Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'ordonner, avant dire droit, la communication de l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 3 novembre 2017, d'annuler l'arrêté du 1er février 2018 par lequel le préfet de police a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 1803979/2-1 du 12 juin 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 17 novembre 2018, M. C... B..., représenté par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 12 juin 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 1er février 2018 mentionné ci-dessus ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour mention "vie privée et familiale" dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil, en application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
La décision portant refus de renouvellement de titre de séjour :
- est insuffisamment motivée ;
- est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- est entachée de plusieurs vices dans la procédure suivie devant le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration l'ayant privé de garanties en méconnaissance des dispositions du 11° de L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de celles des articles R. 313-22 et R. 313-23 de ce code et de celles de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 ; en effet, l'avis du collège de médecins ne se prononce pas sur les possibilités de sa prise en charge médicale dans son pays d'origine ni sur la durée des soins nécessaires ; l'avis ne comporte pas la mention requise du nom du médecin qui a établi le rapport médical ; ne sont établies ni la composition régulière du collège des médecins ni l'existence de ce rapport ; aucune case n'est cochée dans le cadre de l'avis réservé aux éléments de procédure ;
- est entachée d'une erreur de droit, le préfet de police s'étant cru en situation de compétence liée par rapport à l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;
- méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
La décision portant obligation de quitter le territoire français :
- est illégale par exception d'illégalité de la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour ;
- est insuffisamment motivée, en méconnaissance de l'article 12 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 dite " retour " ;
- est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
La décision fixant le délai de départ volontaire :
- est insuffisamment motivée ;
- est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
La décision fixant le pays de destination :
- est insuffisamment motivée ;
- est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 octobre 2019, le préfet de police conclut au rejet de la requête " sous la réserve des suites " que la Cour " entendra donner au moyen tiré du vice de procédure " relatif à la présence parmi le collège de médecins ayant émis l'avis de l'OFII, du médecin rapporteur.
Il soutient que :
- s'agissant de ce moyen, M. B... ayant été privé d'une garantie, il s'en remet à la sagesse de la Cour ;
- les autres moyens soulevés par M. B... sont infondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 28 septembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant malien né le 28 juillet 1977, entré en France en 2009 selon ses déclarations, a sollicité le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 1er février 2018, le préfet de police a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé (...) ".
3. L'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. Les orientations générales mentionnées à la quatrième phrase du 11° de l'article L. 313-11 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé. ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre (...) Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège (...) ". L'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant: a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".
4. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative de se prononcer sur la demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade au vu de l'avis émis par un collège de médecins nommés par le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Préalablement à l'avis rendu par ce collège d'experts, un rapport médical, relatif à l'état de santé de l'intéressé et établi par un médecin instructeur, doit lui être transmis. Le médecin instructeur à l'origine de ce rapport médical ne siège pas au sein du collège de médecins qui rend l'avis transmis au préfet. Au nombre des éléments de procédure que doit mentionner l'avis rendu par le collège de médecins figure, notamment, le nom du médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui a établi le rapport médical de façon à permettre à l'autorité administrative de s'assurer, préalablement à sa décision, que ce médecin ne siège pas au sein du collège qui rend l'avis, et, par suite, de la composition régulière de ce collège.
5. En l'espèce, le préfet de police admet que le médecin rapporteur était également membre du collège ayant émis l'avis du 26 juin 2017 préalable à sa décision de refus de renouvellement du titre de séjour de M. B... en qualité d'étranger malade, privant ce dernier d'une garantie. M. B... est donc fondé à soutenir que, du fait de la composition irrégulière de ce collège, l'arrêté attaqué est entaché d'un vice de procédure substantiel de nature à entraîner son annulation.
6. Il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er février 2018.
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :
7. Le présent arrêt implique seulement, eu égard au motif sur lequel il se fonde, que l'autorité compétente examine à nouveau la demande de titre de séjour de M. B.... Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet de police de procéder à ce nouvel examen dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans l'intervalle, une autorisation provisoire de séjour. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me D..., avocate de M. B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de ce dernier le versement à Me D... d'une somme de 1 500 euros.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1803979/2-1 du 12 juin 2018 du Tribunal administratif de Paris et l'arrêté du 1er février 2018 par lequel le préfet de police a refusé de renouveler le titre de séjour de M. B..., l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de réexaminer la situation de l'intéressé dans un délai de trois mois suivant la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans l'intervalle, une autorisation provisoire de séjour.
Article 3: L'Etat versera à Me D..., avocate de M. B..., une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., au ministre de l'intérieur et au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 26 novembre 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
- M. Niollet, président-assesseur,
- M. A..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 10 décembre 2019.
Le rapporteur,
D. PAGESLe président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
Le greffier,
P. TISSERAND
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA03601