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27/11/2019 | FRANCE | N°17PA21731

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 27 novembre 2019, 17PA21731


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... a demandé au Tribunal administratif de Mayotte d'annuler la décision du 19 décembre 2014 par laquelle le directeur du centre hospitalier de Mayotte (CHM) a rejeté sa demande tendant au remboursement de la somme de 13 225,77 euros prélevée sur le montant de son indemnité de précarité à raison d'un trop-perçu de rémunération, et d'ordonner le remboursement de cette somme.

Par un jugement n° 1500126 du 10 mars 2017, le Tribunal administratif de Mayotte a condamné le centre hospitalie

r de Mayotte à payer à M. B... la somme de 13 225,77 euros.

Procédure devant la Co...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... a demandé au Tribunal administratif de Mayotte d'annuler la décision du 19 décembre 2014 par laquelle le directeur du centre hospitalier de Mayotte (CHM) a rejeté sa demande tendant au remboursement de la somme de 13 225,77 euros prélevée sur le montant de son indemnité de précarité à raison d'un trop-perçu de rémunération, et d'ordonner le remboursement de cette somme.

Par un jugement n° 1500126 du 10 mars 2017, le Tribunal administratif de Mayotte a condamné le centre hospitalier de Mayotte à payer à M. B... la somme de 13 225,77 euros.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 2 juin 2017 et 31 mai 2019, le centre hospitalier de Mayotte, représenté par la Scp Guillemoteau-Bernadou-Raffy, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1500126 du 10 mars 2017 du Tribunal administratif de Mayotte ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal ;

3°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 3 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué repose sur une erreur de droit, en ce que le tribunal s'est fondé sur l'article 5 du décret du 23 septembre 1983 pour faire droit à la demande présentée par M. B... alors que cet article renvoie à un article du code de la santé publique qui n'est pas applicable à l'intéressé.

Par un mémoire en défense enregistré le 25 avril 2019, M. B..., représenté par Me A... D... conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge du centre hospitalier, sur le fondement de l'article L. 761-1 de justice administrative.

Il soutient que :

- aucun des moyens de la requête n'est fondé.

En application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, la clôture d'instruction a été fixée au 18 juin 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

- le décret n° 83-863 du 23 septembre 1983 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de Mme Jimenez, rapporteur public,

- et les observations de Me Bernadou, avocat du directeur du centre hospitalier de Mayotte.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... a été recruté par le centre hospitalier de Mayotte (CHM) du 1er juillet 2010 au 30 juin 2014 en qualité de praticien hospitalier contractuel à temps partiel, pour un service correspondant à huit demi-journées par semaine. Il a sollicité de son employeur le bénéfice de la prime de précarité à laquelle il estimait avoir droit et qui ne lui avait pas été versée au titre de la période allant du 1er juillet 2010 au 30 juin 2013. Par un courrier du 6 novembre 2014, le directeur du centre hospitalier de Mayotte a confirmé au docteur B... qu'il pouvait, en principe, prétendre au versement de cette prime d'un montant brut de 19 876 euros, mais qu'après examen du dossier administratif, il était apparu que, pendant cette période allant du 1er juillet 2010 au 30 juin 2013, il avait perçu une rémunération non conforme à la quotité de temps de travail accomplie, puisqu'il avait été rémunéré sur la base de 6 / 7ème d'une rémunération temps plein alors qu'il aurait dû être payé à hauteur de 8/ 10ème pendant toute la période où il avait exercé ses fonctions à raison de huit demi-journées hebdomadaires. Le directeur du centre hospitalier de Mayotte a en conséquence précisé à M. B... qu'après imputation du trop-perçu de rémunération d'un montant de 13 225,77 euros, et régularisation du trop versé de cotisations sociales, il ne pourrait lui être versé, sur le montant de la prime de précarité, qu'une somme de 7 318,38 euros. M. B... a saisi le Tribunal administratif de Mayotte d'une demande tendant à la condamnation du centre hospitalier à lui verser la somme de 13 225,77 euros prélevée selon lui indument sur le montant de son indemnité de précarité. Le centre hospitalier de Mayotte relève appel du jugement n° 1500126 du

10 mars 2017 par lequel le tribunal administratif a fait droit à la demande de M. B....

2. Pour faire droit à la demande de M. B..., les premiers juges se sont fondés sur les dispositions de l'article 5 du décret du 23 septembre 1983 relatif aux modalités d'application du régime de travail à temps partiel des agents non titulaires des établissements d'hospitalisation publics et de certains établissements à caractère social qui dispose que : " Les agents non titulaires exerçant leurs fonctions à temps partiel perçoivent une fraction du traitement afférent à leur emploi. Cette fraction est égale au rapport entre la durée hebdomadaire de service effectuée et la durée résultant des obligations hebdomadaires de service réglementairement fixées pour les agents exerçant à temps plein les mêmes fonctions. / Toutefois, dans le cas de services représentant 80 ou 90 % du temps plein, cette fraction est égale respectivement aux six septièmes et aux trente-deux trente-cinquièmes du traitement afférent à leur emploi. (...) ".

3. Toutefois, ce décret du 23 septembre 1983 concernait les personnels visés à l'article

L. 792 du code de la santé publique alors applicable portant sur le statut général du personnel des établissements d'hospitalisation publics et de certains établissements à caractère social. Or, cet article L. 792 a été abrogé par la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant statut général du personnel des établissements d'hospitalisation publics et l'avant dernier alinéa de l'article 2 de cette loi précise que ce statut général ne s'applique pas aux praticiens hospitaliers mentionnés aux 1° à 4° de l'article L. 6152-1 du code de la santé publique.

4. L'article L. 6152-1 du code de la santé publique dispose que : " Le personnel des établissements publics de santé comprend, outre les agents relevant de la loi n° 86-33 du

9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière et les personnels enseignants et hospitaliers mentionnés à l'article L. 952-21 du code de l'éducation : / (...) / 2° Des médecins (...) recrutés par contrat dans des conditions déterminées par voie réglementaire. Les conditions dans lesquelles, à titre exceptionnel, ces personnels peuvent être recrutés par contrat de courte durée sans qu'il en résulte un manquement à la continuité des soins sont précisées par voie réglementaire ; / 3° Des médecins, (...) recrutés par contrat sur des emplois présentant une difficulté particulière à être pourvus ; (...) ".

5. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que M. B..., qui a été recruté sur le fondement des dispositions du 3° de l'article L. 6152-1 du code de la santé publique rappelé ci-dessus, et selon les modalités précisées au 4° de l'article R. 6152-402 du même code, n'entrait pas dans le champ d'application des dispositions susénoncées de l'article 5 du décret 23 septembre 1983. Le centre hospitalier de Mayotte est par suite fondé à soutenir que le tribunal a commis une erreur de droit en faisant droit à la demande de M. B... sur le fondement de ces dispositions.

6. Aux termes de l'article R. 6152-402 du code de la santé publique " Les praticiens contractuels mentionnés à l'article R. 6152-401 ne peuvent être recrutés que dans les cas et conditions suivants (...) 4° Pour occuper, en cas de nécessité de service et lorsqu'il s'avère impossible d'opérer un tel recrutement en application des dispositions statutaires en vigueur, un poste de praticien à temps plein ou à temps partiel resté vacant à l'issue de chaque procédure statutaire de recrutement (...) ".

7. Aux termes de l'article R. 6152-416 dudit code : " La rémunération des praticiens contractuels est fixée selon les règles suivantes : 1° Les praticiens contractuels recrutés en application des 1°, 2°, 4° et 5° de l'article R. 6152-402 sont rémunérés sur la base des émoluments applicables aux praticiens hospitaliers ou aux praticiens des hôpitaux recrutés en début de carrière, proportionnellement à la durée de travail définie au contrat en ce qui concerne les praticiens des hôpitaux.(...) ". L'article R. 6152-46 précise que : " Les obligations de service hebdomadaires sont fixées entre cinq et neuf demi-journées. Le praticien est rémunéré proportionnellement à la durée de ses obligations de service (...) ".

8. Il résulte de ces dispositions combinées que la rémunération de M. B... devait, durant les périodes où il exerçait ses fonctions à raison de huit demi-journées hebdomadaires, être fixée à 80% des émoluments d'un praticien à temps plein effectuant un service de dix demi-journées hebdomadaires, et que celui-ci ne pouvait prétendre à une rémunération calculée sur la base de

6 / 7ème de ces émoluments.

9. En conséquence, M. B... n'est pas fondé à contester l'existence et le montant du trop-perçu porté à sa connaissance par le centre hospitalier de Mayotte, dans sa décision du

6 novembre 2014, confirmée le 19 décembre 2014. Il appartenait donc à l'administration de corriger cette erreur de liquidation, qui ne constituait pas une décision octroyant à M. B... un avantage, et de réclamer à ce dernier le reversement des sommes payées à tort, sans qu'il puisse ni utilement soutenir que l'administration ne l'a pas informé avant de lui demander le reversement, ni se prévaloir de droits acquis à l'encontre d'une telle demande de reversement.

10. Si M. B..., dans ses écritures de première instance, soutenait que " la décision du 19 décembre 2014 a été prise de manière discriminatoire puisque le système informatique de calcul des salaires de tous les agents de l'hôpital prévoit cet avantage, ", ce faisant, et faute de précision sur la nature de la discrimination alléguée, il ne met pas la Cour à même d'apprécier le bien-fondé du moyen qu'il invoque.

11. M. B... se prévalait également devant le tribunal administratif d'une circulaire du 11 avril 2013 relative au délai de prescription extinctive concernant les créances résultant de paiements indus effectués par les services de l'Etat en matière de rémunération de leurs agents, dans le champ de laquelle il n'entre pas, en tout état de cause, dès lors qu'il est employé non pas par l'Etat mais par le centre hospitalier de Mayotte. Ce faisant, M. B... peut être regardé comme invoquant les dispositions de l'article 37-1 de la loi susvisée du 12 avril 2000, dans sa rédaction issue de l'article 94 de la loi de finances rectificative pour 2011 du 28 décembre 2011 aux termes desquelles : " Les créances résultant de paiements indus effectués par les personnes publiques en matière de rémunération de leurs agents peuvent être répétées dans un délai de deux ans à compter du premier jour du mois suivant celui de la mise en paiement du versement erroné, y compris lorsque ces créances ont pour origine une décision créatrice de droits irrégulière devenue définitive.(...) ".

12. Toutefois, l'article 41 de la loi du 12 avril 2000 précise que " (...) II Les articles 1er à 4, 5 à 7, 9, 10, 43, le titre II, à l'exception des articles 17 et 25, ainsi que le titre IV, à l'exception de l'article 28, sont applicables dans la collectivité territoriale de Mayotte. ". Il suit de là que l'article 37-1 susénoncé, qui prévoit un régime de prescription spécifique de deux ans en matière de paiement indu de rémunérations des agents publics, figurant dans le titre V intitulé " Dispositions relatives à la fonction publique " de ladite loi du 12 avril 2000, n'est pas applicable à Mayotte.

13. Il résulte du point précédent que M. B... n'est pas fondé à invoquer l'exception de prescription telle que prévue par les dispositions de cet article, à l'égard de la somme 13 225,77 euros, relative à un indu de rémunération.

14. Par suite, la prescription applicable était celle prévue par les dispositions de l'article 2224 du code civil aux termes duquel : " Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. ". L'administration disposait en conséquence d'un délai de cinq ans à compter du premier jour du mois suivant celui de la date de mise en paiement des versements erronés pour obtenir le remboursement du trop-versé. Par suite, le 6 novembre 2014, date à laquelle l'administration a fait connaître à M. B... dans le courrier mentionné ci-dessus au point 1, qu'un montant de rémunération de 13 225,77 euros lui avait été versé à tort au titre de la période allant du 1er juillet 2010 au 30 juin 2013, le délai de prescription n'était pas expiré.

15. De tout ce qui précède il résulte que le centre hospitalier de Mayotte est fondé à obtenir l'annulation du jugement attaqué et le rejet de la demande présentée devant le Tribunal administratif de Mayotte par M. B... ainsi que des conclusions de ce dernier présentées devant la Cour, y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le centre hospitalier n'ayant pas dans la présente instance la qualité de partie perdante. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions du centre hospitalier de Mayotte présentées sur le fondement du même article.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1500126 du Tribunal administratif de Mayotte du 10 mars 2017 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le Tribunal administratif de Mayotte, ainsi que ses conclusions devant la Cour sont rejetées.

Article 3 : Le surplus de la requête du centre hospitalier de Mayotte est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au Centre Hospitalier de Mayotte et à M. E... B....

Délibéré après l'audience du 6 novembre 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme C..., président assesseur,

- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 novembre 2019.

Le rapporteur,

S. APPECHELe président,

I. BROTONS

Le greffier,

P. LIMMOIS

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé et au ministre des Outre-mer en ce qui les concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 17PA21731 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA21731
Date de la décision : 27/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Sylvie APPECHE
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : DUGOUJON

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-11-27;17pa21731 ?
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