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23/01/2020 | FRANCE | N°19PA01312,19PA01313,19PA01314

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 23 janvier 2020, 19PA01312,19PA01313,19PA01314


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

1°) L'Académie de France à Rome a demandé au tribunal administratif de Paris d'enjoindre à la société Mezzi et Fonderia et à tous les occupants de son chef de libérer les lieux occupés au sein du domaine public de la Villa Medicis, d'évacuer tout matériel et de remettre les lieux en l'état dans un délai de de deux mois sous une astreinte de 150 euros par jour de retard, d'enjoindre à cette société de produire les documents comptables permettant de déterminer le chiffre d'affaire réalisé et de c

ondamner la société au paiement d'une somme au titre de l'occupation du domaine pu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

1°) L'Académie de France à Rome a demandé au tribunal administratif de Paris d'enjoindre à la société Mezzi et Fonderia et à tous les occupants de son chef de libérer les lieux occupés au sein du domaine public de la Villa Medicis, d'évacuer tout matériel et de remettre les lieux en l'état dans un délai de de deux mois sous une astreinte de 150 euros par jour de retard, d'enjoindre à cette société de produire les documents comptables permettant de déterminer le chiffre d'affaire réalisé et de condamner la société au paiement d'une somme au titre de l'occupation du domaine public, assortie des intérêts au taux légal.

Par un jugement n° 1715661 du 7 février 2019, le tribunal administratif de Paris a enjoint à la société Mezzi et Fonderia de libérer les dépendances du domaine public qu'elle occupe au sein de la Villa Medicis et d'en évacuer tous les matériels entreposés dans un délai de deux mois sous une astreinte de 150 euros par jour de retard. Il a également condamné la société Mezzi et Fonderia à verser à l'Académie de France à Rome la somme de 84 850 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 4 octobre 2017 et la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions de la demande.

2°) La société Mezzi et Fonderia a demandé au tribunal administratif de Paris l'annulation de la décision du 9 février 2017 par laquelle l'Académie de France à Rome a résilié le contrat de concession signé le 15 octobre 2015 en vue de l'exploitation du service de cafétéria et de restauration de la Villa Médicis et d'enjoindre la reprise des relations contractuelles.

Par un jugement n° 1810293 du 7 février 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de la société Mezzi et Fonderia et mis à sa charge le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 12 avril 2019 et le 4 novembre 2019 sous le numéro 19PA01312, la société Mezzi et Fonderia, représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1715661 du 7 février 2019 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de condamner l'Académie de France à Rome à lui verser la somme de 85 708, 34 euros par voie de compensation, assortie des intérêts aux taux légal ;

3°) de mettre à la charge de l'Académie de France à Rome la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Mezzi et Fonderia soutient que :

- les parties au contrat se sont volontairement soumises au droit italien, qui ne peut être écarté sans méconnaître le règlement du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles ; la Cour de cassation italienne a jugé que le contrat relève du droit privé ; en présence d'un contrat de droit italien, qui ne peut être rattaché à l'exécution d'un service public, le droit public français ne s'applique pas et le juge administratif n'est pas compétent pour connaître d'un litige né de l'exécution de ce contrat qui n'est pas régi par le droit français ;

- elle n'a pas commis les manquements à ses obligations contractuelles invoqués par l'Académie de France à Rome pour justifier la résiliation du contrat ;

- elle est fondée à opposer l'exception d'inexécution de ses obligations par son co-contractant ;

- les fautes commises par l'Académie de France à Rome lui ont causé un préjudice d'un montant de 85 708, 34 euros, qui doit faire l'objet d'une compensation avec les sommes mises à sa charge par le tribunal ;

- l'Académie de France à Rome a commis un détournement de procédure ;

- dès lors que la mesure de résiliation n'est pas justifiée, elle ne peut être considérée comme un occupant sans titre du domaine public et ne peut faire l'objet d'une expulsion.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 juillet 2019, l'Académie de France à Rome, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société Mezzi et Fonderia de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

L'Académie de France à Rome soutient que :

- la juridiction administrative est compétente pour connaitre du litige qui concerne une convention d'occupation du domaine public ;

- la mesure de résiliation est justifiée compte tenu des manquements aux obligations imposées à la société cocontractante ;

- elle n'a pas commis de faute dans l'exécution du contrat ;

- la demande de reprise des relations contractuelles doit être rejetée.

Le 3 décembre 2019, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la décision de la Cour était susceptible de se fonder sur le moyen, soulevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions indemnitaires de la requérante, qui sont nouvelles en appel.

II. Par une requête, enregistrée le 12 avril 2019 sous le numéro 19PA01314, la société Mezzi et Fonderia, représentée par Me B..., demande à la Cour de prononcer le sursis à exécution du jugement n°1715661 du 7 février 2019 du tribunal administratif de Paris.

La société Mezzi et Fonderia soutient que :

- les moyens repris de ceux présentés dans l'instance n° 19PA01312 sont sérieux ;

- l'exécution du jugement entraîne des conséquences irréversibles sur sa situation ;

- les conditions prévues à l'article R. 811-17 du code de justice administrative pour prononcer un sursis à exécution sont ainsi remplies.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 juillet 2019, l'Académie de France à Rome, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société Mezzi et Fonderia de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

L'Académie de France à Rome soutient que :

- la société Mezzi et Fonderia ne démontre pas de conséquences difficilement réparables induites par le jugement du tribunal administratif de Paris ;

- elle ne présente pas de moyen sérieux pour contester la régularité ou le bien-fondé du jugement pour les mêmes motifs que ceux invoqués en défense dans l'instance n° 19PA01312.

III. Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 12 avril 2019 et le 4 novembre 2019 sous le numéro 19PA01313, la société Mezzi et Fonderia, représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1810293 du 7 février 2019 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision du 9 février 2017 par laquelle l'Académie de France à Rome a résilié le contrat de concession signé le 15 octobre 2015 en vue de l'exploitation du service de cafétéria et de restauration de la Villa Médicis et d'ordonner la reprise des relations contractuelles ;

3°) de mettre à la charge de l'Académie de France à Rome la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Mezzi et Fonderia soutient que :

- les parties au contrat se sont volontairement soumises au droit italien, qui ne peut être écarté sans méconnaître le règlement du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles ; la Cour de cassation italienne a jugé que le contrat est de droit privé ; en présence d'un contrat de droit italien, qui ne peut être rattaché à l'exécution d'un service public, le droit public français ne s'applique pas et le juge administratif n'est pas compétent pour connaître d'un litige né de l'exécution de ce contrat qui n'est pas régi par le droit français ;

- elle n'a pas commis les manquements à ses obligations contractuelles invoqués par l'Académie de France à Rome pour justifier la résiliation du contrat ;

- elle est fondée à opposer l'exception d'inexécution de ses obligations par son co-contractant ;

- les fautes commises par l'Académie de France à Rome lui ont causé un préjudice d'un montant de 85 708, 34 euros, qui doit faire l'objet d'une compensation avec les sommes mises à sa charge par le tribunal ;

- l'Académie de France à Rome a commis un détournement de procédure ;

- en l'absence d'atteinte excessive à l'intérêt général et de conclusion d'un nouveau contrat, la reprise des relations contractuelles doit être ordonnée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 octobre 2019, l'Académie de France à Rome, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société Mezzi et Fonderia de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

L'Académie de France à Rome soutient que :

- la juridiction administrative est compétente pour connaitre du litige qui concerne une convention d'occupation du domaine public ;

- la mesure de résiliation est justifiée compte tenu des manquements aux obligations imposées à la société cocontractante ;

- elle n'a pas commis de faute dans l'exécution du contrat ;

- la demande de reprise des relations contractuelles doit être rejetée.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le règlement (CE) n° 593/2008 du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I) ;

- le code général de la propriété de personnes publiques ;

- le décret n° 71-1140 du 21 décembre 1971 portant application du décret du 1er octobre 1926 conférant la personnalité civile et l'autonomie financière à l'académie de France à Rome ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Platillero, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteur public,

- et les observations de Me Heintz, avocat de la société Mezzi et Fonderia, et de Me A..., avocat de l'Académie de France à Rome.

Considérant ce qui suit :

1. L'Académie de France à Rome, établissement public culturel national à caractère administratif soumis à la tutelle du ministère de la culture et au profit duquel a été mis à disposition le domaine de la Villa Médicis situé à Rome, a signé le 15 octobre 2015 avec la société Mezzi et Fonderia un contrat portant sur la concession du service de cafétéria et de restauration de la Villa Médicis, dans des locaux situés au troisième niveau, qui est celui du jardin historique et de la loggia, et sur toutes les prestations et fournitures accessoires et provisions nécessaires à l'accomplissement de ce service, pour une durée de huit ans. À la suite d'une visite d'inspection et de contrôle réalisée le 12 novembre 2016, l'Académie de France à Rome a adressé à la société Mezzi et Fonderia une mise en demeure de régulariser sa situation dans un délai de quinze jours le 15 novembre 2016. Estimant que les réponses apportées par la société étaient insuffisantes, l'Académie de France à Rome a résilié la convention par une décision du 9 février 2017. La société Mezzi et Fonderia relève appel des jugements du 7 février 2019 par lesquels le tribunal administratif de Paris, d'une part, lui a enjoint de libérer les dépendances du domaine public qu'elle occupe au sein de la Villa Medicis et l'a condamnée à verser à l'Académie de France à Rome la somme de 84 850 euros, et, d'autre part, a rejeté sa demande tendant à la reprise des relations contractuelles.

2. Les requêtes de la société Mezzi et Fonderia présentent à juger des questions similaires et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la compétence de la juridiction administrative :

3. Aux termes de l'article L. 2331-1 du code général de la propriété des personnes publiques, " Sont portés devant la juridiction administrative les litiges relatifs : 1° Aux autorisations ou contrats comportant occupation du domaine public, quelle que soit leur forme ou leur dénomination, accordées ou conclus par les personnes publiques ou leurs concessionnaires ; (...) ". Aux termes de l'article 2 du décret du 21 novembre 1971, " L'académie de France à Rome a pour mission principale de favoriser la création artistique et littéraire dans tous ses domaines, le perfectionnement dans les disciplines appliquées à la création artistique et littéraire ainsi que dans l'histoire de l'art, plus particulièrement pour la période s'étendant de la Renaissance à nos jours. / Elle participe aux échanges culturels et artistiques. Elle organise des expositions, des concerts, des projections cinématographiques, des colloques ou séminaires sur des sujets relevant des arts, des lettres et de leur histoire. / L'Académie a également pour mission de conserver, restaurer, faire connaître et mettre en valeur la Villa Médicis, ses jardins et dépendances, ainsi que les biens culturels qui y sont conservés et dont elle a la garde. / Elle peut diffuser ses travaux, notamment sous forme de publications, y compris sur support électronique ". Aux termes de l'article 3 de ce décret, " L'Académie de France à Rome accueille, dans des conditions fixées par décret, des artistes ou chercheurs pour leur permettre de poursuivre leurs travaux, études et recherches et d'acquérir un complément de formation. / (...) / Elle accueille, en outre, pour une durée limitée à un an, au maximum trois personnalités françaises ou étrangères du monde des lettres et des arts désignées par le ministre chargé de la culture après avis du directeur. Elle peut également recevoir des hôtes en résidence pour des séjours de courte durée ".

4. Il résulte de l'instruction que l'État français a acquis la propriété de la Villa Médicis depuis le 18 mai 1803, dont la gestion a été confiée à l'Académie de France à Rome, dotée de la personnalité civile et de l'autonomie financière à compter de 1927 et érigée en établissement public administratif en 1971. Eu égard à ses missions, qui comportent notamment l'organisation de manifestations sur les sujets des arts et des lettres, sa conservation, sa mise en valeur et son rayonnement ainsi que le développement de la création artistique et littéraire par l'accueil des artistes et chercheurs en qualité de pensionnaires ou d'hôtes résidants, la Villa Médicis est ainsi affectée à un service public culturel et spécialement aménagée à cet effet. Ce bien constitue dès lors une dépendance du domaine public de l'État.

5. Il résulte ainsi des dispositions précitées de l'article L. 2331-1 du code général de la propriété des personnes publiques que le litige relatif au contrat mentionné au point 1, comportant occupation du domaine public, doit être porté devant la juridiction administrative française. Si l'article 17 du contrat, relatif à la loi applicable et à la juridiction compétente, stipulait que " Le présent contrat conclu entre l'Académie et le Concessionnaire sera soumis au droit italien. Tout litige qui naîtrait en relation avec celui-ci, y compris les litiges relatifs à son interprétation, à sa validité ou à sa résiliation, sera soumis à la compétence exclusive des juridictions de Paris ", les dispositions de l'article L. 2331-1 du code général de la propriété des personnes publiques constituent une règle impérative du droit public français relative à l'occupation du domaine public, qui ne fait au demeurant par ailleurs pas obstacle à la validité dudit contrat non plus qu'à l'appréciation des conditions de son exécution, dès lors qu'il est fait application du droit italien en tant que ce contrat porte sur la prestations de service de cafétéria et de restauration. Compte tenu de la règle d'ordre public qui vient d'être évoquée, la société Mezzi et Fonderia n'est pas fondée à soutenir que le juge administratif ne serait pas compétent pour se prononcer sur ses conclusions tendant à la reprise des relations contractuelles et sur son expulsion du domaine public.

6. À cet égard, la société Mezzi et Fonderia ne peut utilement se prévaloir de la décision du 17 avril 2018 par laquelle la Cour de cassation de la République italienne, qui a d'ailleurs décliné la compétence des juridictions italiennes pour connaître du litige, a considéré que les relations contractuelles ici en cause sont de droit privé, dès lors que le caractère administratif du contrat résulte d'une qualification législative française. Elle ne peut pas plus utilement se prévaloir du règlement n° 593/2008 du 17 juin 2008, dès lors que l'article 9 de ce règlement prévoit : " qu'une loi de police est une disposition impérative dont le respect est jugé crucial par un pays pour la sauvegarde de ses intérêts publics (...) au point d'en exiger l'application à toute situation entrant dans son champ d'application, quelle que soit par ailleurs la loi applicable au contrat ", et que son article 3 dispose que : " (...) Lorsque tous les autres éléments de la situation sont localisés (...) dans un pays autre que celui dont la loi est choisie, le choix des parties ne porte pas atteinte à l'application des dispositions auxquelles la loi de cet autre pays ne permet pas de déroger par accord (...) ".

Sur les conclusions tendant à la reprise des relations contractuelles :

7. Il incombe au juge du contrat, saisi par une partie d'un recours de plein contentieux contestant la validité d'une mesure de résiliation et tendant à la reprise des relations contractuelles, lorsqu'il constate que cette mesure est entachée de vices relatifs à sa régularité ou à son bien-fondé, de déterminer s'il y a lieu de faire droit, dans la mesure où elle n'est pas sans objet, à la demande de reprise des relations contractuelles, à compter d'une date qu'il fixe, ou de rejeter le recours, en jugeant que les vices constatés sont seulement susceptibles d'ouvrir, au profit du requérant, un droit à indemnité. Dans l'hypothèse où il fait droit à la demande de reprise des relations contractuelles, il peut décider, si des conclusions sont formulées en ce sens, que le requérant a droit à l'indemnisation du préjudice que lui a, le cas échéant, causé la résiliation, notamment du fait de la non-exécution du contrat entre la date de sa résiliation et la date fixée pour la reprise des relations contractuelles.

8. Pour prononcer la résiliation du contrat en litige le 9 février 2017, l'Académie de France à Rome s'est fondée sur des manquements à ses obligations contractuelles commis par la société Mezzi et Fonderia, qui conteste le bien fondé de cette résiliation. Toutefois, il résulte de l'instruction que, s'agissant des questions liées au personnel, d'une part, et alors que l'article 9 du contrat stipulait que l'Académie exigera la présentation du document unique attestant la régularité du paiement des cotisations sociales (DURC) dues par l'employeur au bénéfice de ses salariés, la société Mezzi et Fonderia a produit lors de l'inspection du 12 novembre 2016 un document expiré au 10 juin 2016 et n'a déposé un nouveau document que le 14 novembre, après cette inspection. Si la requérante soutient qu'il n'est pas possible d'obtenir un DURC en Italie pour une période antérieure à l'interrogation de l'administration, elle ne justifie pas du versement des cotisations au bénéfice de ses salariés entre juin et novembre 2016. D'autre part, et alors que l'article 9 obligeait la société Mezzi et Fonderia à transmettre la liste des membres du personnel préposés au service et d'y indiquer l'identité et la fonction de chacun d'eux, le concessionnaire devant communiquer par écrit le nom des salariés à chaque modification du personnel, le contrôle a révélé l'absence de registre unique du personnel et de liste mensuelle récapitulative du personnel, la présence d'un salarié sans contrat de travail, une incohérence entre la liste du personnel disponible à la date du 24 mai 2016, certains salariés présents à cette date n'ayant en outre été contractualisés qu'ultérieurement, et celle produite postérieurement à l'inspection, sans que ces modifications aient été préalablement communiquées, et la présence de stagiaires sans convention et sans bulletins de salaires, d'un nombre au demeurant irrégulier par rapport au nombre de salariés. En outre, alors que le contrat exigeait une maîtrise de la langue française par le personnel, des salariés présents ne parlaient pas français. La société Mezzi et Fonderia ne conteste pas sérieusement ces éléments, ni en prétendant qu'elle n'était pas tenue de communiquer les contrats de travail, alors que l'article 10 du contrat prévoyait le contrôle de la régularité des contrats de travail, ni en se prévalant de la régularisation du salarié non déclaré postérieurement à l'inspection et de la production de registres mensuels du personnel, qui ne permettent pas d'établir que les stipulations précitées du contrat ont été respectées, non plus qu'en faisant valoir que seul le personnel au contact du public devait parler français, une telle restriction ne résultant pas des termes du contrat.

9. Il résulte également de l'instruction que, s'agissant de l'autorisation d'exercice de l'activité, et alors que l'article 4 du contrat stipulait que le concessionnaire devra demander et obtenir, pour l'exercice de ses activités, toute autorisation administrative éventuellement nécessaire, la société Mezzi et Fonderia s'est bornée à déclarer auprès des autorités italiennes une activité de préparation et de distribution d'aliments pour les salariés, hôtes et boursiers de l'Académie de France à Rome, se rattachant à l'activité de cantine d'entreprise. Elle n'a ainsi pas déclaré l'activité réellement exercée et, si elle prétend avoir transmis une déclaration valide, elle ne l'établit pas. S'agissant de l'obligation d'assurance, et alors que l'article 10 du contrat stipulait que le contrôle pouvait porter sur le respect des obligations d'assurance, notamment sur les assurances contre les accidents du travail, et que l'article 11 exigeait la souscription d'une police d'assurance au titre des accidents du travail pour les salariés, la société Mezzi et Fonderia se borne à soutenir que tel était bien le cas, en produisant une attestation d'assurance signée le 30 novembre 2016, prenant effet postérieurement au contrôle. Ainsi, elle ne conteste pas sérieusement qu'elle a exercé son activité sans avoir disposé d'une assurance au titre des accidents du travail pour les salariés. S'agissant de la gestion des déchets, et alors que l'article 7 du contrat stipulait que les taxes concernant l'enlèvement, le déplacement et le traitement des déchets sont à la charge du concessionnaire, il n'est pas contesté que la société Mezzi et Fonderia ne s'est pas inscrite auprès de l'agence romaine chargée de la gestion des déchets. La requérante se borne à soutenir qu'elle ne pouvait pas être inscrite dès lors que l'Académie de France n'a pas fourni à l'administration italienne la décomposition cadastrale des millièmes et que l'assiette de la taxe a porté sur l'intégralité des bâtiments faute de pouvoir opérer une division. Elle n'apporte toutefois aucun élément, alors que les locaux concédés sont précisément identifiés dans la concession, de nature à établir une impossibilité de respecter les stipulations de l'article 7 du contrat. S'agissant de la qualité des produits, et alors qu'en application de l'article 5.1 du contrat, la société Mezzi et Fonderia s'était engagée à garantir le respect de la réglementation applicable à la vente d'aliments et de boissons, ainsi que celui des dispositions en vigueur en matière d'hygiène et de santé publique et un niveau élevé de qualité des denrées alimentaires et des boissons proposées, les oeufs et les viandes blanches devant notamment obligatoirement être d'origine biologique, d'une part, seul un salarié sur les douze présents sur le site lors de l'inspection était mentionné sur le plan de contrôle interne relatif à l'utilisation d'aliments et de boisson, d'autre part, le registre des nouvelles personnes recrutées était incomplet, non actualisé et non daté, par ailleurs aucune justification de l'origine biologique des produits n'a été produite, et, enfin, les factures d'achat ne mentionnaient ni les oeufs ni les viandes blanches et ne concernaient pas les produits biologiques.

10. Enfin, s'agissant des questions financières, il résulte de l'instruction qu'alors qu'en application de l'article 10 du contrat, le contrôle pouvait porter sur la comptabilité, et donc notamment sur les extraits de caisse, le livre-journal et le registre des inventaires et des stocks, la société Mezzi et Fonderia n'a produit qu'un registre des dépenses et des recettes pour la période 2015-2016 et un journal de caisse portant sur quatre jours, ne permettant ainsi pas à l'Académie de France de vérifier la rémunération variable mensuelle prévue à l'article 7 du contrat, qui suppose un enregistrement fidèle des recettes. La société Mezzi et Fonderia ne conteste pas sérieusement ce grief, en se bornant à soutenir que les livres comptables et les registres fiscaux n'étaient pas communicables sur le fondement du contrat, et que les livres de recettes et de caisse étaient disponibles sur place.

11. Il résulte de ce qui a été dit aux points 8 à 10 que sont établis par l'instruction de graves manquements de la société Mezzi et Fonderia à ses obligations contractuelles, révélés par la visite d'inspection et de contrôle réalisée le 12 novembre 2016, laquelle a porté sur des documents dont l'Académie de France à Rome pouvait à cette occasion demander la production à son cocontractant en application des stipulations de l'article 10 du contrat. Dans ces conditions, et alors que les manquements de la société Mezzi et Fonderia à ses obligations contractuelles sont ainsi établis, la mesure de résiliation de la convention du 15 octobre 2015 n'est entachée, ni de vices relatifs à sa régularité, ni de vices portant sur son bien-fondé.

12. Si, à cet égard, la société Mezzi et Fonderia fait valoir que l'Académie de France aurait elle-même manqué à ses obligations contractuelles en ne passant pas le montant minimum de commandes auquel elle s'est contractuellement obligée, elle n'apporte aucun élément suffisamment probant à l'appui de ses allégations, alors que l'article 5.7 du contrat prévoyait l'émission de factures portant précisément sur ces commandes. Il ne résulte pas plus de l'instruction que l'Académie de France à Rome n'aurait pas respecté le principe d'exclusivité de recours aux services de la requérante garanti par le contrat pour les événements organisés par l'Académie, dès lors que, d'une part, il résulte des termes du contrat que ce principe était soumis à des conditions relatives aux prix et aux prestations et que la société Mezzi et Fonderia devait en toute hypothèse fournir un devis pour candidater et que, d'autre part, aucun élément du dossier ne justifie de candidatures qui auraient été présentées puis refusées, ou d'événements pour lesquels la société Mezzi et Fonderia n'aurait pas pu présenter de candidature. Enfin, si la requérante fait valoir que l'Académie de France à Rome lui a dénié le droit d'organiser des événements exclusifs en dehors des moments d'occupation par l'Académie prévus au contrat, il n'est produit qu'un seul courriel de refus portant sur un unique événement ; cette circonstance ne saurait être regardée comme constituant un manquement contractuel tel qu'il justifierait de remettre en cause la résiliation contestée, compte tenu de l'ensemble des motifs exposés précédemment. Dans ces conditions, la société Mezzi et Fonderia n'est, en tout état de cause, pas fondée à soutenir que les manquements de l'Académie de France à Rome à ses obligations contractuelles la délieraient de ses propres obligations ou atténueraient sa propre responsabilité.

13. Par ailleurs, et dès lors que la mesure de résiliation est bien fondée, il ne résulte pas de l'instruction que l'Académie de France à Rome, qui s'est bornée à tirer les conséquences des graves manquements contractuels constatés, aurait commis un détournement de procédure ou de pouvoir dans le seul but de procéder ainsi à l'expulsion de la société Mezzi et Fonderia du domaine public.

14. Il résulte des motifs qui précèdent que les manquements de la société Mezzi et Fonderia à ses obligations contractuelles et les motifs de la résiliation, tels qu'ils ont été décrits ci-dessus, font obstacle à ce que soit ordonnée une reprise des relations contractuelles, la circonstance que la société Mezzi et Fonderia s'est maintenue dans les lieux en dépit de la résiliation et qu'aucun autre opérateur n'a été désigné étant sans incidence sur le bien-fondé de la mesure de résiliation.

Sur l'expulsion du domaine public :

15. Il résulte de l'instruction que la société Mezzi et Fonderia s'est maintenue dans les lieux qu'elle occupe au sein de la Villa Médicis, en dépit de la résiliation du contrat signé le 15 octobre 2015 avec l'Académie de France à Rome, prononcée le 9 février 2017 et qui est bien fondée, pour les mêmes motifs que ceux précédemment exposés. Étant ainsi occupante sans droit ni titre du domaine public, la société Mezzi et Fonderia n'est pas fondée à soutenir qu'elle ne pouvait faire l'objet d'une procédure d'expulsion du domaine public.

Sur les conclusions indemnitaires :

16. La société Mezzi et Fonderia soutient que l'Académie de France à Rome doit être condamnée à lui verser la somme de 85 708, 34 euros par voie de compensation avec les sommes mises à sa charge par le jugement n° 1715661 du 7 février 2019 du tribunal administratif de Paris, sommes dont elle ne conteste pas le bien fondé. Ainsi qu'en ont été informées les parties, ces conclusions, nouvelles en appel, sont irrecevables et doivent dès lors être rejetées.

17. Il résulte de tout ce qui précède que la société Mezzi et Fonderia n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Paris, d'une part, lui a enjoint de libérer les dépendances du domaine public qu'elle occupe au sein de la Villa Médicis et d'en évacuer tous les matériels entreposés dans un délai de deux mois sous une astreinte de 150 euros par jour de retard et l'a condamnée à verser à l'Académie de France à Rome la somme de 84 850 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 4 octobre 2017, et, d'autre part, a rejeté sa demande tendant à ce que soit ordonnée la reprise des relations contractuelles. Ses requêtes n° 19PA01912 et n° 19PA01913 doivent dès lors être rejetées.

Sur les conclusions à fin de sursis à exécution du jugement :

18. Dès lors qu'il est statué, par le présent arrêt, sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement n° 1715661 du 7 février 2019 du tribunal administratif de Paris, les conclusions de la requête de la société Mezzi et Fonderia enregistrée sous le n°19PA01314 tendant à ce qu'il soit sursis à exécution de ce jugement sont devenues sans objet.

Sur les frais liés au litige :

19. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge de l'Académie de France à Rome, qui n'est pas la partie perdante, les sommes que la société Mezzi et Fonderia demande au titre des frais qu'elle a exposés. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Mezzi et Fonderia, qui est la partie perdante, la somme de 2 000 euros au titre des frais que l'Académie de France à Rome a exposés.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 19PA01314 de la société Mezzi et Fonderia

Article 2 : Les requêtes n° 19PA01312 et n° 19PA01313 de la société Mezzi et Fonderia sont rejetées.

Article 3 : La société Mezzi et Fonderia versera à l'Académie de France à Rome la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Mezzi et Fonderia et à l'Académie de France à Rome.

Copie en sera adressée au ministre de la culture.

Délibéré après l'audience du 12 décembre 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Diémert, président de la formation de jugement en application des articles L. 234-3 (premier alinéa) et R. 222-6 (premier alinéa) du code de justice administrative,

- M. Legeai, premier conseiller,

- M. Platillero, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 23 janvier 2020.

Le rapporteur,

F. PLATILLEROLe président,

S. DIÉMERTLe greffier,

A. LOUNISLa République mande et ordonne au ministre de la culture en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19PA01312, 19PA01313, 19PA01314


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19PA01312,19PA01313,19PA01314
Date de la décision : 23/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Compétence - Compétence de la juridiction française - Existence.

Domaine - Domaine public - Régime - Occupation - Utilisations privatives du domaine - Contrats et concessions.


Composition du Tribunal
Président : M. DIEMERT
Rapporteur ?: M. Fabien PLATILLERO
Rapporteur public ?: Mme GUILLOTEAU
Avocat(s) : CABINET BOSCO AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-01-23;19pa01312.19pa01313.19pa01314 ?
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