placés sous son autorité. Le centre d'action sociale de la ville de Paris fait valoir qu'à la date de la décision contestée, Mme B...
I... était absente pour congés annuels et que Mme G... H... assurait la suppléance de la directrice afin de ne pas paralyser la continuité du service public. Si cette dernière avait vocation, tant par la place qu'elle occupait dans la hiérarchie du service que par le rôle qu'elle assumait au sein de l'EHPAD, à assurer d'office, même dans le silence des textes, la suppléance de la directrice de l'établissement en cas d'absence de cette dernière, elle n'était ainsi investie des pouvoirs de la directrice de l'EHPAD que pour permettre le fonctionnement régulier et continu du service. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision prononçant la sanction de blâme à l'encontre de Mme E..., qui a été prise le 4 août 2016, soit la veille de la fin des congés de la directrice de l'EHPAD, pour des faits commis en avril 2016, revêtait un caractère d'urgence ou était nécessaire pour permettre le fonctionnement régulier et continu du service dans l'attente du retour de la directrice. Dans ces conditions, Mme H..., qui disposait certes d'une délégation de signature de la maire de Paris pour certaines décisions relevant de la gestion des ressources humaines, mais à l'exclusion des sanctions disciplinaires, n'était pas compétente pour signer l'arrêté contesté. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté doit être accueilli.
11. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de désigner un expert médical et de statuer sur les autres moyens de la requête, que Mme E... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre d'action sociale de la ville de Paris une somme de 1 500 euros à verser à Mme E... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de Mme E..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que le centre d'action sociale de la ville de Paris demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1617223/2-1 du 6 février 2018 du Tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 4 août 2016 de la maire de Paris est annulé.
Article 3 : Le centre d'action sociale de la ville de Paris versera à Mme E... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme E... est rejeté.
Article 5 : Les conclusions présentées par le centre d'action sociale de la ville de Paris au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... E... et au centre d'action sociale de la ville de Paris.
Délibéré après l'audience du 17 janvier 2020, à laquelle siégeaient :
- Mme A..., président de chambre,
- M. Mantz, premier conseiller,
- Mme Mach, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 31 janvier 2020.
Le rapporteur,
A-S MACHLe président,
M. A...Le greffier,
S. GASPAR
La République mande et ordonne au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 18PA01117 2