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17/01/2020 | FRANCE | N°18PA00817

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 17 janvier 2020, 18PA00817


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... D... épouse A... et M. F... A... ont demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler les décisions implicites de rejet nées le 10 août 2016 du silence gardé par le ministre chargé de la santé et le ministre de l'éducation nationale sur leur demande indemnitaire préalable présentée le 8 juin 2016 et de condamner l'Etat à verser les sommes respectives de 35 000 euros au profit de leur enfant B... A..., de 15 000 euros au bénéfice de Mme A... et de 15 000 euros au bénéfice de M. A..., a

ssorties des intérêts au taux légal à compter du 8 juin 2016, en réparation du ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... D... épouse A... et M. F... A... ont demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler les décisions implicites de rejet nées le 10 août 2016 du silence gardé par le ministre chargé de la santé et le ministre de l'éducation nationale sur leur demande indemnitaire préalable présentée le 8 juin 2016 et de condamner l'Etat à verser les sommes respectives de 35 000 euros au profit de leur enfant B... A..., de 15 000 euros au bénéfice de Mme A... et de 15 000 euros au bénéfice de M. A..., assorties des intérêts au taux légal à compter du 8 juin 2016, en réparation du préjudice moral résultant pour ceux-ci de l'absence de prise en charge de cet enfant dans un établissement adapté.

Par un jugement n° 1613032/1-3 du 31 janvier 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des pièces complémentaires, enregistrées les 9 mars 2018 et 3 juin 2019, M. et Mme A..., représentés par Me H..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1613032/1-3 du 31 janvier 2018 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande ;

2°) de condamner l'Etat à verser à B... A... la somme de 35 000 euros et à

M. et Mme A... la somme de 15 000 euros chacun, assorties des intérêts au taux légal à compter du 8 juin 2016, en réparation du préjudice moral qu'ils estiment avoir subi ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la carence de l'Etat dans la prise en charge de l'enfant B... A... entre juillet 2015 et février 2017 constitue une faute de nature à engager sa responsabilité au regard du droit à l'éducation consacré par les articles L. 111-1 et suivants et D. 351-10 du code de l'éducation et de l'article L. 246-1 du code de l'action sociale et des familles ;

- ils ont démontré avoir entrepris les démarches nécessaires auprès des établissements désignés par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées alors que l'Etat n'établit pas qu'ils auraient refusé une place dans un établissement ;

- leur fils a subi un préjudice moral qui doit être évalué à 35 000 euros ;

- ils ont subi un préjudice moral qui doit être évalué à 15 000 euros chacun.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 avril 2019, la ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. et Mme A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de l'éducation ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mach, premier conseiller,

- les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public,

- et les observations de Me H..., avocat de M. et Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme A... sont les parents d'un enfant, B..., né le 6 septembre 2004, atteint de troubles envahissants du développement diagnostiqués en mai 2009. B... A... a été pris en charge à l'hôpital de jour " La Pomme " à Paris du 31 octobre 2009 au 31 juillet 2015 puis à l'institut médico-éducatif " Cour de Venise " à Paris à compter de février 2017. Par une demande en date du 8 juin 2016, M. et Mme A... ont sollicité du ministre des affaires sociales et de la santé et des droits des femmes et du ministre de l'éducation nationale le versement d'une somme totale de 65 000 euros en réparation des préjudices qu'il estiment avoir subis, ainsi que leur fils, du fait de la carence des services de l'Etat dans la prise en charge adaptée de B... entre août 2015 et février 2017. Ils relèvent appel du jugement du 31 janvier 2018 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté leurs conclusions indemnitaires.

2. Aux termes du quatrième alinéa de l'article L. 111-1 du code de l'éducation : " Le droit à l'éducation est garanti à chacun afin de lui permettre de développer sa personnalité, d'élever son niveau de formation initiale et continue, de s'insérer dans la vie sociale et professionnelle, d'exercer sa citoyenneté. " Aux termes de l'article L. 112-1 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Pour satisfaire aux obligations qui lui incombent en application des articles L. 111-1 et

L. 111-2, le service public de l'éducation assure une formation scolaire, professionnelle ou supérieure aux enfants, aux adolescents et aux adultes présentant un handicap ou un trouble de la santé invalidant. Dans ses domaines de compétence, l'Etat met en place les moyens financiers et humains nécessaires à la scolarisation en milieu ordinaire des enfants, adolescents ou adultes handicapés. " Aux termes de l'article L. 351-1 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Les enfants et adolescents présentant un handicap ou un trouble de santé invalidant sont scolarisés dans les écoles maternelles et élémentaires et les établissements visés aux articles

L. 213-2, L. 214-6, L. 422-1, L. 422-2 et L. 442-1 du présent code et aux articles L. 811-8 et L. 813-1 du code rural et de la pêche maritime, si nécessaire au sein de dispositifs adaptés, lorsque ce mode de scolarisation répond aux besoins des élèves. Les parents sont étroitement associés à la décision d'orientation et peuvent se faire aider par une personne de leur choix. La décision est prise par la commission mentionnée à l'article L. 146-9 du code de l'action sociale et des familles, en accord avec les parents ou le représentant légal. (...) / L'enseignement est également assuré par des personnels qualifiés relevant du ministère chargé de l'éducation lorsque la situation de l'enfant ou de l'adolescent présentant un handicap ou un trouble de la santé invalidant nécessite un séjour dans un établissement de santé ou un établissement médico-social. (...). ". Aux termes de l'article

L. 246-1 du code de l'action sociale et des familles : " Toute personne atteinte du handicap résultant du syndrome autistique et des troubles qui lui sont apparentés bénéficie, quel que soit son âge, d'une prise en charge pluridisciplinaire qui tient compte de ses besoins et difficultés spécifiques. / Adaptée à l'état et à l'âge de la personne, cette prise en charge peut être d'ordre éducatif, pédagogique, thérapeutique et social. (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions, d'une part, que le droit à l'éducation étant garanti à chacun quelles que soient les différences de situation, et, d'autre part, que l'obligation scolaire s'appliquant à tous, les difficultés particulières que rencontrent les enfants handicapés ne sauraient avoir pour effet ni de les priver de ce droit, ni de faire obstacle au respect de cette obligation. D'autre part, le droit à une prise en charge pluridisciplinaire est garanti à toute personne atteinte du handicap résultant du syndrome autistique, quelles que soient les différences de situation. Si, eu égard à la variété des formes du syndrome autistique, le législateur a voulu que cette prise en charge, afin d'être adaptée aux besoins et difficultés spécifiques de la personne handicapée, puisse être mise en oeuvre selon des modalités diversifiées, notamment par l'accueil dans un établissement spécialisé ou par l'intervention d'un service à domicile, c'est sous réserve que la prise en charge soit effective dans la durée, pluridisciplinaire, et adaptée à l'état et à l'âge de la personne atteinte de ce syndrome. Enfin, ces dispositions imposent à l'Etat et aux autres personnes publiques chargées de l'action sociale en faveur des personnes handicapées d'assurer, dans le cadre de leurs compétences respectives, cette prise en charge effective. Elles impliquent que les organismes privés vers lesquels des personnes handicapées ont été orientées dans ce cadre accomplissent la mission de service public qui leur est ainsi confiée. Une carence dans l'accomplissement de cette mission est de nature à engager la responsabilité de ces autorités ou établissements.

4. En vertu du I de l'article L. 241-6 du code de l'action sociale et des familles, la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées est compétente pour se prononcer sur l'orientation d'une personne handicapée et les mesures propres à assurer son insertion scolaire ou professionnelle et sociale et pour désigner les établissements ou services concourant à la rééducation, à l'éducation, au reclassement et à l'accueil de l'adulte handicapé et en mesure de l'accueillir. Le III du même article précise que cette décision de désignation s'impose à tout établissement ou service dans la limite de la spécialité au titre de laquelle il a été autorisé ou agréé.

5. Il résulte de l'instruction que, saisie par M. et Mme A... d'une demande d'orientation pour leur enfant B..., la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées de Paris a préconisé, par décisions des 27 janvier 2015 et 24 novembre 2015, une orientation de l'enfant vers un institut médico-éducatif (IME), section autisme, puis vers un service de l'éducation spéciale et des soins à domicile (SESSAD) ou un institut médico-éducatif, respectivement pour les périodes du 30 octobre 2014 au 29 octobre 2016 et du 20 février 2015 au 19 février 2017. Il est constant que B... A... n'a été pris en charge par aucune structure entre le 1er août 2015 et février 2017, date à laquelle il a été admis dans l'un des établissements désignés par la commission dans sa décision du 24 novembre 2015, à savoir l'institut médico-éducatif " Cour de Venise " à Paris. M. et Mme A... ne démontrent pas, par les pièces versées tant devant le tribunal administratif que devant la cour, avoir effectué des démarches auprès de la totalité des dix-sept établissements désignés par les décisions successives de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées, mais seulement auprès de neuf d'entre eux. S'ils font valoir que les autres établissements ont été contactés par téléphone, ils n'apportent aucun élément de nature à établir la réalité de leurs allégations, alors qu'il leur était loisible d'apporter, y compris en cours d'instance, la preuve que ces établissements avaient été contactés à l'époque. Dans ces conditions, M. et Mme A... n'établissent pas que l'absence de prise en charge de leur enfant B..., pour la période d'août 2015 à février 2017 serait la conséquence de l'absence de places disponibles dans les établissements désignés par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées de Paris et, par suite, d'une carence des services de l'Etat dans la mise en oeuvre des moyens nécessaires à une prise en charge pluridisciplinaire au sens des dispositions de l'article L. 241-6 du code de l'action sociale et des familles, qui serait constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat.

6. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... D... épouse A..., à M. F... A... et à la ministre des solidarités et de la santé.

Délibéré après l'audience du 3 décembre 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme C..., président de chambre,

- Mme G..., présidente assesseure,

- Mme Mach, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 janvier 2020.

Le rapporteur,

A-S MACHLe président,

M. C...Le greffier,

S. GASPARLa République mande et ordonne à la ministre des solidarités et de la santé en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 18PA00817


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA00817
Date de la décision : 17/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Aide sociale - Différentes formes d'aide sociale - Aide sociale aux personnes handicapées.

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics.


Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Anne-Sophie MACH
Rapporteur public ?: M. BARONNET
Avocat(s) : MONTPENSIER

Origine de la décision
Date de l'import : 28/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-01-17;18pa00817 ?
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