Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 20 février 2019 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 1905948/2-3 du 18 juillet 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 30 juillet 2019, M. B..., représenté par Me F..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1905948/2-3 du 18 juillet 2019 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
2°) d'annuler l'arrêté du 20 février 2019 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer le titre de séjour sollicité ou, à défaut, de réexaminer sa demande de titre de séjour, dans le délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté du 20 février 2019 est entaché d'un vice de procédure tiré du défaut de saisine de la commission du titre de séjour dès lors qu'il justifie d'une résidence habituelle en France depuis plus de dix ans ;
- le refus de délivrance du titre de séjour en qualité de salarié est insuffisamment motivé ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien et de l'annexe I du protocole du 28 avril 2008 ;
- il méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- il méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 septembre 2019, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 7 octobre 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 25 octobre 2019 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 modifié ;
- le protocole relatif à la gestion concertée des migrations entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République tunisienne signé à Tunis le 28 avril 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant tunisien né le 2 avril 1985, déclare être entré en France le
20 mars 2008. Il a sollicité le 12 décembre 2018 la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié en application des stipulations de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié. Par un arrêté en date du 20 février 2019, le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de renvoi. M. B... relève appel du jugement du 18 juillet 2019 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
2. Il ressort des termes mêmes de l'arrêté contesté que le refus de délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié comprend les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement. Il mentionne que M. B... ne dispose pas d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes et est démuni du visa de long séjour. L'arrêté vise par ailleurs les stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ainsi que le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation doit être écarté.
3. L'article 11 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 en matière de séjour et de travail stipule : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord. / Chaque Etat délivre notamment aux ressortissants de l'autre Etat tous titres de séjour autres que ceux visés au présent Accord, dans les conditions prévues par sa législation ". L'article 7 quater de cet accord précise que " les ressortissants tunisiens bénéficient dans les conditions prévues par la législation française, de la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" ". L'article 3 du même accord stipule que " Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention ''salarié'' ". Le protocole relatif à la gestion concertée des migrations entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne signé le 28 avril 2008 prévoit à son point 2.3.3 : " Le titre de séjour portant la mention ''salarié'', prévu par le premier alinéa de l'article 3 de l'Accord du 17 mars 1988 modifié, est délivré à un ressortissant tunisien en vue de l'exercice, sur l'ensemble du territoire français, de l'un des métiers énumérés sur la liste figurant à l'Annexe I du présent Protocole, sur présentation d'un contrat de travail visé par l'autorité française compétente sans que soit prise en compte la situation de l'emploi ". Aux termes de l'article L. 313-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, auquel ne déroge pas l'accord franco-tunisien : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, la première délivrance de la carte de séjour temporaire et celle de la carte de séjour pluriannuelle mentionnée aux articles L. 313-20, L. 313-21, L. 313-23 et L. 313-24 sont subordonnées à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 311-1 (...) ".
4. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article
L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. ".
5. Portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaire prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Il fixe ainsi, notamment, les conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-tunisien prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant tunisien souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article
L. 313-14 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-tunisien, au sens de l'article 11 de cet accord. Toutefois, ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un titre de séjour à un ressortissant tunisien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.
6. Il ressort des termes de l'arrêté contesté du 20 février 2019 que si M. B... a sollicité son admission au séjour au titre d'une activité salariée, le préfet de police a examiné la situation de l'intéressé au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile tant au titre de son activité salariée que de sa vie privée et familiale. Si M. B..., qui déclare être entré en France le 20 mars 2008, a produit des pièces justificatives attestant de sa résidence habituelle en France de 2010 à 2012 et de mai 2014 à 2019, il n'établit toutefois pas la réalité et la continuité de sa présence sur le territoire français en 2009 par la simple production d'un certificat médical daté du 15 février et d'une ordonnance médicale du 20 novembre, et pour la période de mars 2013 à mai 2014. Par suite, M. B... ne démontre pas le caractère habituel de sa résidence en France depuis plus de dix ans à la date de la décision attaquée. Dès lors, le préfet de police a pu, sans méconnaître les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, refuser la délivrance d'un titre de séjour sur ce fondement sans avoir préalablement consulté la commission du titre de séjour.
7. Il résulte des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988, qui prévoient que le titre de séjour portant la mention " salarié " n'est délivré que sur la présentation d'un contrat de travail visé par l'autorité compétente, que les dispositions de l'article R. 5221-20 du code du travail relatives aux conditions de délivrance des autorisations de travail demeurent applicables aux demandes de titre de séjour portant la mention " salarié " et valable un an formulées par les ressortissants tunisiens. La réserve prévue au point 2.3.3 du protocole du 28 avril 2008 a pour seul effet d'écarter, pour les seuls métiers énumérés sur la liste figurant à l'Annexe I de ce protocole, l'application de la condition relative à la prise en compte de la situation de l'emploi prévue par le 1° de l'article R. 5221-20 du code du travail.
8. Il ressort des pièces du dossier que M. B... n'a pas produit le contrat de travail visé par les autorités compétentes conformément aux stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien à l'appui de sa demande. La circonstance qu'il exerce le métier de couvreur, qui est énuméré sur la liste figurant à l'annexe I du protocole du 28 avril 2008, est sans incidence sur l'obligation de présenter ce contrat de travail visé. Au surplus, il ne justifie pas disposer du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien doit être écarté.
9. Si M. B... invoque la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ressort des pièces du dossier, et en particulier de la feuille de salle versée au débat par le préfet de police et des termes de l'arrêté contesté, que l'appelant n'a pas présenté de demande sur ce fondement et que le préfet de police n'a pas examiné d'office sa situation au regard de ces dispositions. Par suite, ce moyen est inopérant et doit être écarté.
10. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
11. M. B... soutient être entré sur le territoire national le 20 mars 2008 où il réside habituellement avec son épouse et son fils, né le 12 février 2018, maîtriser la langue française et être parfaitement intégré, notamment professionnellement. Toutefois, il ne justifie pas, ainsi qu'il a été dit au point 6, de sa présence habituelle et continue en France depuis 2008. Il ressort des pièces du dossier que son épouse, de nationalité tunisienne, est également en situation irrégulière sur le territoire français. L'intéressé n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident encore ses parents et où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de 22 ans. M. B... a, en outre, déjà fait l'objet de plusieurs mesures d'éloignement en date des 6 octobre 2010, 13 avril 2011, 25 juin 2013 et 20 avril 2016, qui n'ont pas été exécutées. Par suite, l'arrêté contesté n'a pas porté à son droit au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
12. Les circonstances précédemment rappelées ne sont pas de nature à établir que le préfet de police aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. B..., ni dans l'exercice de son pouvoir de régularisation au titre de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 3 décembre 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme C..., président de chambre,
- Mme E..., présidente assesseure,
- Mme A..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 31 décembre 2019.
Le rapporteur,
A-S A...Le président,
M. C...Le greffier,
S. GASPAR
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA02513