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26/11/2019 | FRANCE | N°18PA03204

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 26 novembre 2019, 18PA03204


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite par laquelle le Centre régional des oeuvres universitaires et scolaires (CROUS) de Paris a rejeté sa demande d'indemnisation des préjudices résultant du refus de lui accorder une bourse sur critères sociaux au titre de l'année universitaire 2015-2016, de condamner le Centre régional des oeuvres universitaires et scolaires de Paris à lui verser une somme de 12 027,10 euros assortie des intérêts et de leur capitalis

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite par laquelle le Centre régional des oeuvres universitaires et scolaires (CROUS) de Paris a rejeté sa demande d'indemnisation des préjudices résultant du refus de lui accorder une bourse sur critères sociaux au titre de l'année universitaire 2015-2016, de condamner le Centre régional des oeuvres universitaires et scolaires de Paris à lui verser une somme de 12 027,10 euros assortie des intérêts et de leur capitalisation, au titre des préjudices subis et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des articles 37 de la loi

n° 91-647 du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1711120 du 27 février 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 28 septembre 2018, Mme D..., représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 27 février 2018 ;

2°) de condamner le CROUS à lui verser une somme de 12 027,10 euros en réparation des préjudices subis, avec intérêts et capitalisation des intérêts ;

3°) de mettre à la charge du CROUS de Paris une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le tribunal a dénaturé sa demande et insuffisamment motivé son jugement en statuant comme si elle s'était bornée à demander réparation du refus d'attribution de la bourse sur critères sociaux alors qu'elle fondait aussi sa demande sur le préjudice résultant de l'impossibilité de bénéficier de l'aide du fonds national d'aide d'urgence et sur le refus d'enregistrement de son dossier par l'assistante sociale du CROUS ;

- le tribunal a commis une erreur de droit en se fondant sur la circulaire du 9 juin 2015 alors qu'elle est dépourvue de caractère règlementaire, qu'elle n'a pas été publiée, et ne concerne pas les modalités d'attribution des aides spécifiques aux étudiants qui sont régies par une autre circulaire, du 8 octobre 2014 ;

- le tribunal a dénaturé les faits en reprenant à son compte l'allégation du CROUS sur le fait qu'elle se serait vu proposer un dossier de demande d'aide spécifique annuelle de rupture ;

- en ne lui accordant pas la bourse sur critères sociaux alors qu'elle satisfaisait aux conditions pour l'obtenir le CROUS a commis une faute de nature à engager sa responsabilité, de même qu'en faisant obstacle à l'instruction de sa demande d'aide spécifique ;

- elle est fondée à demander le versement des sommes qu'elle aurait du percevoir au titre de la bourse sur critère sociaux, ainsi que du montant de ses inscriptions et une somme de 6 000 euros au titre des troubles dans ses conditions d'existence ;

- à supposer que l'existence d'une faute ne soit pas retenue, la responsabilité du CROUS devra être engagée sur le fondement de la responsabilité sans faute pour rupture d'égalité devant les charges publiques.

La requête a été communiquée au centre régional des oeuvres universitaires et scolaires de Paris qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par une décision du 25 novembre 2109, le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris a accordé à Mme D... l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public,

- et les observations de Mme D....

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., alors étudiante en deuxième année de master de géographie à l'Université Sorbonne Paris IV, s'est vu refuser au titre de l'année 2015-2016, du fait du défaut de production de la déclaration de revenus de ses parents, l'attribution d'une bourse sur critères sociaux dont elle avait bénéficié les années précédentes. Elle a, le 9 mars 2017, formé auprès du CROUS une demande préalable d'indemnisation des préjudices résultant selon elle des fautes consistant dans le rejet de sa demande de bourse sur critère sociaux et dans le refus allégué de lui permettre de déposer un dossier de demande d'aide spécifique. Dans le silence du Crous elle a saisi le Tribunal administratif de Paris qui a rejeté sa demande par jugement du 27 février 2018 dont elle interjette appel ;

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort des écritures de première instance de Mme D... qu'elle a bien entendu demander devant les premiers juges réparation du préjudice résultant non seulement du refus d'attribution de la bourse sur critères sociaux qu'elle avait sollicitée, mais aussi de l'impossibilité dans laquelle elle se serait trouvée de bénéficier de l'aide du fonds national d'aide d'urgence du fait d'un refus allégué d'enregistrement de son dossier par l'assistante sociale du CROUS. Le tribunal ne s'étant prononcé que sur la légalité du rejet de sa demande d'attribution d'une bourse sur critères sociaux, elle est fondée à soutenir que ce jugement qui n'a pas statué sur l'intégralité de ses conclusions, est entaché d'irrégularité et, par suite, à en demander l'annulation.

Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de Mme D....

Sur la responsabilité du CROUS du fait du rejet de sa demande de bourse sur critères sociaux :

3. Aux termes de l'annexe 3 de la circulaire du 9 juin 2015 régissant pour l'année universitaire 2015-2016 l'octroi de bourses sur critères sociaux : " Les revenus retenus pour le calcul du droit à bourses sont ceux perçus durant l'année n - 2 par rapport à l'année de dépôt de la demande de bourses et, plus précisément, ceux figurant à la ligne "revenu brut global" ou "déficit brut global" du ou des avis fiscaux d'imposition, de non-imposition ou de non mise en recouvrement, de restitution ou de dégrèvement. Sont également pris en compte les revenus perçus à l'étranger, dans les collectivités d'outre-mer et en Nouvelle-Calédonie ainsi que les revenus soumis au taux forfaitaire et ne figurant pas à la ligne précitée de l'avis fiscal. La décision relative au droit à bourse de l'étudiant ne peut être prise que sur la base de l'avis fiscal demandé. La simple communication du document intitulé " Justificatif d'impôt sur le revenu " n'est pas suffisante (...) ".

4. Si Mme D... est fondée à soutenir que cette circulaire du 9 juin 2015, qui contrairement à ce qu'elle allègue, présente un caractère règlementaire, ne régit pas les modalités d'attributions des aides spécifiques aux étudiants, elle régit en revanche pour l'année universitaire 2015-2016 l'octroi de bourses sur critères sociaux. Par ailleurs en l'absence d'obligation, résultant d'un texte législatif ou réglementaire lui-même publié au Journal officiel de la République française, de publier un acte réglementaire dans un recueil autre que le Journal officiel, la publication dans un tel recueil n'est pas, en principe, de nature à faire courir le délai du recours contentieux. Il n'en va autrement que si le recueil dans lequel le texte est publié peut, eu égard à l'ampleur et aux modalités de sa diffusion, être regardé comme aisément consultable par toutes les personnes susceptibles d'avoir un intérêt leur donnant qualité pour contester la décision.

5. La circulaire en cause du 9 juin 2015 a été mise en ligne le 9 juillet 2015, dans son intégralité, sur le site internet du ministère de l'enseignement supérieur, dans la rubrique dédiée au Bulletin officiel, dans des conditions permettant un accès facile et garantissant sa fiabilité et sa date de publication. Eu égard à l'objet et aux bénéficiaires des dispositions de cette circulaire, cette diffusion était de nature à assurer le respect des obligations de publication à l'égard des personnes ayant un intérêt leur donnant qualité pour la contester.

6. En application de cette circulaire qui, ainsi qu'il vient d'être dit présente un caractère règlementaire, a été régulièrement publiée et régit l'octroi des bourses sur critères sociaux, le CROUS de Paris était fondé à refuser à Mme D... l'attribution d'une telle bourse dès lors qu'elle ne produisait pas l'avis d'imposition sur le revenu de ses parents relatif à l'année 2013. Par suite, le CROUS de Paris n'ayant ainsi commis aucune illégalité fautive du fait de ce refus, Mme D... n'est pas fondée à soutenir que sa responsabilité serait engagée à ce titre.

7. Si Mme D... demande également réparation des préjudices allégués résultant selon elle du refus de l'assistante sociale du CROUS de la laisser déposer un dossier de demande de l'allocation annuelle régie par la circulaire n° 2014-00016 du 8 octobre 2014 relative aux aides spécifiques, la réalité d'un tel refus, au motif notamment qu'elle n'aurait pas produit des pièces non exigées par cette circulaire et qui lui étaient néanmoins demandées, ne ressort d'aucune pièce du dossier. Mme D... n'est par suite pas fondée à soutenir, que la responsabilité du CROUS serait engagée à ce titre.

8. Enfin si Mme D... soutient que la responsabilité de cet organisme serait à tout le moins engagée au titre de sa responsabilité sans faute, pour rupture d'égalité devant les charges publiques, dès lors qu'elle aurait été mise dans l'impossibilité de déposer son dossier de demande d'aide spécifique, elle ne justifie pas davantage de cette impossibilité, ni par suite de ce qu'elle aurait été placée dans une situation différente des autres étudiants sollicitant une telle aide. Sa demande ne peut par suite qu'être rejetée.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à demander la condamnation du CROUS à l'indemniser des préjudices allégués. Sa demande de première instance ne peut par suite qu'être rejetée, dans toutes ses conclusions ainsi que ses conclusions présentées devant la Cour au titre des articles 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : le jugement n° 1711120 du Tribunal administratif de Paris du 27 février 2018 est annulé.

Article 2 : La demande de première instance de Mme D... ainsi que le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D... et au CROUS de Paris.

Copie en sera adressée au recteur de l'Académie de Paris.

Délibéré après l'audience du 12 novembre 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- Mme C..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 26 novembre 2019.

Le rapporteur,

M-I. C...Le président,

O. FUCHS TAUGOURDEAU

Le greffier,

A-L. CHICHKOVSKY PASSUELLO

La République mande et ordonne au ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18PA03204


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA03204
Date de la décision : 26/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-05-04-01-03 Fonctionnaires et agents publics. Positions. Congés. Congés de maladie. Accidents de service.


Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: Mme Marie-Isabelle LABETOULLE
Rapporteur public ?: M. BAFFRAY
Avocat(s) : DBKM AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-11-26;18pa03204 ?
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