Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... F... et M. C... E..., agissant en qualité de représentants légaux de leur fille mineure, A... E..., ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 27 juin 2018 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté leur demande tendant à substituer au nom de cette dernière celui de " E...-F... ".
Par un jugement n° 1800167/4-3 du 15 novembre 2018, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 15 janvier 2019, Mme F... et M. E..., agissant en qualité de représentants légaux de leur fille mineure, représentés par Me B..., demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1800167/4-3 du 15 novembre 2018 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler la décision du 27 juin 2018 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté leur demande tendant à substituer au nom de leur fille celui de " E...-F... " ;
3°) d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice de réexaminer favorablement leur demande dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de cinq euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Les requérants soutiennent que :
- leur demande repose sur un motif légitime au sens de l'article 61 du code civil ;
- l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est méconnu.
Par un mémoire en défense enregistré le 2 décembre 2019, le garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. G... ;
- et les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par une requête publiée au Journal officiel du 23 février 2017 et par courrier reçu par le garde des sceaux, ministre de la justice le 5 septembre 2017, Mme F... et M. E..., agissant en qualité de représentants légaux de leur fille mineure, A... E..., née le 6 janvier 2010, ont sollicité le changement du nom de cette dernière en " E...-F... ". Mme F... et M. E... relèvent appel du jugement du 15 novembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision de refus du 27 juin 2018 du garde des sceaux, ministre de la justice.
2. Aux termes de l'article 61 du code civil, " Toute personne qui justifie d'un intérêt légitime peut demander à changer de nom (...) Le changement de nom est autorisé par décret ". Des motifs d'ordre affectif peuvent, dans des circonstances exceptionnelles, caractériser l'intérêt légitime requis par l'article 61 du code civil pour déroger aux principes de dévolution et de fixité du nom établis par la loi.
3. Les requérants font valoir qu'ils ont procédé à une reconnaissance prénatale le 23 septembre 2009 au service de l'état civil de la mairie d'Yssigneaux, que l'officier d'état civil leur a alors fait constater que, cet acte étant effectué à leurs deux noms, leur fille porterait ces derniers accolés, et que c'est seulement après la naissance qu'ils ont constaté que leur choix n'avait pas été respecté, ce qu'ils imputent à une erreur de l'officier d'état civil ou de la sage-femme ayant déclaré la naissance. Toutefois, les requérants, même s'ils ont entrepris des démarches tendant au changement de nom dès le 28 octobre 2010, n'ont produit aucun document attestant qu'ils auraient, lors de la reconnaissance prénatale effectuée le 23 septembre 2009, procédé à une déclaration de choix du nom démontrant leur volonté de voir leur fille porter leurs deux noms accolés. Il ne ressort d'aucune pièce du dossier, hormis les attestations rédigées par Mme F... et M. E... eux-mêmes, qui ne se prévalent en outre d'aucune circonstance particulière qui aurait entouré la naissance et aurait ainsi pu faire obstacle à ce que leur fille soit déclarée sous le double nom, ni qu'ils auraient manifesté leur intention de donner ce nom à leur fille, ni qu'une erreur aurait été commise par l'officier d'état-civil ou le tiers-déclarant. Par ailleurs, si les requérants allèguent que leur fille subirait, du fait de l'absence de double-nom accollé, un préjudice et de lourdes répercussions sur sa vie personnelle, ils ne démontrent toutefois la réalité d'aucun préjudice résultant pour l'enfant du port de son nom actuel. Dans ces conditions, en l'absence de circonstances exceptionnelles susceptibles de caractériser l'intérêt légitime requis par l'article 61 du code civil pour déroger aux principes de dévolution et de fixité du nom établis par la loi, Mme F... et M. E... ne sont pas fondés à soutenir que le garde des sceaux, ministre de la justice aurait commis une erreur d'appréciation en refusant de faire droit à leur demande.
4. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
5. Il ne ressort pas des pièces du dossier que, compte tenu de ce qui a été dit précédemment, la décision refusant le changement de nom sollicité porterait au droit au respect de la vie privée et familiale de Mme F..., de M. E... et de leur fille une atteinte excessive au regard de l'intérêt public qui s'attache au respect des principes de dévolution et de fixité du nom établis par la loi. Le moyen tiré de ce que la décision litigieuse méconnaitrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit ainsi être écarté.
6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme F... et M. E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande. Leur requête, y compris leurs conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doit dès lors être rejetée.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme D... F... et de M. C... E..., agissant en qualité de représentants légaux de leur fille mineure, est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... F... et M. C... E..., agissant en qualité de représentants légaux de leur fille mineure, A... E... et au garde des sceaux, ministre de la justice.
Délibéré après l'audience du 12 décembre 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Diémert, président de la formation de jugement en application des articles L. 234-3 (premier alinéa) et R. 222-6 (premier alinéa) du code de justice administrative,
- M. Legeai, premier conseiller,
- M. G..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 23 janvier 2020.
Le rapporteur,
F. G...Le président,
S. DIÉMERTLe greffier,
A. LOUNISLa République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA00208