Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme F... E... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 23 octobre 2014 par laquelle lui a été confiée la mission " d'accompagner le département de biologie médicale " dans sa démarche " Qualité et accréditation " ainsi que la décision du 3 décembre 2014 rejetant son recours gracieux.
Par un jugement no 1504422-8 du 25 janvier 2018, le Tribunal administratif de Melun a annulé les décisions du 23 octobre 2014 et du 3 décembre 2014 et a enjoint au centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges de proposer à Mme E... une affectation correspondant à son grade au terme de sa mise à disposition auprès de l'Assistance
publique-Hôpitaux de Paris.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 21 mars 2018, le centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges, représenté par la Selarl Cabinet Ligneul, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1504422-8 du 25 janvier 2018 par lequel le Tribunal administratif de Melun a annulé la décision du 23 octobre 2014 par laquelle lui a été confiée la mission " d'accompagner le département de biologie médicale " dans sa démarche " Qualité et accréditation " ainsi que la décision du 3 décembre 2014 par laquelle le directeur du centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint Georges a rejeté son recours gracieux ;
2°) de rejeter la demande de Mme E... ;
3°) de mettre à la charge de Mme E... une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- à titre principal, la demande de première instance est irrecevable dès lors que la décision attaquée constitue une mesure d'ordre intérieur, en l'absence de perte de responsabilité et de rémunération ; au surplus, Mme E... ayant expressément accepté sa mise à disposition auprès de l'hôpital Bicêtre depuis le 30 juin 2017, elle n'a plus qualité pour contester sa précédente affectation ;
- à titre subsidiaire, l'affectation de Mme E... correspond à son statut et à sa formation ; son affectation est due aux difficultés relationnelles qu'elle a rencontrées au sein du service de microbiologie.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 juillet 2018, Mme E..., représentée par Me H..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa requête est recevable dès lors que son affectation a eu pour conséquence une perte de responsabilité et de rémunération et ne constitue donc pas une mesure d'ordre intérieur ;
- les autres moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 21 décembre 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 17 janvier 2019.
Un mémoire présenté pour Mme E... a été enregistré le 11 octobre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public,
- et les observations de Me H... pour Mme E..., en présence de l'intéressée.
Considérant ce qui suit :
1. Le centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges a recruté, le
1er mars 2009, le Dr E... en tant que praticien hospitalier à temps plein en qualité de " biologiste des hôpitaux " au sein du service de microbiologie pour une période probatoire d'un an qui n'a pas été renouvelée après avis défavorable du centre national de gestion. Mme E... a été titularisée dans le corps des praticiens hospitaliers à compter du 1er mars 2010 par arrêté du 16 juillet 2010. Après une mise à disposition d'une durée de six mois auprès de l'hôpital
Sainte-Anne, Mme E... a sollicité sa réintégration au sein du centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges. Par décision du 23 octobre 2014 communiquée lors d'une réunion du 27 octobre 2014, le centre hospitalier a confié à Mme E... la mission " d'accompagner le département de biologie médicale " dans sa démarche " Qualité et accréditation " notamment au profit du service de microbiologie. Par décision du 3 décembre 2014, le directeur du centre hospitalier a rejeté son recours gracieux. Par un jugement du
25 janvier 2018, dont le centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges fait appel, le Tribunal administratif de Melun a annulé les décisions du 23 octobre 2014 et du
3 décembre 2014 et a enjoint au centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges de proposer à Mme E... une affectation correspondant à son grade au terme de sa mise à disposition auprès de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris.
Sur la régularité du jugement :
2. Le centre hospitalier de Villeneuve-Saint-Georges fait valoir que la demande de première instance est irrecevable dès lors que Mme E... ayant accepté le 30 juin 2017 d'être mise à disposition, elle n'a plus qualité pour agir. Cependant, cette circonstance étant postérieure à l'introduction de la demande de Mme E... devant le Tribunal administratif de Melun, elle restait sans incidence sur la recevabilité de la demande de celle-ci. Si, par ailleurs, le centre hospitalier doit être regardé comme se prévalant en réalité de ce que le tribunal devait prononcer un non-lieu à statuer à raison de cette circonstance, d'une part, la mise à disposition temporaire de Mme E... auprès de l'hôpital Sainte-Anne à compter du 30 juin 2017 ne peut être regardée comme ayant pour effet d'abroger les décisions du 23 octobre 2014 et du 3 décembre 2014 et donnant ainsi entière satisfaction à Mme E..., d'autre part, les décisions en litige ont reçu exécution. Dès lors, les premiers juges ont pu statuer sur la demande qui leur était soumise sans entacher leur jugement d'irrégularité.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance :
3. Les mesures prises à l'égard d'agents publics qui, compte tenu de leurs effets, ne peuvent être regardées comme leur faisant grief, constituent de simples mesures d'ordre intérieur insusceptibles de recours. Il en va ainsi des mesures qui, tout en modifiant leur affectation ou les tâches qu'ils ont à accomplir, ne portent pas atteinte aux droits et prérogatives qu'ils tiennent de leur statut ou de leur contrat ou à l'exercice de leurs droits et libertés fondamentaux, ni n'emportent de perte de responsabilités ou de rémunération. Le recours contre de telles mesures, à moins qu'elles ne traduisent une discrimination ou une sanction, est irrecevable.
4. Aux termes de l'article L. 6211-1 du code de la santé publique : " Un examen de biologie médicale est un acte médical qui concourt à la prévention, au dépistage, au diagnostic ou à l'évaluation du risque de survenue d'états pathologiques, à la décision et à la prise en charge thérapeutiques, à la détermination ou au suivi de l'état physiologique ou physiopathologique de l'être humain, hormis les actes d'anatomie et de cytologie pathologiques, exécutés par des médecins spécialistes dans ce domaine. ". Aux termes de l'article R. 6152-2 du même code : " Les praticiens hospitaliers exercent leurs fonctions à temps plein. Ils assurent les actes médicaux de diagnostic, de traitement, de soins d'urgence dispensés par les établissements publics de santé (...). / Ils participent aux tâches de gestion qu'impliquent leurs fonctions. (...) ".
5. Il ressort des pièces du dossier que par les décisions attaquées, le centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges a confié à Mme E... la mission " d'accompagner le département de biologie médicale " dans sa démarche " Qualité et accréditation " notamment au profit du service de microbiologie. Le compte-rendu de l'entretien qui s'est tenu le 27 octobre 2014 au cours duquel Mme E... a pu prendre connaissance de la décision prise le 23 octobre 2014, indique : " Cette fiche de mission, élaborée en lien avec
Mme C... et M. B..., positionne Mme E... à temps plein sur la préparation des échéances COFRAC pour la microbiologie en 2015. Mme E... est ainsi retirée de l'activité bactériologique courante et du tour d'astreinte pour pouvoir se consacrer entièrement à l'analyse des processus et à l'ouverture des familles d'examens (identification des points d'amélioration, rédaction des procédures etc). ". Dans sa décision du 3 décembre 2014, le directeur du centre hospitalier précise que : " Par ailleurs, à aucun moment il ne vous a été interdit de valider des examens microbiologiques. Il est simplement attendu de vous que vous vous concentriez en priorité sur la mission qui vous a été donnée par votre chef de service ". Il résulte de ces deux documents et il ressort des pièces du dossier que Mme E... s'est vu confier à temps plein une mission administrative de contrôle de la qualité et d'accréditation et retirer ses fonctions de médecin biologiste. Ces nouvelles fonctions, exclusivement administratives, ne correspondent pas à celles que le praticien hospitalier a principalement vocation à exercer en application des dispositions statutaires précitées. Si les dispositions de l'article R. 6152-2 du code de la santé publique prévoient une participation des praticiens hospitaliers aux tâches de gestion qu'impliquent leurs fonctions, celle-ci ne peut revêtir qu'un caractère accessoire. En outre, les dispositions de l'article D. 6221-30 du code de la santé publique dont se prévaut le centre hospitalier, relatives à l'accréditation de laboratoires de biologie médicale, n'étaient pas en vigueur à la date de la décision attaquée. Ce changement d'affectation, qui entraîne une diminution sensible des attributions et des responsabilités de Mme E..., porte ainsi atteinte aux prérogatives qu'elle tient de son statut. Il s'ensuit que la décision contestée ne constitue pas une simple mesure d'ordre intérieur mais une décision qui fait grief à Mme E.... Cette dernière était donc recevable à en demander l'annulation.
En ce qui concerne la légalité des décisions du 23 octobre 2014 et du 3 décembre 2014 :
6. Aux termes de l'article R. 6152-50 du code de la santé publique " (...) La convention de mise à disposition auprès d'un établissement mentionné à l'article R. 6152-1 est conclue pour une durée de six mois, renouvelable une fois pour la même durée. Au terme de la mise à disposition, le praticien doit reprendre son affectation initiale ou faire l'objet, dans le cadre d'une mutation, d'une nomination dans l'établissement de mise à disposition. (...) ".
7. En application de ces dispositions, Mme E... était en droit, à l'issue de sa mise à disposition, de reprendre son affectation initiale. Si les difficultés relationnelles qu'elle a pu rencontrer précédemment au sein du service de microbiologie pouvaient justifier qu'elle ne soit plus affectée précisément dans ce service, cette circonstance ne pouvait pas avoir pour conséquence le retrait de ses fonctions de biologiste. Par ailleurs, le centre hospitalier ne démontre pas l'absence de tout autre poste correspondant au statut de l'intéressée, alors qu'il ressort au contraire des pièces du dossier qu'une fiche de poste pour le recrutement d'un biologiste contractuel a été publié dès le mois de janvier 2015. En outre, si des missions administratives de contrôle de la qualité et d'accréditation pouvaient être confiées à
Mme E..., elles ne pouvaient revêtir qu'un caractère accessoire, sauf, ainsi qu'il a été dit au point 5, à porter atteinte aux prérogatives que l'intéressée tenait de son statut. Enfin, le centre hospitalier ne démontre pas l'intérêt du service justifiant d'affecter Mme E... à une mission dépourvue de toute activité médicale. L'atteinte aux prérogatives de Mme E... entraîne, dans ces conditions, l'illégalité des décisions du 23 octobre 2014 et du 3 décembre 2014.
8. Il résulte de tout ce qui précède que le centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a annulé la décision du 23 octobre 2014 confiant à Mme E... une mission de contrôle de la qualité ainsi que la décision du 3 décembre 2014 rejetant son recours gracieux.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée à ce titre par le centre hospitalier intercommunal de
Villeneuve-Saint-Georges soit mise à la charge de Mme E..., qui n'est pas la partie perdante.
10. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier de Villeneuve-Saint-Georges la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme E... et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête du centre hospitalier de Villeneuve-Saint-Georges est rejetée.
Article 2 : Le centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges versera à
Mme E... la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier de Villeneuve-Saint-Georges et à Mme F... E....
Délibéré après l'audience du 20 décembre 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme A..., président,
- Mme G..., présidente-assesseure,
- Mme D..., premier conseiller.
Lu en audience publique le 17 janvier 2020.
Le rapporteur,
C. D...
Le président,
M. A... Le greffier,
I. BEDR
La République mande et ordonne à la ministre des solidarités et de la santé en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA00930