Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
I. Par une requête enregistrée le 30 janvier 2018 sous le n° 1800034, la société à responsabilité limitée (SARL) Tahiti Nephro 2 a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler l'arrêté n° 12470 MSS du 28 novembre 2017 rejetant sa demande d'autorisation d'exercer l'activité de traitement de l'insuffisance rénale chronique par épuration extrarénale selon la modalité " unité de dialyse médicalisée " sur son site de Taravao et de mettre à la charge de la Polynésie française une somme de 500 000 F CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
II. Par une requête enregistrée le 30 janvier 2018 sous le n° 1800035 la SARL Tahiti Nephro 2 a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler l'arrêté n° 12471 MSS du 28 novembre 2017 rejetant sa demande d'autorisation d'exercer l'activité de traitement de l'insuffisance rénale chronique par épuration extrarénale selon la modalité " dialyse à domicile " et de mettre à la charge de la Polynésie française une somme de 500 000 F CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
III. Par une requête enregistrée le 30 janvier 2018 sous le n° 1800036, la SARL Tahiti Nephro 2 a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler l'arrêté n° 12472 MSS du 28 novembre 2017 rejetant sa demande d'autorisation d'exercer l'activité de traitement de l'insuffisance rénale chronique par épuration extrarénale selon la modalité " unité d'auto-dialyse " sur son site de Taravao et de mettre à la charge de la Polynésie française une somme de 500 000 F CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n°s 1800034, 1800035 et 1800036 du 28 septembre 2018, le tribunal administratif de la Polynésie française a joint les demandes de la SARL Tahiti Nephro 2 pour y statuer par un seul jugement et a rejeté celles-ci.
Procédure devant la Cour :
Par une requête sommaire et un mémoire ampliatif, enregistrés les 29 décembre 2018 et 11 février 2019, la société à responsabilité limitée (SARL) Tahiti Nephro 2, représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement nos 1800034, 1800035, 1800036 du 28 septembre 2018 du tribunal administratif de la Polynésie française ;
2°) d'annuler l'arrêté n° 12470 MSS du 28 novembre 2017 rejetant sa demande d'autorisation d'exercer l'activité de traitement de l'insuffisance rénale chronique par épuration extrarénale selon la modalité " unité de dialyse médicalisée " sur son site de Taravao ;
3°) d'annuler l'arrêté n° 12471 MSS du 28 novembre 2017 rejetant sa demande d'autorisation d'exercer l'activité de traitement de l'insuffisance rénale chronique par épuration extrarénale selon la modalité " dialyse à domicile " ;
4°) d'annuler l'arrêté n° 12472 MSS du 28 novembre 2017 rejetant sa demande d'autorisation d'exercer l'activité de traitement de l'insuffisance rénale chronique par épuration extrarénale selon la modalité " unité d'auto-dialyse " sur son site de Taravao ;
5°) de mettre à la charge de la Polynésie française une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la présidence de la commission de l'organisation sanitaire (COS) par le ministre de la santé méconnaît la séparation des fonctions de conseil et de décision ainsi que les principes d'indépendance et d'impartialité, principes de valeur constitutionnelle ;
- la composition de la COS est irrégulière dès lors que l'arrêté n° 195 PR du 28 mars 2013 portant désignation de ses membres prévoit que le docteur Arbes est à la fois membre titulaire en qualité de médecin de l'administration centrale et membre suppléant du directeur de l'agence de régulation sanitaire et sociale ;
- la procédure de sélection des offres est viciée ; comme le démontre un courriel en date du 28 mars 2018 du Dr Iarbi Harrami, l'attributaire des autorisations, la société Isis Polynésie, a irrégulièrement obtenu communication des rapports établis par le médecin inspecteur ; ce courriel atteste en outre d'une collusion entre cette société et la COS qui conduit à une rupture d'égalité des candidats ; cette irrégularité substantielle doit conduire à l'annulation de la procédure ;
- les arrêtés contestés sont insuffisamment motivés ;
- ils sont entachés d'une erreur de fait dès lors que ses offres répondaient parfaitement aux besoins de la population et qu'elles conduisaient à une baisse des coûts du traitement de l'insuffisance rénale en Polynésie française ;
- la Polynésie française a commis une erreur de droit dans l'analyse des offres en estimant que son projet n'était pas compatible avec " l'objectif du schéma d'organisation sanitaire de réduction du coût des séances et d'adaptation de l'offre de soins à l'évolution des besoins " alors que cet objectif n'est pas mentionné dans les principes fondateurs du schéma d'organisation sanitaire de la Polynésie française 2016-2021 adopté par la délibération n° 2016-12 APF du 16 février 2016 ; il ressort par ailleurs de ce document que la baisse des coûts s'inscrit dans le cadre général de l'évolution attendue du traitement du diabète et n'est donc pas envisagée comme le seul élément ou comme un élément déterminant dans la délivrance des autorisations ; la Polynésie française n'a pas pondéré les différents critères en question et n'a pas indiqué que le critère du prix unitaire serait finalement le seul critère qu'elle retiendrait lors de l'analyse des offres ; enfin, la baisse envisagée est une baisse globale des coûts sur l'ensemble du traitement du diabète et pas seulement une baisse des prix de la dialyse à domicile ;
- en refusant de considérer son offre dans son ensemble, l'administration a commis une erreur qui doit être sanctionnée ;
- les arrêtés contestés sont entachés d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- en vertu de l'article 25 de la délibération n° 2002-169 APF du 12 décembre 2002, l'administration aurait dû lui accorder les autorisations sollicitées.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 mai 2019, la Polynésie française, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;
- la délibération n° 2002-169 APF du 12 décembre 2002 ;
- la délibération n° 2016-12 APF du 16 février 2016 ;
- l'arrêté n° 195 PR du 28 mars 2013 ;
- l'arrêté n° 30 PR du 16 janvier 2017 ;
- l'arrêté n° 377 PR du 24 mai 2017 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., avocat de la SARL Tahiti Nephro 2.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté n° 377 PR du 24 mai 2017, le président de la Polynésie française a établi le bilan de la carte sanitaire concernant les activités de soins " traitement de l'insuffisance rénale chronique par épuration extrarénale " et " transplantations et greffes d'organes, tissus, cellules et produits du corps humain " et a fixé à compter du 1er juin jusqu'au 31 juillet 2017 la période de deux mois pour le dépôt des demandes d'autorisation concernant ces activités de soins en application de l'article 23 de la délibération du 12 décembre 2002. La SARL Tahiti Nephro 2 a sollicité trois autorisations pour mettre en oeuvre l'activité de soins " traitement de l'insuffisance rénale chronique par épuration extrarénale " selon les modalités " unité de dialyse médicalisée ", " unité de dialyse à domicile ", " unité d'autodialyse " sur son site de Taravao. Par des arrêtés n°s 12470 MSS, 12471 MSS et 12472 MSS du 28 novembre 2017, le ministre des solidarités et de la santé a rejeté les demandes d'autorisation de la SARL Tahiti Nephro 2. Par un jugement nos 1800034, 1800035, 1800036 du 28 septembre 2018, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté les demandes de la SARL Tahiti Nephro 2 tendant à l'annulation de ces arrêtés. Cette dernière relève appel de ce jugement.
2. Aux termes de l'article 24 de la délibération APF du 12 décembre 2002 : " L'autorisation est donnée ou renouvelée par le Président du gouvernement après avis de la commission de l'organisation sanitaire. (...) La décision de refus doit être motivée. ".
3. Il ressort des termes des arrêtés contestés que pour rejeter les offres de la SARL Tahiti Nephro 2, le ministre des solidarités et de la santé a d'abord retenu que ces offres, si elles satisfaisaient à des conditions techniques de fonctionnement fixées par arrêté en conseil des ministres ou aux référentiels de bonnes pratiques, n'étaient toutefois pas compatibles avec l'objectif du schéma d'organisation sanitaire de réduction du coût des séances et d'adaptation de l'offre de soins à l'évolution des besoins. Il a ensuite estimé que la couverture des offres de soins proposées par la société à l'appui de ces différents projets ne permettait pas de répondre aux besoins de la population définis par la carte sanitaire. Ensuite, s'agissant en particulier de l'offre portant sur la modalité " dialyse à domicile ", il a estimé que l'exercice de l'activité de soins " traitement de l'insuffisance rénale chronique par épuration extrarénale " requiert la mise en place d'un établissement de santé dont l'organisation globale, et notamment la couverture médicale, para médicale voire psychologique et sociale justifie que le patient soit pris en charge dans le cadre d'une continuité de soins. Enfin, il s'est fondé sur la circonstance que chacune des offres présentées ne pouvait pas être viable indépendamment de l'ensemble des autres offres de la société. Ces motifs de refus, plus particulièrement ceux tirés de ce que ces offres n'étaient pas compatibles avec l'objectif du schéma d'organisation sanitaire de réduction du coût des séances et d'adaptation de l'offre de soins à l'évolution des besoins et ne permettaient pas de répondre aux besoins de la population définis par la carte sanitaire, sont exposés en des termes trop généraux pour permettre à la SARL Tahiti Nephro 2 de contester utilement leur bien-fondé. Il s'ensuit que ces arrêtés ne répondent pas à l'exigence de motivation prévue par les dispositions de l'article 24 de la délibération APF du 12 décembre 2002. Par suite, les arrêtés n° 12470 MSS, 12471 MSS et 12472 MSS du 28 novembre 2017 du ministre des solidarités et de la santé doivent être annulés.
4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la SARL Tahiti Nephro 2 est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés n° 12470 MSS, 12471 MSS et 12472 MSS du 28 novembre 2017.
Sur les frais de l'instance :
5. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la Polynésie française le paiement à la SARL Tahiti Nephro 2 d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement nos 1800034, 1800035, 1800036 du 28 septembre 2018 du tribunal administratif de la Polynésie française et les arrêtés n° 12470 MSS, n° 12471 MSS et n° 12472 MSS du 28 novembre 2017 du ministre des solidarités et de la santé sont annulés.
Article 2 : La Polynésie française versera à la SARL Tahiti Nephro 2 une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Tahiti Nephro 2 et à la Polynésie française.
Délibéré après l'audience du 14 novembre 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- M. Luben, président assesseur,
- Mme C..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 2 décembre 2019.
Le rapporteur,
V. C...Le président,
J. LAPOUZADELe greffier,
Y. HERBER La République mande et ordonne au Haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA04074