Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
D'une part, M. E... a demandé au Tribunal administratif de La Réunion d'annuler la décision du 1er juillet 2013 par laquelle le président du conseil régional de La Réunion, suite à la suppression de son poste de " directeur énergie climat " et au rejet de sa candidature pour le poste de directeur de l'énergie et de l'environnement, a précisé les modalités d'exercice de ses fonctions dans l'attente d'une nouvelle affectation.
M. E... a également demandé au Tribunal administratif de La Réunion d'annuler la décision du 25 septembre 2013 par laquelle le président du conseil régional de La Réunion n'a que partiellement accueilli sa demande de protection fonctionnelle du 17 juillet 2013.
Par un jugement nos 1300867-1301312 du 13 avril 2017, le Tribunal administratif de La Réunion a joint ces demandes et les a rejetées.
D'autre part, M. E... a demandé au Tribunal administratif de La Réunion d'annuler la décision du 27 mai 2014 par laquelle le président du conseil régional de La Réunion a suspendu le versement de sa rémunération pour absence de service fait.
M. E... a également demandé au Tribunal administration de La Réunion d'annuler l'arrêté du 1er août 2014 par lequel le président du conseil régional de La Réunion a rejeté sa demande d'autorisation de cumul d'activité.
Par un jugement nos 1400549, 1401191 du 13 avril 2017, le Tribunal administratif de la La Réunion a joint ces demandes et les a rejetées.
Procédure devant la Cour :
I) Par une requête enregistrée le 13 juillet 2017 sous le n° 17PA22217, dont le jugement a été attribué à la Cour administrative d'appel de Paris par ordonnance du président de la section du contentieux de Conseil d'Etat du 1er mars 2019, sur le fondement des dispositions de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, M. E..., représenté par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement nos 1400549-1401191 du Tribunal administratif de La Réunion en date du 13 avril 2017 ;
2°) d'annuler les décisions par lesquelles le président du conseil régional de La Réunion a suspendu le versement de sa rémunération pour absence de service fait et a rejeté sa demande d'autorisation de cumul d'activité ;
3°) de mettre à la charge de la région Réunion une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'appréciation qualitative du service fait ne peut pas permettre une retenue de la rémunération dans la fonction publique territoriale ;
- il était bien présent à compter du 9 mai 2014 ;
- la région l'a placé dans une situation où il n'avait aucune tâche à accomplir ;
- l'avis négatif de la commission n'est pas fondé sur une incompatibilité mais sur l'absence d'éléments suffisants pour apprécier la consistance de ses fonctions, celles-ci n'ayant pas été précisément définies par la région ;
- la région a entaché sa décision d'un détournement de pouvoir et d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- il y a lieu de tenir compte du contexte de harcèlement moral dont il était victime ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 septembre 2017, la région Réunion, représentée par la SCP Monod, B..., Stoclet, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 500 euros soit mise à la charge du requérant sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
II) Par une requête enregistrée le 13 juillet 2017 sous le n° 17PA22219, dont le jugement a été attribué à la Cour administrative d'appel de Paris par ordonnance du président de la section du contentieux de Conseil d'État du 1er mars 2019, sur le fondement des dispositions de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, M. E..., représentée par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement nos 1300867-1301312 du Tribunal administratif de La Réunion en date du 13 avril 2017 ;
2°) d'annuler les décisions du président du conseil régional de La Réunion en date des 1er juillet 2013 et 25 septembre 2013 ;
3°) d'enjoindre à la région Réunion de le rétablir dans son poste de directeur énergie climat, au besoin en retirant la décision de réorganisation du service et la décision de nomination de la directrice de l'énergie et de l'environnement ;
4°) de mettre à la charge de la région Réunion une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
S'agissant du courrier du 1er juillet 2013 :
- ce courrier constitue une décision de mutation faisant grief ;
- cette décision est irrégulière, dès lors qu'elle a été prise en méconnaissance des dispositions des articles 14, 41 et 52 de la loi du 11 janvier 1984 et qu'il n'a pas été mis en mesure de consulter son dossier personnel ;
- cette décision constitue une sanction déguisée et elle est entachée d'un détournement de pouvoir ;
- il a été muté sur un poste inexistant ;
- des postes libres ne lui ont pas été proposés ;
- cette mutation participe d'un harcèlement moral ;
S'agissant de la décision du 2 septembre 2013 :
- l'administration aurait dû diligenter une enquête à la suite de sa dénonciation d'un harcèlement moral ;
- la région a méconnu son obligation de sécurité de résultat résultant de l'article L. 4121-1 du code du travail et de l'article 108-1 de la loi du 11 janvier 1984 ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 septembre 2017, la Région Réunion, représentée par la SCP Monod, B..., Stoclet conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 500 euros soit mise à la charge du requérant sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A... ;
- les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public ;
- et les observations de Me B..., pour la région Réunion.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... E..., ingénieur en chef recruté par la région Réunion en 2001, exerçait depuis 2009 les fonctions de " directeur énergie climat ". Il fait appel des jugements en date du 13 avril 2017 par lesquels le Tribunal administratif de La Réunion a rejeté ses demandes d'annulation du courrier du 1er juillet 2013 par laquelle le président du conseil régional de La Réunion, à la suite de la suppression de son poste de " directeur énergie climat " et du rejet de sa candidature pour le poste de directeur de l'énergie et de l'environnement, a précisé les modalités d'exercice de ses fonctions dans l'attente d'une nouvelle affectation, de la décision du 25 septembre 2013 par laquelle le président du conseil régional de La Réunion n'a que partiellement accueilli sa demande de protection fonctionnelle du 17 juillet 2013, de la décision du 27 mai 2014 par laquelle le président du conseil régional de La Réunion a suspendu le versement de sa rémunération pour absence de service fait et de la décision du 1er août 2014 par lequel le président du conseil régional de La Réunion a rejeté sa demande d'autorisation de cumul d'activité.
2. Les requêtes susvisées, présentées pour M. E..., présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.
Sur le courrier en date du 1er juillet 2013 :
3. Par un arrêté du 2 avril 2013, le président du conseil régional de La Réunion a décidé une restructuration des services se traduisant, en particulier, par la création d'une " direction de l'environnement et de l'énergie " (DEE) regroupant les missions jusqu'alors dévolues à la " direction énergie climat ", au " pôle environnement " et à la " mission Schéma régional du climat, de l'air et de l'énergie ". La candidature de M. E... pour le nouveau poste de directeur de l'énergie et de l'environnement a été rejetée, comme l'intéressé en a été informé par une lettre du président du conseil régional de La Réunion du 1er juillet 2013, qui précisait que, dans l'attente de sa nouvelle affectation, il demeurait placé sous la responsabilité du directeur général adjoint chargé du développement durable, lequel lui confierait " des missions en relations avec les domaines relevant de son champ de compétences ".
En ce qui concerne la légalité externe :
4. Aux termes de l'article 97 de la loi du 26 janvier 1984 : " Dès lors qu'un emploi est susceptible d'être supprimé, l'autorité territoriale recherche les possibilités de reclassement du fonctionnaire concerné. I.- (...) Si la collectivité ou l'établissement ne peut lui offrir un emploi correspondant à son grade dans son cadre d'emplois ou, avec son accord, dans un autre cadre d'emplois, le fonctionnaire est maintenu en surnombre pendant un an. Pendant cette période, tout emploi créé ou vacant correspondant à son grade dans la collectivité ou l'établissement lui est proposé en priorité (...). "
5. Il ressort des pièces du dossier que la décision du 1er juillet 2013 faisait suite à la suppression du poste du " directeur énergie climat " occupé par M. E... dans le cadre de la réorganisation des services décidée par un arrêté du 2 avril 2013, qui avait été précédée de la consultation du comité technique paritaire le 28 mars 2013. En mentionnant que, dans l'attente de la nouvelle affectation qui lui serait donnée, M. E... demeurait placé sous la responsabilité du directeur général adjoint chargé du développement durable, lequel lui confierait " des missions en relations avec les domaines relevant de son champ de compétence " le président du conseil régional de La Réunion doit être regardé comme ayant placé M. E... en surnombre. Par suite, M. E... n'est pas fondé à soutenir que le courrier du 1er juillet 2013 comportait une décision de mutation et il ne peut utilement faire valoir que les articles 14, 41 et 52 de la loi susvisée du 11 janvier 1984 relatifs à la procédure de mutation auraient été méconnu.
6. La décision de réorganisation du service du 2 avril 2013 entraînant la suppression du poste de directeur énergie climat présente un caractère règlementaire. Dès lors, le requérant, qui ne conteste pas qu'elle a été affichée, ne peut pas utilement soutenir que cette décision ne lui a pas été notifiée.
7. Enfin, il ressort des pièces du dossier, et notamment du rapport soumis au comité technique paritaire réuni le 18 mars 2013, que la décision de réorganisation du 2 avril 2013 a été prise dans l'intérêt du service, afin d'assurer la lisibilité et une meilleure cohérence de l'action de la région Réunion dans le domaine de l'environnement et de l'énergie, en regroupant les moyens au sein d'une même direction. Dès lors, cette réorganisation et, par suite, la suppression du poste occupé par M. E..., ne constitue pas une mesure prise en considération de la personne pour laquelle l'administration aurait dû le mettre à même de consulter son dossier.
En ce qui concerne la légalité interne :
8. En premier lieu, M. E... soutient que le courrier du 1er juillet 2013 constituerait une sanction déguisée. Toutefois, s'il fait valoir qu'il s'est, en qualité de représentant du personnel, opposé à la direction quant au projet de réorganisation des services et qu'il a fait l'objet de menaces de sanctions disciplinaires pour des faits non vérifiés, M. E... n'apporte aucun élément de nature à l'appui de ces allégations.
9. En deuxième lieu, M. E... ne peut pas utilement faire valoir que la décision de le placer en surnombre après la suppression de son poste et le rejet de sa candidature au poste de directeur environnement et énergie aurait pour objet de réduire ses attributions ou ses responsabilités. Il ne peut pas plus utilement soutenir que son poste ne serait pas en adéquation avec son grade.
10. En troisième lieu, si M. E... fait valoir que des postes de direction se sont trouvés vacants au cours des mois de juillet à octobre 2013 et qu'il a été affecté à un poste subalterne de " chargé de mission expertise-évaluation ", ces circonstances, à les supposer même établies, sont postérieures à la décision contestée, et dès lors, sans incidence sur sa légalité.
11. En quatrième lieu, aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droit et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. (...) Les dispositions du présent article sont applicables aux agents non titulaires de droit public. ". Pour être qualifiés de harcèlement moral, de tels faits répétés doivent excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique.
12. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
13. Le requérant soutient que le courrier du 1er juillet 2013 participait d'un harcèlement moral à son endroit qui durait depuis le mois de décembre 2010 et qui a abouti à son placement, de novembre 2013 à mai 2014, en congé maladie. Il n'invoque toutefois aucun élément de fait précis antérieur à la procédure de réorganisation des services de la Région ayant abouti à la suppression du poste de directeur énergie climat. En outre, les éléments produits par la région Réunion attestent de ce que la réorganisation des services concernait l'ensemble des services et que le poste occupé par M. E... n'est pas le seul à avoir été supprimé. Dans ces conditions, le placement de M. E..., dont la candidature au poste de directeur de l'environnement et de l'énergie a été écartée, en surnombre dans l'attente d'une nouvelle affectation n'excédait pas les limites de l'exercice normal du pouvoir d'organisation du service. Enfin, contrairement à ce que soutient M. E..., il ne ressort pas des pièces du dossier que le poste qui lui a été proposé par courriers des 19 août et 16 septembre 2013 ne correspondait pas à son niveau de compétences et de responsabilités. Dans ces conditions, la région Réunion justifie que les différentes décisions relatives à l'affectation de M. E... ne procédaient pas d'une volonté de lui nuire. Il résulte de ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait fait l'objet de harcèlement moral.
14. En dernier lieu, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi.
Sur la décision en date du 2 septembre 2013 :
15. M. E... a demandé à son employeur, le 17 juillet 2013, de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle en invoquant les faits de harcèlement moral dont il estimait être victime de la part de son supérieur hiérarchique, M. F., directeur général adjoint chargé du développement durable. Par une décision du 25 septembre 2013, le président du conseil régional a accepté, au titre de la protection fonctionnelle, de prendre en charge les frais de justice concernant la plainte pour harcèlement moral engagée par l'intéressé, mais n'a pas fait droit à ses autres demandes formulées au titre de la protection fonctionnelle, à savoir le maintien dans ses fonctions de " directeur énergie climat " et la suspension de son lien hiérarchique avec M. F.
16. Aux termes de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction alors en vigueur : " Les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions et conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales, d'une protection organisée par la collectivité publique qui les emploie à la date des faits en cause (...) / La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. / (...) ".
17. Il résulte de ce qui a été exposé aux points 11 à 13 ci-dessus que les agissements au titre desquels M. E... demandait le bénéfice de la protection fonctionnelle, ne pouvaient être qualifiés de harcèlement moral. Par suite, M. E... n'est pas fondé à soutenir que la région Réunion aurait méconnu son obligation de sécurité de résultant en ne procédant pas à une enquête administrative. Il n'est pas plus fondé à soutenir que le président de la région Réunion aurait fait une inexacte application des dispositions des dispositions de l'article L. 4121-1 du code du travail et de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 en refusant de rétablir M. E... dans ses fonctions précédentes et de suspendre son lien hiérarchique avec M. F.
Sur la décision en date du 27 mai 2014 :
18. A la suite de la restructuration des services de la Région et du rejet de la candidature de M. E... au poste de directeur de l'environnement et de l'énergie, M. E... a reçu une nouvelle affectation à la " cellule contrôle évaluation " rattachée à la direction générale des services et implantée à l'hôtel de la région, ladite affectation étant confirmée par une décision en date du 8 novembre 2013 assortie d'une mise en demeure de rejoindre le poste de travail au plus tard le 13 novembre 2013. Après avoir bénéficié de congés de maladie à compter du 12 novembre 2013 et jusqu'au 7 mai 2014, M. E... a, lors de sa reprise de fonctions, refusé de rejoindre sa nouvelle affectation en se présentant chaque jour dans les locaux correspondant à son ancien poste de " directeur énergie climat ", situés dans le quartier des Camélias. Par une décision du 27 mai 2014, le président du conseil régional a suspendu le versement de sa rémunération pour absence de service fait.
19. Aux termes de l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983, auquel renvoie l'article 87 de la loi du 26 janvier 1984 : " Les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant le traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire (...) ". Si l'absence de service fait par un fonctionnaire d'une collectivité territoriale peut donner lieu à une retenue sur rémunération proportionnelle à cette absence, cette retenue ne peut être opérée que dans l'hypothèse où le fonctionnaire s'est abstenu d'effectuer tout ou partie de ses heures de service.
20. Le droit de tout agent à percevoir son traitement ne pouvant cesser que si l'absence d'accomplissement de son service résulte de son propre fait, il appartient en conséquence au juge de rechercher si l'absence de service fait par un agent ne résulte pas de la méconnaissance, par l'administration, de l'obligation qui est la sienne de placer ses agents dans une situation régulière et de les affecter, dans un délai raisonnable, sur un emploi correspondant à des fonctions effectives. Dès lors que la décision affectant un agent public sur un emploi correspondant à des fonctions effectives n'a pas le caractère d'une décision manifestement illégale et de nature à compromettre gravement un intérêt public, l'administration a compétence liée pour procéder à la suspension des traitements et indemnités en l'absence de service fait.
21. En premier lieu, M. E... fait valoir qu'il n'a reçu aucun ordre de mission d'expertise après son affectation, à compter du 13 novembre 2013, sur le poste de chargé de mission développement à la Cellule Contrôle Evaluation de la région et qu'il n'avait aucune tâche à accomplir. Il est toutefois constant qu'il était en congé maladie jusqu'au 7 mai 2014 et qu'il a ensuite refusé de rejoindre sa nouvelle affectation. Il ne ressort ainsi pas des pièces du dossier que l'emploi sur lequel M. E... était affecté, où il devait réaliser, sous l'autorité du directeur général des services, des missions d'expertise dans le domaine du développement durable, ne correspondait pas à des fonctions effectives.
22. En deuxième lieu, il est constant que M. E... a refusé de rejoindre sa nouvelle affectation à la " cellule contrôle évaluation " et s'est rendu sur le site de ses anciennes fonctions, dans les locaux de la direction de l'environnement et de l'énergie, où il n'a accompli aucune tâche durant son temps de présence. Alors même que M. E... était physiquement présent dans des locaux de la Région, ainsi qu'en attestent ses pointages, il n'a pas rejoint son lieu d'affectation à la " cellule contrôle évaluation ". Il ne peut dès lors pas être regardé comme ayant effectué ses heures de service. Dans ces conditions, en l'absence de service fait, le président du conseil régional était tenu de suspendre sa rémunération.
Sur l'arrêté du 1er août 2014 :
23. M. E... a présenté, le 16 avril 2014, une demande d'autorisation de cumul d'activités afin de développer une activité indépendante de conseil en aménagement et développement local. Après que la commission de déontologie instituée par l'article 87 de la loi du 29 janvier 1993 a émis, le 15 juillet 2014, un avis d'incompatibilité, le président du conseil régional a refusé l'autorisation sollicitée par un arrêté du 1er août 2014.
24. Aux termes de l'article 87 de la loi du 29 janvier 1993, en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : " I. - Une commission de déontologie placée auprès du Premier ministre est chargée d'apprécier la compatibilité de toute activité lucrative (...) avec les fonctions effectivement exercées au cours des trois années précédant le début de cette activité par tout agent cessant ses fonctions (...) / La commission est également chargée d'examiner la compatibilité du projet de création ou de reprise d'une entreprise par un fonctionnaire sur le fondement du 1° du II de l'article 25 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires avec les fonctions qu'il exerce. (...) / VI. - (...) L'administration dont relève l'agent est liée par un avis d'incompatibilité rendu au titre du I. / Elle peut solliciter une seconde délibération de la commission dans un délai d'un mois à compter de la notification d'un avis. (...) ".
25. Il ressort des pièces du dossier que la commission de déontologie s'est réunie une première fois le 17 juin 2014 pour connaître de la situation de M. E... et a estimé que le dossier qui lui avait été communiqué et les éléments recueillis lors de l'instruction de l'affaire ne lui permettaient pas de connaître de façon suffisamment précise la nature exacte des fonctions confiées à M. E... à la cellule évaluation et contrôle de la région Réunion. Elle a donc émis un avis d'incompatibilité " en l'état du dossier ". Par un second avis du 15 juillet 2014, la commission a émis un avis d'incompatibilité au motif que M. E... ayant refusé de rejoindre son affectation, le périmètre des attributions devant lui être confiées restait à définir.
26. En premier lieu, contrairement à ce que soutient M. E..., cet avis du 15 juillet 2014 n'est pas un avis d'incompatibilité en l'état du dossier mais un avis défavorable liant la région Réunion qui était tenue de rejeter sa demande d'autorisation de cumul. Le moyen tiré de ce que la décision du 1er août 2014 serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation doit, par suite, être écarté comme inopérant.
27. En second lieu, alors que le refus de M. E... de rejoindre son poste de chargé de mission développement durable a retardé la définition précise de ses attributions, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi.
28. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le Tribunal administratif de La Réunion a rejeté ses demandes. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonctions et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
29. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. E... la somme que la région Réunion demande au titre des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : Les requêtes de M. E... sont rejetées.
Article 2 : Les conclusions présentées par la Région Réunion au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... E... et à la région Réunion.
Copie en sera adressée au ministre de l'outre-mer.
Délibéré après l'audience du 16 janvier 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Formery, président de chambre,
- Mme Lescaut, premier conseiller,
- M. A..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 30 janvier 2020.
Le rapporteur,
F. A...Le président,
S.-L. FORMERY
Le greffier,
F. DUBUY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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Nos 17PA22217-17PA22219