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20/12/2019 | FRANCE | N°19PA00200

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 20 décembre 2019, 19PA00200


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 17 février 2017 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé son licenciement ainsi que la décision implicite de rejet née du silence gardé par la ministre du travail sur son recours hiérarchique.

Par un jugement n° 1707615 du 14 décembre 2018, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 14 janvier 2019, M. B..., représenté

par Me G..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 17 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 17 février 2017 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé son licenciement ainsi que la décision implicite de rejet née du silence gardé par la ministre du travail sur son recours hiérarchique.

Par un jugement n° 1707615 du 14 décembre 2018, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 14 janvier 2019, M. B..., représenté par Me G..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 17 février 2017 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé son licenciement ainsi que la décision du 22 septembre 2017 par laquelle la ministre du travail a rejeté son recours hiérarchique ;

3°) de mettre à la charge de la société Itiremia la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision de l'inspecteur du travail n'est pas suffisamment motivée s'agissant du lien entre la demande d'autorisation de licenciement et ses fonctions syndicales ;

- l'administration a méconnu le principe du contradictoire, dès lors que des courriels échangés entre son employeur et l'inspecteur du travail en janvier 2017 ne lui ont pas été communiqués ;

- les décisions autorisant son licenciement sont entachées d'erreur d'appréciation ; les faits qui lui sont reprochés ne peuvent être regardés comme fautifs et ne présentent pas, eu égard aux circonstances dans lesquelles ils sont intervenus, une gravité suffisante pour justifier un licenciement ;

- la demande de licenciement est en lien avec son mandat syndical, comme le montrent les sanctions disciplinaires qui lui ont été infligées après son témoignage à l'encontre de son employeur devant le tribunal correctionnel de Paris.

Par un mémoire en défense enregistré le 18 mars 2019, la ministre du travail conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 5 avril 2019, la société Itiremia, représentée par Me C... et Fraval, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- les conclusions de Mme Pena, rapporteur public,

- les observations de Me A..., représentant M. B...,

- et les observations de Me C..., représentant la société Itiremia.

Considérant ce qui suit :

1. M. E... B... a été recruté le 10 août 2000 par la société Effia, devenue Itiremia, en qualité d'agent de site polyvalent au sein du service d'accueil et d'assistance en gare. Depuis septembre 2011, il était affecté à la gare Saint-Charles, à Marseille, où il exerçait les fonctions de responsable adjoint. Élu délégué du personnel du site de Marseille, il a également été désigné représentant syndical au sein du comité d'entreprise. Après un entretien préalable fixé au

1er décembre 2016 et la réunion du comité d'entreprise le 8 décembre 2016, la société Itiremia a sollicité, par courrier du 14 décembre 2016, l'autorisation de licencier M. B.... Cette autorisation lui a été accordée par décision du 17 février 2017 de l'inspecteur du travail de l'unité départementale du Val-de-Marne. Le recours hiérarchique formé par le salarié le 6 avril 2017 a d'abord été implicitement rejeté le 11 août 2017, puis le 22 septembre 2017 par une décision expresse. Par jugement du 14 décembre 2018, le tribunal administratif de Melun a rejeté la demande de M. B... tendant à l'annulation de ces décisions. Par la requête susvisée, M. B... demande l'annulation de ce jugement et doit être regardé comme demandant l'annulation de la décision l'inspecteur du travail du 17 février 2017 et de la décision du

22 septembre 2017 rejetant son recours hiérarchique, qui s'est substituée à la décision implicite née le 11 août 2017.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la légalité externe :

2. En premier lieu, M. B... se borne à reprendre en appel le moyen développé dans sa demande de première instance, tiré de ce que la décision de l'inspecteur du travail du

17 février 2017 ne serait pas suffisamment motivée quant à l'absence de lien entre son mandat et la demande de licenciement, sans toutefois présenter aucun élément de fait ou de droit nouveau. Par suite, il y a lieu, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, d'écarter ce moyen.

3. En second lieu, en application de l'article R. 2421-11 du code du travail, l'inspecteur du travail saisi d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé " procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat ". Le caractère contradictoire de l'enquête menée conformément à ces dispositions impose à l'autorité administrative, saisie d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé fondée sur un motif disciplinaire, de mettre à même l'employeur et le salarié de prendre connaissance de l'ensemble des éléments déterminants qu'il a pu recueillir, y compris des témoignages, et qui sont de nature à établir ou non la matérialité des faits allégués à l'appui de la demande d'autorisation.

4. M. B... soutient que le caractère contradictoire de la procédure a été méconnu dès lors que l'administration ne lui a pas communiqué, avant d'autoriser son licenciement, deux courriels datés des 11 et 19 janvier 2017 comportant des échanges entre l'inspecteur du travail et son employeur. Il ressort toutefois des pièces du dossier que ces documents faisaient seulement état de ressentis et d'appréciations quant aux regrets évoqués par le salarié à l'égard des faits lui étant reprochés. Ils ne contenaient ainsi aucun élément déterminant pour l'établissement de la matérialité de ces faits. Par suite, l'inspecteur du travail a pu, sans méconnaître les dispositions précitées de l'article R. 2421-11 du code du travail, s'abstenir de les communiquer à M. B....

En ce qui concerne la légalité interne :

5. En vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.

6. En premier lieu, M. B... ne conteste pas avoir utilisé des heures de délégation syndicale à des fins personnelles le 16 octobre 2016, comme il lui est reproché. S'il soutient qu'il n'a pas dissimulé à son employeur avoir alors souhaité accompagner son épouse enceinte à l'hôpital, il ressort en tout état de cause des pièces du dossier que le salarié a adressé un courriel à son responsable à 14 heures 25 le 16 octobre 2016, dans lequel il indiquait seulement utiliser des heures de délégation à partir de 15 heures, sans préciser les circonstances familiales invoquées, qu'il n'a mentionnées qu'au cours de l'entretien préalable. Il n'est donc pas fondé à soutenir que l'utilisation qui lui est reprochée serait dépourvue de caractère fautif.

7. En deuxième lieu, le requérant se prévaut en appel de la naissance imminente de son premier enfant pour soutenir que son absence non autorisée et non justifiée, le 15 octobre 2016, ne présente pas de caractère fautif. Il conteste en outre avoir par son comportement désorganisé l'entreprise en ne permettant pas à quatre salariés récemment recrutés de signer leur contrat de travail. Il est toutefois établi par les pièces du dossier que M. B..., qui en sa qualité de responsable adjoint de site ne disposait pas d'une autonomie dans l'organisation de son travail, n'a pas prévenu de son absence, et ne l'a pas justifiée. Il n'a par ailleurs transmis de justificatif relatif à la naissance de son enfant, le 17 octobre, que huit jours plus tard, le 24 octobre 2016. Dans ces conditions, l'inspecteur du travail a pu légalement estimer que l'absence qui lui était reprochée présentait un caractère fautif.

8. En troisième lieu, M. B... invoque, pour justifier l'absence de signature de feuilles d'émargement qui lui est reprochée les 10 septembre, 14 et 16 octobre, et 28 novembre 2016, une pratique connue et tolérée par son employeur selon laquelle les responsables adjoints de site ne signaient pas lesdites feuilles lorsqu'ils intervenaient sur plusieurs sites. Toutefois, outre qu'il n'établit pas être intervenu en des lieux différents au cours de ces quatre journées, le requérant était tenu, comme l'a rappelé un courriel adressé aux salariés le 27 avril 2016 par la direction de l'entreprise, de signer au début et à la fin de chaque demi-journée de service, des feuilles d'émargement. L'intéressé, qui ne conteste pas la matérialité des griefs, n'est donc pas fondé à soutenir qu'ils ne présenteraient pas un caractère fautif.

9. En quatrième lieu, la circonstance que M. B... a contesté, le 8 février 2017, les sanctions qui lui ont été infligées au cours de l'année 2016 pour des faits de même nature que ceux fondant la demande en cause, ne faisait pas obstacle à ce que ces antécédents disciplinaires fussent pris en compte par l'administration pour apprécier si les fautes commises par le salarié présentaient un degré de gravité suffisant pour justifier son licenciement. Ainsi, eu égard aux griefs dont la matérialité et le caractère fautif sont établis, et alors que le requérant avait déjà été sanctionné par un avertissement le 27 janvier 2015 et trois mises à pied de trois jours les

4 février, 29 avril et 30 août 2016, en raison d'absences, de retards injustifiés, et de son refus de signer les feuilles d'émargement, l'inspecteur du travail puis la ministre du travail ont pu légalement estimer que le comportement fautif réitéré de M. B... présentait un caractère de gravité qui justifiait que soit autorisé son licenciement.

10. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la demande d'autorisation de licenciement présenterait un lien avec les mandats exercés par le salarié. La seule circonstance qu'il a témoigné en qualité de partie civile lors du procès correctionnel du 13 janvier 2015, dans le cadre de la procédure pénale engagée contre son employeur à l'initiative de son syndicat pour délits de prêt de main d'oeuvre illicite et de marchandage, ne peut suffire à démontrer un tel lien, dans la mesure où les faits reprochés à M. B..., établis, avaient déjà fait l'objet, depuis 2002, de rappels à l'ordre ; plus de cent cinquante salariés se sont d'ailleurs constitués parties civiles à l'occasion dudit procès. L'intéressé n'est donc pas fondé à soutenir que la demande d'autorisation de licenciement présentée par la société Itiremia serait en lien avec son activité syndicale.

11. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de la requête, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société Itiremia, qui n'est pas la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ce dernier le versement de la somme de 1 000 euros à la société Itiremia.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : M. B... versera la somme de 1 000 euros à la société Itiremia sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B..., à la ministre du travail et à la société Itiremia.

Délibéré après l'audience publique du 3 décembre 2019 à laquelle siégeaient :

- M. F..., premier vice-président,

- Mme Jayer, premier conseiller,

- Mme D..., premier conseiller.

Lu en audience publique le 20 décembre 2019.

Le rapporteur,

G. D... Le président,

M. F...

Le greffier,

A. DUCHER

La République mande et ordonne à la ministre du travail en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 10PA03855

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N° 19PA00200


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA00200
Date de la décision : 20/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés.


Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Gaëlle MORNET
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : CABINET LENZIANI ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-12-20;19pa00200 ?
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