La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/12/2019 | FRANCE | N°19PA00019

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 20 décembre 2019, 19PA00019


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... C... ont demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2006, 2007 et 2011, ainsi que des majorations correspondantes.

Par un jugement n° 1621551 du 7 novembre 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 3

janvier et 4 juillet 2019, M. et Mme C..., représentés par Mes Delrieu et Jouanolle, demanden...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... C... ont demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2006, 2007 et 2011, ainsi que des majorations correspondantes.

Par un jugement n° 1621551 du 7 novembre 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 3 janvier et 4 juillet 2019, M. et Mme C..., représentés par Mes Delrieu et Jouanolle, demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1621551 du Tribunal administratif de Paris en date du 7 novembre 2018 ;

2°) de prononcer la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2006, 2007 et 2011, ainsi que des majorations correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les fichiers fondant les redressements ont une origine illicite et ont été transmis à l'administration en dehors de tout cadre légal ; leur utilisation par l'administration pour fonder les rehaussements en litige contrevient au principe de licéité de la preuve, quand bien même des informations identiques figuraient dans les documents de la procédure pénale ; ces éléments sont en effet eux-mêmes entachés du même vice et ne constituent pas plus des preuves licites ;

- l'administration ne peut pas non plus utiliser les procès-verbaux d'audition de garde à vue de M. C..., qui ont été annulés par le Tribunal correctionnel de Paris ;

- l'administration n'a pas fait la preuve d'une distribution par la société New Marylebone Limited à M. C... et ne pouvait pas imposer ce dernier à raison des revenus réalisés par la société ; la seule circonstance qu'il soit détenteur du capital de la société ne suffit pas à établir l'existence d'une distribution ;

- les pénalités pour manoeuvres frauduleuses ne sont pas justifiées ; s'agissant en particulier des comptes bancaires ouverts à Jersey et Guernesey, l'ouverture de ces comptes ne répondait nullement à une volonté de dissimulation, Mme C... étant une citoyenne britannique, bénéficiaire de plusieurs trusts familiaux de droit anglais ; celles infligées à raison des avoirs détenus par l'intermédiaire de la société New Marylebone Limited doivent être déchargées par voie de conséquence de la décharge des droits auxquels elles se rapportent.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 19 juin et 18 juillet 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les conclusions de M. H..., rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite d'une demande d'entraide judiciaire présentée par les autorités suisses, le procureur de la République de Nice a fait procéder, le 20 janvier 2009, à une perquisition au domicile de M. F., ancien informaticien de la filiale suisse de l'établissement britannique HSBC Private Bank, soupçonné d'avoir dérobé des données de la " base client " de cet établissement. L'autorité judiciaire, sur le fondement de l'article L. 101 du livre des procédures fiscales, a communiqué à l'administration fiscale, les 9 juillet 2009, 2 septembre 2009 et 12 janvier 2012, les données saisies, qui lui avaient déjà été communiquées par M. F.. Après avoir analysé les fichiers saisis et retranscrit les éléments d'informations qu'il contenait dans des synthèses individuelles, l'administration fiscale a estimé qu'existait une présomption que M. et

Mme C... soient directement et indirectement détenteurs de comptes ouverts en Suisse dans les livres des banques suisses HSBC Private Bank et Crédit Suisse à Genève, des sociétés Friends Provident International et CetG Channel Islands Limited à Guernesey et de la banque Lloyds à Jersey. L'administration a porté plainte le 17 décembre 2010 contre M. et

Mme C... auprès du procureur de la République du Tribunal de grande instance de Paris sur le fondement des 1° et 2° de l'article L. 228 du livre des procédures fiscales pour s'être frauduleusement soustraits à l'établissement et au paiement d'une partie des impôts dus. Elle a ensuite exercé son droit de communication sur le fondement des articles L. 81, L. 82 C et L. 101 du livre des procédures fiscales, auprès des autorités judiciaires les 24 février, 3 mai,

24 septembre, 16 et 18 octobre et 13 novembre 2012, ainsi que le 8 juillet 2013 afin de consulter et de prendre copie des pièces de la procédure judiciaire.

2. Dans le cadre d'un contrôle sur pièces du dossier fiscal de M. et Mme C..., l'administration a adressé aux intéressés une demande d'éclaircissements et de justifications en application de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales puis une mise en demeure. Ayant considéré que la réponse apportée à ces demandes était partiellement insuffisante, le service a mis en oeuvre la procédure de taxation d'office prévue à l'article L. 69 du même livre et déterminé le montant des revenus d'avoirs détenus par M. et Mme C... dans les comptes de la banque HSBC Private Bank en Suisse au titre des années 2006, 2007 et 2011 selon les modalités fixées par l'article 151 du code général des impôts. Il a également mis en oeuvre une procédure de redressement contradictoire s'agissant des revenus provenant des comptes ouverts auprès des sociétés Crédit Suisse et Friends Provident International. M. et Mme C... ont, en conséquence, été assujettis à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2006, 2007 et 2011, assorties des intérêts de retard et des majorations pour manoeuvres frauduleuses prévues par le c) de l'article 1729 du code général des impôts s'agissant des revenus d'avoirs détenus auprès des sociétés HSBC Private Bank en Suisse, Lloyds à Jersey et CetG Channel Islands Limited à Guernesey, et des majorations pour manquement délibéré prévues par le a) du même article s'agissant des revenus d'avoirs détenus auprès des sociétés Crédit Suisse à Genève et Friends Provident International à Guernesey. Par un jugement du 7 novembre 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de M. et Mme C... tendant à la décharge de ces impositions et pénalités. Les requérants font appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté les conclusions de leur demande de décharge des impositions procédant de la taxation des avoirs financiers détenus par l'intermédiaire de la société New Marylebone Limited et des pénalités pour manoeuvres frauduleuses.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

3. M. et Mme C... font valoir qu'avant d'obtenir communication des fichiers volés par l'autorité judiciaire, l'administration les avait reçus de M. F. en décembre 2008. Toutefois, la seule circonstance que, avant de mettre en oeuvre à l'égard du contribuable les pouvoirs qu'elle tient du titre II du livre des procédures fiscales aux fins de procéder au contrôle de sa situation fiscale et de recueillir les éléments nécessaires pour, le cas échéant, établir des impositions supplémentaires, l'administration aurait disposé d'informations relatives à ce contribuable issues de documents obtenus de manière frauduleuse par un tiers est, par-elle-même, sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition. Il suit de là que le moyen tiré par les requérants de l'irrégularité de la procédure d'imposition en raison de l'obtention illégale des données à l'origine des rectifications contestées ne peut qu'être écarté. En revanche, le moyen tiré d'une méconnaissance du principe de licéité de la preuve peut être utilement invoqué s'agissant du bien-fondé des impositions.

Sur le bien-fondé des impositions :

4. En premier lieu, eu égard aux exigences découlant de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789, ces dispositions ne permettent pas à l'administration de se prévaloir, pour établir l'imposition, de pièces ou documents obtenus par une autorité administrative ou judiciaire dans des conditions déclarées ultérieurement illégales par le juge.

5. Il ne résulte pas de l'instruction que les modalités d'obtention décrites ci-dessus au point 1 des pièces régulièrement transmises par l'autorité judiciaire à l'administration fiscale ayant exercé son droit de communication aient été déclarées illégales par le juge compétent. Au contraire, la chambre commerciale de la Cour de Cassation a, dans sa décision du 31 janvier 2012 n° 11-13.097, refusé de constater l'illicéité de la perquisition à laquelle a procédé le procureur de la République de Nice le 20 janvier 2009.

6. Par ailleurs, si par un jugement du 12 mai 2017, le Tribunal correctionnel de Paris a annulé, en raison de leur irrégularité, les procès-verbaux d'audition en garde à vue des époux C... en date des 9, 10 et 23 mars 2011, il a estimé que la procédure pénale ne reposait pas seulement sur ces auditions mais sur l'ensemble des constatations, perquisitions et autres auditions régulièrement opérées par les enquêteurs, a rejeté la demande d'annulation de la procédure présentée par les époux C... et les a reconnus coupables des faits de soustraction frauduleuse à l'établissement ou au paiement de l'impôt par dissimulation de sommes et de fraude fiscale pour avoir détenu, au .... L'administration qui se fonde sur ce jugement du 12 mai 2017, établit ainsi que M. et Mme C... étaient détenteurs des comptes bancaires en cause. Dès lors les requérants ne sont pas fondés à soutenir que, pour apporter cette preuve, l'administration se fonderait sur des preuves déloyales résultant d'un vol de données commis au détriment de la banque HSBC Private Bank à Genève et d'autre part sur des procès-verbaux d'audition annulés par le juge judiciaire.

7. En deuxième lieu, l'article 151 du code général des impôts dispose que " pour l'application de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales, l'impôt sur les revenus des avoirs à l'étranger est établi sur le produit du montant de ces avoirs par la moyenne annuelle des taux de rendement brut à l'émission des obligations des sociétés privées ".

8. S'agissant des rectifications notifiées à raison des avoirs détenus par l'intermédiaire de la société de droit irlandais New Marylebone Limited dans les comptes de la société HSBC Private Bank, seules en litige, M. et Mme C..., taxés d'office sur le fondement des dispositions de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales, supportent la charge de la preuve de l'exagération des impositions qu'ils contestent.

9. Il ressort des motifs du jugement précité du Tribunal correctionnel de Paris du 12 mai 2017 que " la société New Marylebone Ltd a ouvert [plusieurs] comptes bancaires auprès de la HSBC Private Bank Suisse à son nom, mais au profit du client fiduciaire M. C..., à qui les fonds appartiennent " et que M. C... a, en outre, reconnu à l'audience être le bénéficiaire économique de ces comptes. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration a, pour l'application des dispositions précitées de l'article 151 du code général des impôts, regardé M. C... comme le détenteur des avoirs en cause alors même qu'elle ne justifie d'aucune distribution par la société New Marylebone Limited, M. C... n'ayant pas été imposé à raison des bénéfices réalisés par cette société.

Sur les pénalités pour manoeuvres frauduleuses :

10. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : (...) c. 80 % en cas de manoeuvres frauduleuses (...) ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration ".

11. Les pénalités pour manoeuvres frauduleuses ont pour objet de sanctionner des agissements destinés à égarer ou à restreindre le pouvoir de contrôle de l'administration.

12. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points précédents, que M. et Mme C... ne sont pas fondés à demander la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2006, 2007 et 2011 à raison des avoirs détenus par l'intermédiaire de la société New Marylebone Limited. Par suite, ils ne sont pas fondés à demander par voie de conséquence la décharge des pénalités de 80 % ayant assorti ces impositions.

13. En second lieu, en relevant que Mme C... avait détenu des avoirs sur des comptes bancaires ouverts à son nom auprès de la société Lloyds à Jersey et de la société CetG Channel Islands Limited à Guernesey, territoires ayant pratiqué le secret bancaire jusqu'en 2010, et qu'elle ne les avait pas déclarés à l'administration fiscale malgré l'importance des sommes en cause, l'administration établit l'existence d'agissements destinés à égarer l'exercice de son pouvoir de contrôle. L'administration était, dès lors, en droit d'assortir les droits litigieux de la majoration de 80 % prévue par les dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts en cas de manoeuvres frauduleuses.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande. Par suite, les conclusions de leur requête présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... C... et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction nationale des vérifications de situations fiscales.

Délibéré après l'audience du 3 décembre 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme E..., président ;

- Mme D..., premier conseiller ;

- M. A..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 20 décembre 2019.

Le rapporteur,

F. A...Le président,

V. G...

Le greffier,

C. F...

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 19PA00019 6


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA00019
Date de la décision : 20/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Rectification (ou redressement) - Généralités.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur le revenu - Lieu d'imposition.


Composition du Tribunal
Président : Mme POUPINEAU
Rapporteur ?: M. François DORE
Rapporteur public ?: M. LEMAIRE
Avocat(s) : CABINET VEIL JOURDE

Origine de la décision
Date de l'import : 14/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-12-20;19pa00019 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award