Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des amendes qui lui ont été infligées au titre des années 2008 à 2011 en application des dispositions du IV de l'article 1736 du code général des impôts pour défaut de déclaration de comptes bancaires détenus à l'étranger.
Par un jugement n° 1621569 du 7 novembre 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 3 janvier et 4 juillet 2019, M. C..., représenté par Mes Delrieu et Jouanolle, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1621569 du Tribunal administratif de Paris en date du 7 novembre 2018 ;
2°) de prononcer la décharge des amendes qui lui ont été infligées au titre des années 2008 à 2011 sur le fondement des dispositions du IV de l'article 1736 du code général des impôts ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'administration s'est fondée sur des documents dont l'origine est illicite pour établir les amendes en litige ; l'utilisation par l'administration de ces fichiers pour fonder des impositions contrevient au principe de licéité de la preuve ; les amendes sont dès lors fondées sur une procédure irrégulière ;
- l'administration ne pouvait pas se fonder sur les procès-verbaux d'audition en garde à vue du 9 et 10 mars 2011, qui ont été annulés par le juge judiciaire ;
- l'administration s'est méprise sur le nombre de comptes soumis à l'obligation déclarative ;
- l'administration ne pouvait lui infliger une amende pour un compte détenu par un tiers, la société New Marylebone Limited, pour lequel il ne bénéficiait d'aucune procuration ;
- le compte rattaché au profil " Jen " a été clôturé en novembre 2010 et l'administration ne pouvait lui infliger une amende au titre de l'année 2011.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 19 juin et 18 juillet 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- et les conclusions de M. E..., rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. A la suite d'une demande d'entraide judiciaire présentée par les autorités suisses, le procureur de la République de Nice a fait procéder, le 20 janvier 2009, à une perquisition au domicile de M. F., ancien informaticien de la filiale suisse de l'établissement britannique HSBC Private Bank, soupçonné d'avoir dérobé des données de la " base client " de cet établissement. L'autorité judiciaire, sur le fondement de l'article L. 101 du livre des procédures fiscales, a communiqué à l'administration fiscale, les 9 juillet 2009, 2 septembre 2009 et 12 janvier 2012, les données saisies, qui lui avaient déjà été communiquées par M. F.. Après avoir analysé les fichiers saisis et retranscrit les éléments d'informations qu'il contenait dans des synthèses individuelles, l'administration fiscale a estimé qu'existait une présomption que M. C... soit directement et indirectement détenteurs de comptes ouverts en Suisse dans les livres de la banque suisse HSBC Private Bank à Genève. L'administration a porté plainte le
17 décembre 2010 contre M. C... auprès du procureur de la République du Tribunal de grande instance de Paris sur le fondement des 1° et 2° de l'article L. 228 du livre des procédures fiscales pour s'être frauduleusement soustrait à l'établissement et au paiement d'une partie des impôts dus. Elle a ensuite exercé son droit de communication sur le fondement des articles L. 81, L. 82 C et L. 101 du livre des procédures fiscales, auprès des autorités judiciaires les 24 février, 3 mai, 24 septembre, 16 et 18 octobre et 13 novembre 2012, ainsi que le 8 juillet 2013 afin de consulter et de prendre copie des pièces de la procédure judiciaire.
2. Estimant que M. C... détenait quatre comptes ouverts auprès de la banque HSBC Private Bank à Genève sous le profil client " Jen " et six autres comptes sous le profil client " Camondo Financial Company Limited " devenu " New Marylebone Limited " et qu'il avait méconnu son obligation de déclarer ces comptes bancaires utilisés à l'étranger, l'administration lui a infligé, au titre des années 2008 à 2011, des amendes sur le fondement du IV de l'article 1736 du code général des impôts. M. C... fait appel du jugement du 7 novembre 2018 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de décharge de ces amendes.
Sur la régularité de la procédure d'établissement des amendes :
3. M. C... fait valoir qu'avant d'obtenir communication des fichiers volés par l'autorité judiciaire, l'administration les avait reçus de M. F. en décembre 2008. Toutefois, la seule circonstance que, avant de mettre en oeuvre à l'égard du contribuable les pouvoirs qu'elle tient du titre II du livre des procédures fiscales aux fins de procéder au contrôle de sa situation fiscale et de recueillir les éléments nécessaires pour, le cas échéant, établir des amendes fiscales, l'administration aurait disposé d'informations relatives à ce contribuable issues de documents obtenus de manière frauduleuse par un tiers est, par-elle-même, sans incidence sur la régularité de la procédure ayant conduit au prononcé des amendes en litige. Il suit de là que le moyen tiré par le requérant de l'irrégularité de la procédure d'imposition en raison de l'obtention illégale des données à l'origine des rectifications contestées ne peut qu'être écarté. En revanche, le moyen tiré d'une méconnaissance du principe de licéité de la preuve peut être utilement invoqué s'agissant du bien-fondé des amendes en litige.
Sur le bien-fondé des amendes :
4. En premier lieu, eu égard aux exigences découlant de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789, ces dispositions ne permettent pas à l'administration de se prévaloir, pour établir l'imposition, de pièces ou documents obtenus par une autorité administrative ou judiciaire dans des conditions déclarées ultérieurement illégales par le juge.
5. Il ne résulte pas de l'instruction que les modalités d'obtention décrites ci-dessus au point 1 des pièces régulièrement transmises par l'autorité judiciaire à l'administration fiscale ayant exercé son droit de communication aient été déclarées illégales par le juge compétent. Au contraire, la chambre commerciale de la Cour de Cassation a, dans sa décision du
31 janvier 2012 n° 11-13.097, refusé de constater l'illicéité de la perquisition à laquelle a procédé le procureur de la République de Nice le 20 janvier 2009.
6. Par ailleurs, si par un jugement du 12 mai 2017, le Tribunal correctionnel de Paris a annulé, en raison de leur irrégularité, les procès-verbaux d'audition en garde à vue des époux C... en date des 9, 10 et 23 mars 2011, il a estimé que la procédure pénale ne reposait pas seulement sur ces auditions mais sur l'ensemble des constatations, perquisitions et autres auditions régulièrement opérées par les enquêteurs, a rejeté la demande d'annulation de la procédure présentée par les époux C... et les a reconnus coupables des faits de soustraction frauduleuse à l'établissement ou au paiement de l'impôt par dissimulation de sommes et de fraude fiscale pour avoir détenu, au .... L'administration, qui se fonde sur ce jugement du 12 mai 2017, établit ainsi que M. C... était détenteur des comptes bancaires en cause. Dès lors, le requérant n'est pas fondé à soutenir que, pour apporter cette preuve, l'administration se fonderait sur des preuves déloyales résultant d'un vol de données commis au détriment de la banque HSBC Private Bank à Genève et sur des procès-verbaux d'audition annulés par le juge judiciaire.
7. En deuxième lieu, aux termes des dispositions du 2 du IV de l'article 1736 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années en litige : " Les infractions aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 1649 A et de l'article 1649 A bis sont passibles d'une amende de 1 500 euros par compte ou avance non déclaré. Toutefois, pour l'infraction aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 1649 A, ce montant est porté à 10 000 euros par compte non déclaré lorsque l'obligation déclarative concerne un Etat ou un territoire qui n'a pas conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales permettant l'accès aux renseignements bancaires ". Aux termes du deuxième alinéa de l'article 1649 A du même code : " Les personnes physiques, les associations, les sociétés n'ayant pas la forme commerciale, domiciliées ou établies en France, sont tenues de déclarer, en même temps que leur déclaration de revenus ou de résultats, les références des comptes ouverts, utilisés ou clos à l'étranger. Les modalités d'application du présent alinéa sont fixées par décret ". Aux termes de l'article 344 A de l'annexe III au même code : " I. Les comptes à déclarer en application du deuxième alinéa de l'article 1649 A du code général des impôts sont ceux ouverts auprès de toute personne de droit privé ou public qui reçoit habituellement en dépôt des valeurs mobilières, titres ou espèces. / II. Les personnes physiques joignent la déclaration de compte à la déclaration annuelle de leurs revenus. Chaque compte à usage privé, professionnel ou à usage privé et professionnel doit être mentionné distinctement. / Les associations et sociétés n'ayant pas la forme commerciale joignent leur déclaration de compte à la déclaration annuelle de leur revenu ou de leur résultat. / III. La déclaration de compte mentionnée au II porte sur le ou les comptes ouverts, utilisés ou clos, au cours de l'année ou de l'exercice par le déclarant, l'un des membres de son foyer fiscal ou une personne rattachée à ce foyer. / Un compte est réputé avoir été utilisé par l'une des personnes visées au premier alinéa dès lors que celle-ci a effectué au moins une opération de crédit ou de débit pendant la période visée par la déclaration, qu'elle soit titulaire du compte ou qu'elle ait agi par procuration, soit pour elle-même, soit au profit d'une personne ayant la qualité de résident ".
8. Il résulte de l'instruction et, en particulier, des motifs du jugement précité du Tribunal correctionnel de Paris en date du 12 mai 2017 que M. C... détenait, au sein de la banque HSBC Private Bank en Suisse, par l'intermédiaire des profils clients " Jen " et " New Marylebone Limited " à chacun desquels était associé un numéro de compte client, dix comptes bancaires. Si M. C... fait valoir qu'un seul compte de dépôt était rattaché à chaque " profil client " et que les différents sous-comptes, ouverts pour chaque compte de dépôt par la banque afin de permettre l'exécution d'ordres d'achat et de vente de valeurs mobilières dans différents pays, ne devaient pas être pris en compte pour déterminer le montant des amendes, il ne l'établit pas en se bornant à produire des courriers datés de juillet 2006 ainsi que des états de biens au
31 décembre 2009 dont il ressort, au contraire, que si les portefeuilles étaient consolidés au niveau des " profils clients ", plusieurs comptes bancaires, disposant chacun d'un numéro international de compte bancaire distinct, leur étaient associés. Les dix comptes en cause constituent ainsi des comptes à déclarer au sens des dispositions précitées de l'article 344 A de l'annexe III au code général des impôts. Dès lors, l'administration était fondée à infliger au requérant l'amende sanctionnant l'omission de déclaration de chacun de ces comptes pour chacune des années en litige.
9. En troisième lieu, il résulte des dispositions de l'article 1649 A du code général des impôts et de l'article 344 A de l'annexe III à ce code que l'obligation de déclaration ne porte pas uniquement sur les comptes dont le contribuable est titulaire mais également sur les comptes qu'il a utilisés. S'agissant des comptes associés au profil client " New Marylebone Limited ", M. C... fait valoir que le titulaire des comptes est la société de droit irlandais New Marylebone Limited. Il ressort toutefois du jugement du Tribunal correctionnel de Paris du
12 mai 2017 que M. C... était le véritable propriétaire des actions de cette société et que les comptes ouverts par la société New Marylebone Limited dans les livres de la société HSBC l'étaient au profit de M. C... à qui les fonds appartenaient, celui-ci ayant en outre reconnu à l'audience être le bénéficiaire économique de ces comptes. Dans ces conditions, M. C... doit être regardé comme étant le titulaire des comptes en cause au sens de l'article 344 A précité. Dès lors, c'est à bon droit que l'administration a, pour l'application des dispositions précitées des articles 1649 A et 1736 du code général des impôts, regardé M. C... comme soumis à l'obligation de les déclarer.
10. En dernier lieu, M. C... établit, par la production d'une attestation signée de la société HSBC Private Bank de Genève datée du 30 novembre 2018, dont les mentions ne sont pas sérieusement remises en cause par le ministre, qui se borne à relever qu'elle a été produite tardivement, que les comptes liés au profil client Jen, ont été clôturés le 5 novembre 2010. Par suite, l'administration n'était pas fondée à lui infliger, au titre de l'année 2011, l'amende prévue par les dispositions du IV de l'article 1736 du code général des impôts pour les quatre comptes concernés.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté les conclusions de sa demande tendant à la décharge des amendes qui lui ont été infligées au titre de l'année 2011 à concurrence de la somme de 6 000 euros.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'État le versement à M. C... de la somme qu'il demande au titre des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : M. C... est déchargé des amendes mises à sa charge au titre de l'année 2011 pour un montant total de 6 000 euros.
Article 2 : Le jugement n° 1621569 du 7 novembre 2018 du Tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction nationale des vérifications de situations fiscales.
Délibéré après l'audience du 3 décembre 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme D..., président ;
- Mme F..., premier conseiller ;
- M. A..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 20 décembre 2019.
Le rapporteur,
F. A...Le président,
V. G...
Le greffier,
C. H...
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 19PA00017 4