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21/01/2020 | FRANCE | N°18PA02387,18PA02392

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 21 janvier 2020, 18PA02387,18PA02392


Vu la procédure suivante :

I. Par une requête, enregistrée le 18 juillet 2018, sous le n°18PA02387, et des mémoires enregistrés le 4 novembre 2019 et le 30 décembre 2019, le Syndicat national des pilotes de lignes (SNPL) France ALPA représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle la ministre du travail a refusé d'ordonner l'enquête de représentativité qu'il a demandée en application des articles L. 2121-2, L. 2122-5, L. 2122-9, L. 2122-11, D. 2122-6, D. 2122-7 et R. 2122-3 du code du travail ; r>
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'art...

Vu la procédure suivante :

I. Par une requête, enregistrée le 18 juillet 2018, sous le n°18PA02387, et des mémoires enregistrés le 4 novembre 2019 et le 30 décembre 2019, le Syndicat national des pilotes de lignes (SNPL) France ALPA représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle la ministre du travail a refusé d'ordonner l'enquête de représentativité qu'il a demandée en application des articles L. 2121-2, L. 2122-5, L. 2122-9, L. 2122-11, D. 2122-6, D. 2122-7 et R. 2122-3 du code du travail ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Le SNPL France ALPA soutient que :

- il justifie de son intérêt à agir contre la décision attaquée qui lui fait grief ;

- en ne faisant pas droit à sa demande, la ministre du travail, à laquelle aucun pouvoir d'appréciation n'est reconnu, a méconnu les dispositions des articles L. 2121-2, L. 2122-5,

L. 2122-8, L. 2122-11, R. 2122-3 et D. 2122-6, du code du travail dont il résulte que, tous les quatre ans et après chaque cycle électoral, sans aucun pouvoir d'appréciation, l'administration a l'obligation de publier les résultats d'audience et de consulter le Haut Conseil au dialogue social (HCDS), de mettre en oeuvre le processus permettant que soit arrêtée et publiée la liste des organisations syndicales représentatives au niveau de chaque branche ainsi que 1eur poids respectifs ; une enquête de représentativité a eu lieu en 2014 lors du précédent cycle électoral ; en l'absence de définition de la notion de branche par le code du travail, on ne saurait considérer que la convention collective la constitue, la branche de l'activité de transport aérien, au sein de laquelle coexistent plusieurs conventions collectives, étant définie par l'article L. 6524-3 du code des transports ; il importe donc peu qu'il n'y ait pas de convention collective propre au personnel navigant technique, traité différemment par le législateur ; la mesure de la représentativité doit se faire tant au niveau de l'ensemble de la branche du transport aérien qu'au niveau du seul collège du personnel navigant technique pour mettre en oeuvre les dispositions de l'article L. 6524-5 du code des transports ;

- la décision attaquée est entachée de détournement de pouvoir en ce qu'elle résulte de l'intention de lui nuire en méconnaissance des principes de neutralité et d'impartialité, la décision d'organiser une enquête n'appartenant ni au HDCS, ni à la ministre ; le refus de publication du résultat des élections le prive de la possibilité de reconnaissance auprès de ses partenaires ;

- le refus de la ministre de diligenter l'enquête prévue à l'article L. 2121-2 du code du travail et, par voie de conséquence, de publier la liste, porte atteinte aux libertés publiques garanties notamment par les alinéas 6 et 8 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et 5 de la Charte Sociale Européenne, l'empêche d'établir sa représentativité dans la branche professionnelle ; l'exigence d'un début de négociation préalablement à l'ouverture d'une enquête de représentativité excède ce qu'a voulu le législateur.

Par un mémoire en défense enregistré le 5 novembre 2019, la ministre du travail conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 30 décembre 2019.

II. Par une requête, enregistrée le 18 juillet 2018 sous le n°18PA02392, et des mémoires enregistrés les 4 novembre 2019 et 30 décembre 2019, le Syndicat national des pilotes de lignes (SNPL) France ALPA représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle la ministre du travail a refusé de publier la décision arrêtant la liste des organisations syndicales reconnues représentatives du personnel navigant technique dans la branche professionnelle du transport aérien et de préciser leur poids électoral respectif en application des dispositions des articles

L. 2121-2, L. 2122-5, L. 2122-9, L. 2122-11, D. 2122-6, D. 2122-7 et R. 2122-3 du code du travail ;

2°) d'enjoindre à la ministre du travail de présenter au Haut Conseil du Dialogue Social les résultats enregistrés, de le consulter pour avis et de publier la décision arrêtant la liste des organisations syndicales reconnues représentatives à l'égard du personnel navigant technique dans la branche professionnelle du transport aérien en précisant leur poids respectif, dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;

3) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Le SNPL France ALPA soutient que :

- il justifie de son intérêt à agir contre la décision attaquée qui lui fait grief ;

- en ne faisant pas droit à sa demande, la ministre du travail, à laquelle aucun pouvoir d'appréciation n'est reconnu, a méconnu les dispositions des articles L. 2121-2, L. 2122-5,

L. 2122-8, L. 2122-11, R. 2122-3 et D. 2122-6, du code du travail dont il résulte que, tous les quatre ans et après chaque cycle électoral, sans aucun pouvoir d'appréciation, l'administration a l'obligation de publier les résultats d'audience et de consulter le Haut Conseil au dialogue social (HCDS), de mettre en oeuvre le processus permettant que soit arrêtée et publiée la liste des organisations syndicales représentatives au niveau de chaque branche ainsi que 1eur poids respectifs ; une enquête de représentativité a eu lieu en 2014 lors du précédent cycle électoral ; en l'absence de définition de la notion de branche par le code du travail, on ne se saurait considérer que la convention collective la constitue, la branche de l'activité de transport aérien, au sein de laquelle coexistent plusieurs conventions collectives, étant définie par l'article

L. 6524-3 du code des transports ; il importe donc peu qu'il n'y ait pas de convention collective propre au personnel navigant technique, traité différemment par le législateur ; la mesure de la représentativité doit se faire tant au niveau de l'ensemble de la branche du transport aérien qu'au niveau du seul collège du personnel navigant technique pour mettre en oeuvre les dispositions de l'article L. 6524-5 du code des transports ;

- la décision attaquée est entachée de détournement de pouvoir en ce qu'elle résulte de l'intention de lui nuire en méconnaissance des principes de neutralité et d'impartialité, la décision d'organiser une enquête n'appartenant ni au HDCS, ni à la ministre ; le refus de publication du résultat des élections le prive de la possibilité de reconnaissance auprès de ses partenaires ;

- le refus de la ministre de diligenter l'enquête prévue à l'article L. 2121-2 du code du travail et, par voie de conséquence, de publier la liste, porte atteinte aux libertés publiques garanties notamment par les alinéas 6 et 8 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et 5 de la Charte Sociale Européenne, l'empêche d'établir sa représentativité dans la branche professionnelle ; l'exigence d'un début de négociation de préalablement à l'ouverture d'une enquête de représentativité excède ce qu'a voulu le législateur.

Par un mémoire en défense enregistré le 5 novembre 2019, la ministre du travail conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 30 décembre 2019.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le codes des transports ;

- le code du travail ;

- la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 janvier 2020 :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme Pena, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., représentant le SNPL France ALPA.

Une note en délibéré, présentée pour le SNPL France Alpa dans chacun des dossiers a été enregistrée le 16 janvier 2020.

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes nos 18PA02387 et 18PA02392 présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un même arrêt.

2. Le 19 janvier 2017, le Syndicat national des pilotes de lignes (SNPL) France ALPA a demandé à la ministre du travail de diligenter une enquête de représentativité à l'égard des personnels navigants techniques (PNT) des entreprises de transport aérien. Le 14 décembre 2017, il a ensuite demandé à la ministre du travail de publier une décision fixant la liste des organisations syndicales reconnues représentatives à l'égard du personnel navigant technique dans la branche professionnelle du transport aérien et de préciser leur poids électoral respectif. Le SNPL France Alpa demande à la cour d'annuler les deux décisions implicites de la ministre du travail portant rejet, d'une part, de sa demande du 19 janvier 2017, d'autre part, de sa demande du 14 décembre 2017.

3. D'une part, aux termes de l'article L. 2121-1 du code du travail issu de la loi

n° 2008-789 du 20 août 2008, dans sa version applicable : " La représentativité des organisations syndicales est déterminée d'après les critères cumulatifs suivants : (...)

5° L'audience établie selon les niveaux de négociation conformément aux articles L. 2122-1,

L. 2122-5, L. 2122-6 et L. 2122-9 ; (...) ". Aux termes de l'article L. 2122-5, dans sa version applicable: " Dans les branches professionnelles, sont représentatives les organisations syndicales qui : 1° Satisfont aux critères de l'article L. 2121-1 ; (...) 3° Ont recueilli au moins

8 % des suffrages exprimés résultant de l'addition au niveau de la branche, d'une part, des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires aux comités d'entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel, quel que soit le nombre de votants, et, d'autre part, des suffrages exprimés au scrutin concernant les entreprises de moins de onze salariés dans les conditions prévues aux articles L. 2122-10-1 et suivants. La mesure de l'audience s'effectue tous les quatre ans. ". Aux termes de l'article

L. 2122-7 du même code : " Sont représentatives au niveau de la branche à l'égard des personnels relevant des collèges électoraux dans lesquels leurs règles statutaires leur donnent vocation à présenter des candidats les organisations syndicales catégorielles qui sont affiliées à une confédération syndicale catégorielle interprofessionnelle nationale et qui remplissent les conditions de l'article L. 2122-5 dans ces collèges. ". Enfin, aux termes de l'article L. 2122-11 du même code : " Après avis du Haut Conseil du dialogue social, le ministre chargé du travail arrête la liste des organisations syndicales reconnues représentatives par branche professionnelle et des organisations syndicales reconnues représentatives au niveau national et interprofessionnel en application des articles L. 2122-5 à L. 2122-10. (...) ".

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 2121-2 du code du travail : " S'il y a lieu de déterminer la représentativité d'un syndicat ou d'une organisation professionnelle autre que ceux affiliés à l'une des organisations représentatives au niveau national, l'autorité administrative diligente une enquête. L'organisation intéressée fournit les éléments d'appréciation dont elle dispose. ".

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision de la ministre du travail portant rejet implicite de la demande de diligenter une enquête de représentativité :

5. En premier lieu, le syndicat SNPL France Alpa, qui n'avait nullement demandé à la ministre de porter à la connaissance du Haut Conseil au dialogue social (HCDS) le résultat complet du cycle électoral et ne peut ainsi opposer à la ministre un refus à une telle demande, soutient que la ministre du travail était tenue de diligenter l'enquête de représentativité telle que prévue à l'article L. 2121-2 du code du travail susvisé et d'en publier les résultats. Toutefois, la ministre du travail ne peut, sur le fondement des dispositions de l'article L. 2121-2 du code du travail, déterminer la représentativité des organisations syndicales dans le champ d'une branche, dès lors, et en tout état de cause, que les modalités de cette détermination sont régies, depuis la réforme de la représentativité syndicale issue de la loi du 20 août 2008, par les seules dispositions précitées des articles L. 2122-5 et L. 2122-11 du code du travail. Par suite, et quand bien même une enquête aurait-elle été diligentée lors du précédent cycle électoral, le syndicat requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée est entachée d'une erreur de droit.

6. En deuxième lieu, en tout état de cause, le syndicat requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision litigieuse aurait porté atteinte aux libertés syndicales qu'il tient du Préambule de la Constitution de 1946 et de la charte européenne dès lors, ainsi que le fait valoir la ministre du travail, que la liberté syndicale n'impose pas que tous les syndicats soient reconnus comme étant représentatifs indépendamment de leur audience, et qu'il est loisible au législateur de définir des critères de représentativité des organisations syndicales.

7. En dernier lieu, si le SNPL Alpa France soutient que la décision attaquée est entachée d'un détournement du pouvoir, il ne l'établit pas.

8. Il résulte de tout ce qui précède que le SNPL France Alpa n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision de la ministre du travail portant rejet implicite de sa demande de diligenter une enquête de représentativité.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision de la ministre du travail portant rejet implicite de la demande de publication de l'arrêté de représentativité :

9. Le syndicat SNPL soutient que la ministre du travail, même en l'absence d'enquête de représentativité, était tenue de mettre en oeuvre le processus permettant que soit arrêtée et publiée la liste des organisations syndicales représentatives au niveau de chaque branche ainsi que 1eur poids respectifs. Toutefois, il résulte des dispositions susmentionnées des articles L. 2122-5, L. 2122-7 et L. 2122-11 du code du travail, que les arrêtés relatifs à la représentativité par branches, s'adossent à la soumission des entités économiques concernées à une convention collective, locale ou nationale. Il en résulte qu'en l'absence de convention collective, la ministre ne tire d'aucune des dispositions précitées le pouvoir d'arrêter la liste des organisations syndicales représentatives ainsi que 1eur poids respectifs. Or, il est au cas d'espèce constant, non contesté, qu'il n'existe pas de convention collective pour le personnel navigant technique des entreprises de transport aérien, lequel ne saurait, dès lors, constituer une branche, les dispositions du code des transports invoquées, qui ne sont pas dérogatoires au droit commun, ne pouvant être valablement être invoquées et pas davantage la circonstance qu'un arrêté de représentativité aurait été publié lors du cycle électoral précédent. C'est donc sans commettre d'erreur de droit que la ministre du travail, qui n'était pas tenue de consulter le HCDS après lui avoir transmis le résultat des élections dont s'agit, a rejeté la demande du requérant.

10. Pour les mêmes motifs que ceux indiqués aux points 6 et 7 du présent arrêt, les moyens tirés du détournement de pouvoir et de l'atteinte portée aux libertés syndicales au sens du Préambule de la Constitution de 1946 et de la charte européenne ne peuvent, enfin, qu'être écartés.

11. Il résulte ainsi de ce qui précède que les conclusions du SNPL France ALPA doivent être rejetées. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Les requêtes n°18PA02387 et n°18PA02392 du Syndicat national des pilotes de lignes (SNPL) France Alpa sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au Syndicat national des pilotes de lignes (SNPL) France Alpa et à la ministre du travail.

Délibéré après l'audience publique du 7 janvier 2020 à laquelle siégeaient :

- M. B..., premier vice-président,

- M. Bernier, président assesseur,

- Mme A..., premier conseiller.

Lu en audience publique le 21 janvier 2020.

Le rapporteur,

M-D... A... Le président,

M. B...

Le greffier,

N. DAHMANI

La République mande et ordonne à la ministre du travail en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 10PA03855

6

N° 18PA02387, 18PA02392


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA02387,18PA02392
Date de la décision : 21/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Marie-Dominique JAYER
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : SCP RAPPAPORT-HOCQUET-SCHOR

Origine de la décision
Date de l'import : 28/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-01-21;18pa02387.18pa02392 ?
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