Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... a demandé au Tribunal administratif de La Réunion de condamner l'État à lui verser la somme de 200 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis depuis 1996, du fait des agissements fautifs des services du rectorat ayant conduit à la dégradation de son état de santé jusqu'à son admission à la retraite, en 2009, pour invalidité imputable au service.
Par un jugement n° 1100927 du 17 novembre 2016, le Tribunal administratif de La Réunion a condamné l'État à verser à M. C... la somme de 200 000 euros.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 27 janvier 2017, dont le jugement a été attribué à la Cour administrative d'appel de Paris par ordonnance du président de la section du contentieux de Conseil d'État du 1er mars 2019, sur le fondement des dispositions de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, et des mémoires enregistrés les 23 mars 2017 et 16 mai 2018, le ministre de l'éducation nationale demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1100927 du Tribunal administratif de La Réunion en date du 17 novembre 2016 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. C... devant le Tribunal administratif de La Réunion.
Il soutient que :
- le jugement n'est pas motivé s'agissant du montant de l'indemnité accordée à M. C... ;
- le harcèlement moral imputé à l'administration n'est pas établi ; l'illégalité des décisions prises dans la gestion de la carrière de M. C... ne révèle aucune intention de nuire ; il a finalement été procédé à la reconstitution complète de la carrière de M. C... ; le recteur de l'académie de La Réunion a pris, dans un délai raisonnable à compter de la notification du jugement du 22 février 2007, la décision de reconnaissance de l'imputabilité au service de la maladie de M. C... ; l'administration a reconnu l'imputabilité au service de la mise à la retraite de M. C... qui a été débouté de son recours devant les juridictions administratives ; le recteur, poursuivi pour harcèlement moral a été relaxé et M. C... a été débouté de sa demande en dommages-intérêts par un arrêt de la Cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion du 18 juin 2015 ;
- les faits énoncés par M. C... ne sont pas susceptibles de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral dès lors qu'ils ne sont étayés par aucun élément ;
- M. C... n'a subi aucune perte de revenus ; il n'avait pas de droit à un logement de fonction ;
- l'indemnisation allouée est en tout état de cause excessive.
Par des mémoires en défense enregistrés les 23 juin 2017 et 11 juillet 2018, M. C..., représenté par Me D..., demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête du ministre de l'éducation nationale ;
2°) à titre reconventionnel, de porter à 350 000 euros la somme allouée en réparation des préjudices qu'il a subi ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est suffisamment motivé ;
- l'existence d'une situation de harcèlement moral est établie ; elle résulte d'une animosité notoire et non dissimulée, d'une malveillance hiérarchique exercée en toute impunité, d'une volonté de lui nuire au travers d'allégations quant à son état de santé psychique et des agissements abusifs dans le cadre du traitement de sa situation administrative ;
- il a été porté atteinte à sa situation professionnelle et statutaire ; il a subi une perte de revenu et des troubles dans ses conditions d'existence ; il n'a pas pu percevoir la nouvelle bonification indiciaire ; il a été privé de possibilités d'avancement et de promotion ; il a subi un préjudice résultant de la perte de son logement de fonction ; il a été porté atteinte à son intégrité physique et psychique ; il a subi un préjudice moral exceptionnel ;
- les erreurs de l'administration engage la responsabilité de l'État indépendamment de leur caractère délibéré ou non ;
- il avait omis de tenir compte, en première instance, des indemnités perçues lors de l'exercice des fonctions en zone sensible.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public ;
- et les observations de Me F..., pour M. C....
Une note en délibéré, enregistrée le 27 janvier 2020, a été présentée par Me E... pour M. C....
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., conseiller principal d'éducation, affecté à l'issue de sa scolarité dans l'académie de La Réunion, a exercé ses fonctions au collège Edmond Albius du Port au titre de l'année scolaire 1995-1996, puis dans des établissements de Trois-Bassins et Saint-André à partir de l'année 1996.
2. M. C... a été placé d'office en congé de maladie le 11 mai 1998, avant de faire l'objet, par deux arrêtés des 1er et 10 décembre 1998, d'une sanction disciplinaire de déplacement d'office. Si la décision du 10 décembre 1998 a été annulée par un jugement du Tribunal administratif de La Réunion en date du 15 mars 2000 en raison d'une insuffisance de motivation de la décision, le Tribunal a relevé, pour rejeter les conclusions aux fins d'annulation de la décision du 1er décembre 1998 et les conclusions aux fins d'injonction et d'indemnisation présentées par M. C..., qu'il ressortait des pièces du dossier que M. C... avait fait preuve dans l'exercice de ses fonctions d'un comportement particulièrement agressif et entretenu des rapports conflictuels tant avec sa hiérarchie, le personnel enseignant que les parents d'élèves et que, compte-tenu des troubles qui en avaient résulté dans le fonctionnement du collège où il avait été affecté, l'autorité compétente n'avait pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en décidant de lui infliger la sanction de déplacement d'office, conformément à l'avis émis par la commission administrative paritaire. Par un arrêt en date du 29 avril 2004, la Cour administrative d'appel de Bordeaux, saisie par M. C..., a annulé la décision du 1er décembre 1998 au motif qu'elle n'était pas suffisamment motivée et a enjoint au recteur de l'académie de La Réunion de réintégrer M. C... dans son ancien poste dans un délai de trois mois.
3. Par arrêté du 18 juin 2004, le recteur de l'académie de La Réunion a réintégré rétroactivement M. C... dans son ancien poste à compter du 1er décembre 1998 jusqu'au 22 août 2001, et, par arrêté du 8 octobre 2004, l'a rattaché administrativement au même poste pour effectuer des remplacements éventuels dans la zone Saint-Denis-Saint-Paul. Saisi d'un litige sur l'exécution de son arrêt du 29 avril 2004, la Cour administrative de Bordeaux a, par un arrêt du 14 avril 2005, jugé que le recteur n'avait pas procédé à une exécution imparfaite de l'arrêt de la Cour en limitant au 22 août 2001, date à partir de laquelle M. C... a été placé en congé de longue durée, la réintégration de ce dernier dans son ancien poste. Toutefois, M. C... a été contraint de saisir le Tribunal administratif de La Réunion à deux reprises pour assurer la reconstitution de sa carrière. Ainsi, par un premier jugement du 27 décembre 2007, confirmé par une décision du Conseil d'État du 14 avril 2010, le Tribunal administratif de Saint-Denis de La Réunion a annulé l'arrêté du 18 juin 2004 du recteur de l'académie de La Réunion en tant que cet arrêté n'avait pas procédé à la reconstitution de la carrière de M. C... et lui a enjoint de réexaminer l'ensemble de sa situation et, le cas échéant, de procéder à la reconstitution de sa carrière. Par un second jugement du 28 octobre 2010, le Tribunal administratif de La Réunion a enjoint au recteur de l'académie de La Réunion de prononcer la promotion de M. C..., au choix, au 6e échelon à compter du 29 août 1999. En revanche le Tribunal a, par un jugement du 30 décembre 2011, rejeté les demandes de M. C... tendant à l'annulation des décisions lui refusant le bénéfice d'un congé de longue maladie à plein traitement à compter du 22 août 2006 ainsi que le bénéfice d'une nouvelle bonification indiciaire et de l'avantage spécifique d'ancienneté pour ses services accomplis postérieurement au 22 août 2001. Ledit jugement a également écarté ses demandes supplémentaires en matière de promotion.
4. Entre temps, M. C... a été confronté le 7 février 2005 à un refus de reconnaissance d'imputabilité au service de la pathologie psychologique dont il était atteint. Il a obtenu l'annulation de cette décision par le jugement du Tribunal administratif de La Réunion du 22 février 2007 et le recteur de l'académie de La Réunion en a tiré les conséquences en décidant, par un arrêté en date du 15 juin 2007, que la maladie qui avait motivé le placement de M. C... en congé de longue maladie à compter du 22 août 2001 puis en congé de longue durée à compter du 22 août 2002 était une maladie à caractère professionnel imputable au service. Dans ces conditions, il a été placé en congé de longue durée à demi-traitement à compter du 22 août 2006.
5. Ensuite, par une décision en date du 11 juin 2009, le recteur de l'académie de La Réunion a admis M. C... à la retraite pour invalidité, sans mentionner l'imputabilité au service de sa maladie. En conséquence, le certificat d'inscription de sa pension civile d'invalidité du 20 juillet 2009 ne comportait aucun élément de rente viagère d'invalidité ni de minimum garanti, et ce n'est qu'à compter du 14 septembre 2009 qu'un nouveau titre de pension mentionnant le taux et l'imputabilité de son invalidité au service lui a été délivré. M. C... s'est alors vu attribuer la rente viagère qu'il réclamait.
6. Parallèlement, M. C... a engagé des procédures fondées sur le harcèlement moral dont il estime avoir été victime depuis 1996. Dans ce cadre, le Tribunal administratif de La Réunion a, par un jugement du 21 février 2013, annulé la décision du recteur de l'académie de La Réunion refusant à M. C... le bénéfice de la protection fonctionnelle. La plainte pénale déposée par M. C... a fait l'objet d'une instruction et les poursuites dirigées contre un ancien recteur ont d'abord fait l'objet d'une ordonnance de non-lieu du juge d'instruction en date du 7 mars 2012, annulée par un arrêt du 7 août 2012 de la chambre de l'instruction, qui a estimé qu'il existait des charges suffisantes contre cet ancien recteur pour ordonner son renvoi devant le Tribunal correctionnel de Saint-Denis de La Réunion. Toutefois, ledit Tribunal par un jugement du 18 mars 2014, confirmé par un arrêt de la Cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion du 18 juin 2015, a relaxé le prévenu et débouté M. C... de ses demandes de dommages-intérêts, estimant que le délit de harcèlement moral reproché au recteur qui a été fonction à compter du 21 juillet 2003 n'était pas caractérisé.
7. Enfin, par un courrier du 1er juin 2011, M. C... a demandé au recteur de l'académie de La Réunion de l'indemniser des préjudices subis à raison des illégalités fautives sanctionnées par les décisions de la justice administrative, de l'exécution tardive de ces décisions et des fautes commises par l'administration dans ses relations avec son agent. Le ministre de l'éducation nationale fait appel du jugement du 17 novembre 2016 par lequel le Tribunal administratif de La Réunion a condamné l'État à verser à M. C... le somme de 200 000 euros.
Sur la régularité du jugement attaqué :
8. Contrairement à ce que soutient le ministre de l'éducation nationale, le Tribunal a exposé de façon suffisamment précise les raisons qui l'ont conduit à condamner l'État à indemniser le préjudice subi par M. C... et à évaluer ce préjudice à la somme de 200 000 euros. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement attaqué doit être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la responsabilité de l'État :
S'agissant des décisions prises par l'administration :
9. En premier lieu, s'agissant de la sanction de déplacement d'office infligée à M. C..., il ressort des pièces du dossier, notamment du jugement du Tribunal administratif de La Réunion du 15 mars 2000, de l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Bordeaux du 29 avril 2004 et de l'arrêt de la Cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion du 18 juin 2015 susmentionnés, que M. C... a, au cours des années scolaires 1996-1997 et 1997-1998, rencontré de graves difficultés relationnelles au sein des collèges où il a été affecté en qualité de conseiller principal d'éducation, caractérisant l'existence d'une faute professionnelle. Si la sanction de déplacement d'office qui lui a été infligée a été annulée en raison d'un vice de forme, la faute professionnelle reprochée à M. C... était caractérisée. Par suite, l'illégalité dont la décision de déplacement d'office était entachée n'est pas de nature à ouvrir à M. C... un droit à indemnité.
10. En deuxième lieu, si de nombreuses affectations provisoires ont été imposées à M. C... à compter de 1996, la sanction de déplacement d'office qui lui a été infligée n'a été annulée que le 29 avril 2004. En outre, il ressort des pièces du dossier que M. C... a été placé en congé de longue maladie du 1er février 1999 au 30 janvier 2000 puis du 22 août 2002 au 21 novembre 2004 et, ainsi que l'a relevé la Cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion dans son arrêt du 18 juin 2015, la plupart des affectations provisoires invoquées par M. C... avait pour objet, de " régulariser sa situation administrative ". Si M. C... fait valoir que de nombreux proviseurs ont refusé de l'accueillir dans leur établissement en raison de son passé disciplinaire et de son état de santé, il ne produit aucune pièce pour l'établir dès lors que s'il ressort d'un courrier du 2 août 1998 que des centres d'information et d'orientation ont refusé de l'accueillir, la commission médicale avait conseillé, compte tenu des difficultés rencontrées par M. C... dans l'exercice de ses fonctions, qu'il soit affecté sur " un poste en dehors de la présence des élèves ".
11. En troisième lieu, il résulte de l'instruction et notamment de l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Bordeaux du 14 avril 2005 que le recteur n'a pas procédé à une exécution imparfaite de l'arrêt de la Cour en limitant au 22 août 2001, date à partir de laquelle M. C... a été placé en congé de longue durée, la réintégration de ce dernier dans son ancien poste. L'administration n'a ainsi commis aucune faute dans la réintégration de M. C... qui, en particulier, est intervenue dans un délai raisonnable.
12. En revanche, ainsi qu'il a été dit au point 3 ci-dessus, M. C... est fondé à soutenir que l'administration a commis une faute de nature à engager sa responsabilité en le contraignant à saisir le Tribunal administratif de La Réunion à deux reprises pour assurer la reconstitution de sa carrière, en refusant, par une décision du 7 février 2005, de reconnaître l'imputabilité au service de son état de santé et en refusant, par une décision du 19 septembre 2006, de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle.
S'agissant du harcèlement moral :
13. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droit et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. (...) Les dispositions du présent article sont applicables aux agents non titulaires de droit public. ".
14. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
15. M. C... soutient que le harcèlement moral dont il a été victime résulte d'une animosité notoire et non dissimulée de ses supérieurs hiérarchique, d'une malveillance exercée en toute impunité, d'une volonté de lui nuire au travers d'allégations quant à son état de santé psychique et d'agissements abusifs dans le cadre du traitement de sa situation administrative. Ces éléments, dont la réalité est corroborée par certaines pièces du dossier, notamment des décisions juridictionnelles, des rapports médicaux ou le procès-verbal de synthèse en date du 28 septembre 2006, établi à l'issue de l'enquête de gendarmerie sur la plainte pour harcèlement moral déposée par M. C..., sont effectivement susceptibles de faire présumer l'existence d'agissements constitutifs d'un harcèlement moral à son encontre.
16. Il ressort toutefois des pièces du dossier et notamment des décisions juridictionnelles mentionnées au point 2 et des éléments relevés par la Cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion concernant la situation professionnelle de M. C... au cours des années 1996 à 1998 que la première inspection de M. C... a été effectuée à la demande du chef d'établissement sur la base de griefs précis et étayés par des témoignages écrits, qu'il avait commis des fautes professionnelles justifiant son déplacement d'office et que M. C... a, sans qu'aucune pression de quiconque ne soit démontrée, formulé une demande écrite de changement d'affectation. Il ressort ainsi de l'instruction que M. C... n'a pas fait face, ainsi qu'il le prétend, à une animosité notoire non dissimulée au collège Edmond Albus. Il en va de même dans les autres postes occupés par M. C....
17. En outre, si l'administration a, ainsi qu'il a été dit, adopté plusieurs décisions qui ont été annulées par le juge administratif, il ne résulte pas de l'instruction, compte tenu notamment de la complexité de la situation de M. C..., que ces décisions aient été motivées par la volonté de lui nuire. En particulier, il résulte de l'arrêt susmentionné de la Cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion que le recteur pouvait légitimement s'interroger sur un éventuel parti pris des médecins contre l'administration et un regard dénué de recul sur les propos tenus par M. C....
18. Par ailleurs, il ressort de l'arrêt de la Cour d'appel du 18 juin 2015 que M. C... a bénéficié d'un arrêt de travail à compter du 1er février 1999 puis, sur préconisation de son médecin traitant et de l'avis positif du comité médical, d'un congé de longue durée à plein traitement d'une année rétroagissant au 1er février 1999. Il ressort notamment d'un rapport médical du 30 mars 1999 que l'état psychique de M. C... était alors " extrêmement inquiétant. Monsieur C... présentait sans doute quelques troubles de la personnalité qui ont été à l'origine de ses démêlés professionnels. En conclusion, Monsieur C... présente un état anxio-dépressif majeur d'intensité sévère, réactionnel à de graves litiges avec son administration. Il est actuellement inapte à exercer ses fonctions professionnelles et le congé longue maladie pour une première période de 6 mois à compter du 1er février 1999 est tout à fait justifié. " Le rapport établi le 8 juillet 1999 à l'occasion de la demande de prolongation de ce congés de longue maladie en a confirmé le caractère justifié. De même, le placement en congés de longue durée a été considéré comme justifié par les médecins ayant examiné M. C... le 17 octobre 2001, le 7 février 2002, le 22 août 2002, 22 novembre 2002, 24 juin 2003, 29 novembre 2003, 11 juin 2004 et 30 octobre 2004. Dans ces conditions, l'administration justifie que, contrairement à ce que prétend M. C..., ses placements d'office en congés de longue durée à compter du 19 juin 2000, puis de nouveau à compter du 30 août 2001 répondaient à la situation médicale de l'intéressé et ne résultaient pas d'une stratégie d'éviction et d'isolement sciemment mise en oeuvre par l'administration.
19. Enfin, M. C... ne produit aucun élément de nature à établir que l'administration aurait, ainsi qu'il le prétend, falsifié le procès-verbal du comité médical du 18 juin 1998, commis des manquements au secret médical ou lui aurait adressé des courriers anonymes.
20. Dans ces conditions, les agissements dont se prévaut M. C... étaient justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement moral et ne présentent pas le caractère d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'administration.
En ce qui concerne le préjudice :
21. Il résulte de ce qui précède que M. C... est seulement fondé à soutenir que l'administration a commis une faute de nature à engager sa responsabilité en le contraignant à saisir le Tribunal administratif de La Réunion à deux reprises pour assurer la reconstitution de sa carrière, en refusant, par une décision du 7 février 2005, de reconnaître l'imputabilité au service de son état de santé et en refusant, par une décision du 19 septembre 2006 de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle.
22. D'une part, il ressort toutefois des pièces du dossier que la carrière de M. C... a été rétroactivement reconstituée à la suite des décisions des juridictions administratives et, le Tribunal administratif de Saint-Denis de La Réunion a, par un jugement du 30 décembre 2011, rejeté les demandes de M. C... tendant à l'annulation des décisions lui refusant le bénéfice d'un congé de longue maladie à plein traitement à compter du 22 août 2006 et le bénéfice d'une nouvelle bonification indiciaire et de l'avantage spécifique d'ancienneté pour ses services accomplis postérieurement au 22 août 2001. Ledit jugement, confirmé par une décision du Conseil d'État du 11 avril 2014, a également écarté ses demandes supplémentaires en matière de promotion. Ainsi, M. C... ne justifie d'aucun préjudice matériel s'agissant de la reconstitution de sa carrière. Il n'est pas non plus fondé à demander la réparation d'un préjudice qui résulterait de la perte de primes ou de son logement de fonction dès lors que ces avantages sont la contrepartie de sujétions attachées à l'exercice effectif de fonctions qui n'ont pas été exercées par M. C....
23. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que l'administration a reconnu rétroactivement l'imputabilité au service de la maladie puis de l'invalidité affectant M. C... et celui-ci ne justifie, à cet égard, d'aucun préjudice matériel.
24. Enfin, alors qu'il a bénéficié des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative lorsque ses recours étaient bien-fondés, M. C... n'est pas fondé à soutenir que l'administration devrait l'indemniser de l'ensemble des honoraires d'avocat qu'il a exposé devant les juridictions administratives.
25. En revanche, M. C... est fondé à demander l'indemnisation des troubles dans ses conditions d'existence et du préjudice moral qu'il a subi du fait des décisions illégales prises par l'administration.
26. Il sera fait une juste appréciation de l'ensemble de ses préjudices en lui allouant une somme de 50 000 euros.
27. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de ramener à 50 000 euros le montant de l'indemnité due par l'État à M. C... et de réformer en ce sens le jugement attaqué du Tribunal administratif de La Réunion. Il y a lieu, en conséquence et sans qu'il soit besoin de statuer sur leur recevabilité, de rejeter les conclusions incidentes par lesquelles M. C... a demandé que le montant de l'indemnité qui lui a été allouée en première instance soit porté à la somme de 350 000 euros.
Sur les frais liés à l'instance :
28. Dans les circonstances particulières de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'État le versement à M. C... de la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La somme de 200 000 euros que l'État a été condamné à verser à M. C... par le jugement du Tribunal administratif de La Réunion du 17 novembre 2016 est ramenée à la somme de 50 000 euros.
Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de La Réunion du 17 novembre 2016 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'État versera à M. C... une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Les conclusions de M. C... sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse et à M. B... C....
Copie en sera adressée au ministre de l'outre-mer.
Délibéré après l'audience du 16 janvier 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Formery, président de chambre,
- Mme Lescaut, premier conseiller,
- M. A..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 30 janvier 2020.
Le rapporteur,
F. A...Le président,
S.-L. FORMERY
Le greffier,
F. DUBUY
La République mande et ordonne ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA20299