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20/12/2019 | FRANCE | N°17PA21952

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 20 décembre 2019, 17PA21952


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... B... épouse E... a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre des transports a rejeté sa demande d'indemnisation et de condamner l'Etat à lui verser une somme de 60 000 euros au titre du préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence.

Par un jugement n° 1500872 du 23 février 2017, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le

20 juin 2017, Mme B... épouse E..., représentée par Me C..., demande à la Cour :

1) d'annu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... B... épouse E... a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre des transports a rejeté sa demande d'indemnisation et de condamner l'Etat à lui verser une somme de 60 000 euros au titre du préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence.

Par un jugement n° 1500872 du 23 février 2017, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 20 juin 2017, Mme B... épouse E..., représentée par Me C..., demande à la Cour :

1) d'annuler le jugement du tribunal administratif de la Guyane du 23 février 2017 ;

2) d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre des transports a rejeté sa demande d'indemnisation ;

3) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 60 000 euros au titre du préjudice matériel et moral et des troubles dans ses conditions d'existence ;

4) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'illégalité qui entache la décision du 10 mai 2004 par laquelle l'inspecteur du travail des transports de Guyane a accordé à la société Air France l'autorisation de la licencier, constitue une faute qui engage la responsabilité de l'Etat envers elle et lui a causé un préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence ;

- son licenciement pour absence prolongée pour congé maladie n'est pas justifié dès lors, d'une part, qu'il n'a pas perturbé le fonctionnement de la société Air France de manière suffisamment grave pour que son remplacement définitif s'avère indispensable et, d'autre part, que son remplacement n'est pas intervenu dans un délai raisonnable après son éviction et enfin il ne saurait lui être reproché, en raison de son absence d'un poste qui n'était pas habituellement le sien et qui lui avait été attribué que depuis un mois, d'avoir désorganisé le service ;

- en application de l'article 3-2-2 du règlement au sol du personnel d'Air France, son licenciement ne pouvait pas intervenir sans que la société Air France ait satisfait à ses obligations de reclassement ;

- les propos tenus par l'inspecteur du travail des transports de Guyane le 16 décembre 2003 ainsi que le conflit d'intérêt résultant de l'avantage qui lui est consenti par la société Air France lors de ses voyages établissent que ce dernier a méconnu son obligation d'impartialité, de neutralité, de probité, d'indépendance et de discrétion professionnelle en prenant la décision du 10 mai 2004 d'autorisation de licenciement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 janvier 2018, le ministre de la transition écologique et solidaire, représenté par Me D... conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme E... une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance en date du 1er mars 2019, prise en application de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué le jugement de la requête de Mme B... épouse E... à la Cour administrative d'appel de Paris.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public,

- les observations de Me C..., avocat de Mme B... épouse E...,

- et les observations de Me Bouchard, avocat du ministre de la transition écologique et solidaire.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... épouse E..., qui exerçait en tant que salariée de la société Air France des fonctions d'assistante du chef de service trafic-piste et de chef d'escale de permanence à l'aéroport de Cayenne Rochambeau et avait la qualité de représentante syndicale auprès du comité d'établissement, a fait l'objet d'une autorisation de licenciement pour absences répétées pour maladie par une décision de l'inspecteur du travail des transports de Guyane du 10 mai 2004. Le Conseil d'Etat a, dans sa décision n° 325754 du 2 mars 2011, annulé cette autorisation de licenciement compte tenu de la saisine irrégulière de l'inspecteur du travail. La société Air France s'était bornée à recueillir l'avis des seuls délégués titulaires et suppléants élus par le collège auquel Mme B... épouse E... appartenait alors qu'elle était tenue, en vertu de l'article 3.2.2 du règlement du personnel au sol, de procéder à la consultation préalable de l'ensemble des délégués du personnel de l'établissement dans le cadre de cette procédure de licenciement pour absentéisme. Dans cette même décision, le Conseil d'Etat a rejeté les conclusions de la requérante tendant à la condamnation de l'Etat à l'indemniser du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait du refus fautif de l'administration de lui communiquer d'éventuels dossiers et rapports établis lors de l'enquête de l'inspection du travail du 16 janvier 2001 menée dans le cadre d'une procédure de licenciement antérieure. La requérante a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre des transports a rejeté sa demande préalable reçue le 24 juillet 2015 tendant à l'indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subis suite à l'autorisation illégale de l'inspecteur du travail des transports de Guyane du 10 mai 2004 de la licencier et de condamner l'Etat à lui verser une somme de 60 000 euros au titre du préjudice matériel et moral et des troubles dans ses conditions d'existence. Par la présente requête, Mme B... épouse E... relève appel du jugement n° 1500872 du 23 février 2017 par lequel le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande.

Sur les conclusions indemnitaires :

2. En application des dispositions du code du travail, le licenciement d'un salarié protégé ne peut intervenir que sur autorisation de l'autorité administrative. L'illégalité de la décision autorisant un tel licenciement, à supposer même qu'elle soit imputable à une simple erreur d'appréciation de l'autorité administrative, constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la puissance publique quelle que puisse être par ailleurs la responsabilité encourue par l'employeur. Le salarié est en droit d'obtenir la condamnation de l'Etat à réparer le préjudice direct et certain résultant pour lui de cette décision illégale.

3. L'illégalité de la décision de l'inspecteur du travail des transports de Guyane du 10 mai 2004 autorisant le licenciement de Mme B... épouse E... a été constatée par un jugement passé en force de chose jugée. Cette illégalité prononcée par le Conseil d'Etat dans sa décision précitée et résultant de la saisine irrégulière de l'inspecteur du travail suite à l'absence de consultation préalable de l'ensemble des délégués du personnel de l'établissement, garantie de fond pour l'intéressée, a constitué une faute de nature à engager la responsabilité de la puissance publique sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres griefs allégués par la requérante.

4. Il résulte de l'instruction que la requérante justifie souffrir d'un syndrome anxio-dépressif persistant depuis le premier trimestre 2001 soit antérieurement à la décision fautive du 10 mai 2004, mais dont les conséquences ont perduré avec des effets nouveaux se manifestant par des réminiscences atypiques. Dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste évaluation de ses troubles dans les conditions d'existence et de son préjudice moral subis suite à la décision illégale précitée de l'inspecteur du travail des transports de Guyane du 10 mai 2004 autorisant son licenciement en lui allouant une somme de 1 000 euros.

5. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... épouse E... est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de la Guyane a rejeté ses conclusions à fin d'annulation et d'indemnisation.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à Mme B... épouse E... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme B... épouse E..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande l'Etat à ce titre.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1500872 du tribunal administratif de la Guyane du 23 février 2017 est annulé.

Article 2 : L'Etat est condamné à verser à Mme B... épouse E... la somme de 1 000 euros en réparation des préjudices subis.

Article 3 : L'Etat versera à Mme B... épouse E... une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B... épouse E... est rejeté.

Article 5 : Les conclusions de l'Etat tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... B... épouse E... et au ministre de la transition écologique et solidaire.

Copie du présent arrêt sera adressée à la société Air France.

Délibéré après l'audience du 2 décembre 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président,

- Mme A..., premier conseiller,

- Mme Larsonnier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 20 décembre 2019.

Le rapporteur,

A. A...Le président,

J. LAPOUZADE

Le greffier,

C. POVSELa République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 17PA21952


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA21952
Date de la décision : 20/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

66-07-02-045 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés non protégés - Licenciement pour motif économique (avant les lois du 3 juillet et du 30 décembre 1986). Responsabilité.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: Mme Aude COLLET
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : BOULARD CHARLES

Origine de la décision
Date de l'import : 07/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-12-20;17pa21952 ?
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