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19/11/2019 | FRANCE | N°19PA01947

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 19 novembre 2019, 19PA01947


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 14 février 2019 par lequel le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Il a assorti cette demande de conclusions tendant à titre principal à ce que lui soit délivré un titre de séjour salarié, à titre subsidiaire à ce que l'administration réexamine sa situation.

Par un jugement n° 1904253 du 3 mai 2019, le magistrat

désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Pro...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 14 février 2019 par lequel le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Il a assorti cette demande de conclusions tendant à titre principal à ce que lui soit délivré un titre de séjour salarié, à titre subsidiaire à ce que l'administration réexamine sa situation.

Par un jugement n° 1904253 du 3 mai 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 14 juin 2019, assortie de pièces complémentaires enregistrées le 17 juin 2019, M. B..., représenté par Me E..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de police du 14 février 2019 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. B... soutient que :

- le jugement, qui ne vise ni n'analyse le mémoire du 19 avril 2019 par lequel il communiquait 130 pièces nouvelles justifiant sa présence en France, est irrégulier ;

- son droit à être entendu préalablement à l'édiction de la décision portant obligation de quitter le territoire a été méconnu ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire enregistré le 23 octobre 2019, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- M. B..., assisté d'un interprète, a pu utilement faire valoir ses observations lors de son interrogatoire par la police ;

- il ne justifie pas d'une vie privée et familiale ni d'une insertion particulière en France.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., de nationalité bangladaise, entré en France en 2012 selon ses déclarations, a été interpellé puis placé en garde-à-vue le 13 février 2019. Par un arrêté du

14 février 2019, le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... relève appel du jugement du 3 mai 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté du 14 février 2019 :

S'agissant du moyen tiré de l'atteinte porté à son droit d'être entendu :

2. Si le moyen tiré de la violation de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne est inopérant, dès lors qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que cet article ne s'adresse qu'aux organes et aux organismes de l'Union, le droit d'être entendu, qui fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union, implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne.

3. L'interpellation et la garde-à-vue de M. B... le 13 février 2019 sont intervenues dans le cadre d'une enquête préliminaire visant des entreprises prévenues de faits de travail dissimulé. Il ressort du procès-verbal de police, établi au terme de l'audition diligentée dans le cadre de cette procédure, que les questions posées à M. B... portaient exclusivement sur les faits de travail dissimulé, et notamment sa présence sur le chantier, les travaux effectués, les conditions dans lesquelles il avait été recruté, sa rémunération, les rapports avec son employeur et les autres ouvriers non déclarés. L'intéressé n'a, à aucun moment, été interrogé sur les conditions de son entrée et de son séjour en France, ni sur sa situation personnelle. Il n'a pas davantage été informé lors de cette audition de ce qu'une procédure d'éloignement était susceptible d'être prise à son encontre, pas plus qu'il n'était en mesure de déduire des questions qui lui étaient posées que son interpellation pouvait être suivie d'une obligation de quitter le territoire imminente. Il n'a pas ainsi été mis en mesure de faire connaitre ses observations et d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il jugeait utiles avant l'intervention de la décision contestée. Il ne ressort pas, par ailleurs, des pièces du dossier que M. B... n'aurait eu aucun élément à faire valoir.

4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, et notamment celui tiré de l'irrégularité du jugement, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

5. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 500 euros à verser à M. B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n°1904253 du 3 mai 2019 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris et l'arrêté du préfet de police du 14 février 2019 sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à M. B... la somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise au préfet de police.

Délibéré après l'audience publique du 5 novembre 2019 à laquelle siégeaient :

- M. C..., président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Jayer, premier conseiller,

- Mme Mornet, premier conseiller.

Lu en audience publique le 19 novembre 2019.

L'assesseur le plus ancien,

M-D... Le président de la formation de jugement,

président-rapporteur,

Ch. C...

Le greffier,

E. MOULIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 10PA03855

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N° 19PA01947


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA01947
Date de la décision : 19/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. BERNIER
Rapporteur ?: M. Christian BERNIER
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : GONIDEC

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-11-19;19pa01947 ?
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