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19/11/2019 | FRANCE | N°17PA21192

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 19 novembre 2019, 17PA21192


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Kobra Sécurité a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler la décision du 29 janvier 2016 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé le transfert de M. D... B... de la société MBSI vers la société Kobra Sécurité.

Par un jugement n° 1600125 du 9 mars 2017, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 avril 2017, la SARL Kobra Sécurité, représentée par Me C...

, a demandé à la cour administrative d'appel de Bordeaux :

1°) d'annuler le jugement du 9 mars 2017 d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Kobra Sécurité a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler la décision du 29 janvier 2016 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé le transfert de M. D... B... de la société MBSI vers la société Kobra Sécurité.

Par un jugement n° 1600125 du 9 mars 2017, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 avril 2017, la SARL Kobra Sécurité, représentée par Me C..., a demandé à la cour administrative d'appel de Bordeaux :

1°) d'annuler le jugement du 9 mars 2017 du tribunal administratif de la Guadeloupe ;

2°) d'annuler la décision du 29 janvier 2016 de l'inspecteur du travail ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La SARL Kobra Sécurité soutient que :

- elle n'a pas été associée à l'enquête préalable à l'autorisation conduite par l'inspecteur du travail, en méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure ;

- l'intégralité des documents concernant M. B... ne lui a pas été transmise par la société MBSI dans les délais prévus par la convention collective, ce qui faisait obstacle au transfert ;

- la société MBSI a cherché à se défaire d'un salarié protégé ;

- M. B... ne remplissait pas les conditions cumulatives posées par l'avenant à la convention collective du 28 janvier 2011, d'être détenteur d'un titre justifiant de son aptitude professionnelle, d'être en conformité avec les conditions d'expérience acquise en application des dispositions réglementaires en vigueur et d'avoir accompli au moins 900 heures de vacation sur le périmètre concerné au cours des neuf mois précédents.

Le mémoire en défense présenté par M. B..., enregistré le 13 juin 2017, n'a pas été communiqué, faute pour ce dernier d'avoir procédé à la régularisation demandée.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 5 décembre 2018.

Par ordonnance du 1er mars 2019, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué le jugement de la requête à la cour administrative d'appel de Paris qui l'a enregistrée sous le n° 17PA21192.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 5 novembre 2019 :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme Pena, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La Sarl Kobra Sécurité, entreprise de sécurité privée et de gardiennage, s'est vue confier le marché public de contrôle des accès routiers, de protection et de sécurité des urgences du centre hospitalier universitaire de Pointe-à-Pitre / Abymes, pour la période de 2016 à 2018. La société MBSI, précédente titulaire du marché, lui a alors demandé de reprendre le contrat de vingt-sept salariés dont celui de M. D... B..., délégué du personnel et délégué syndical, et a saisi l'inspecteur du travail d'une demande d'autorisation de transfert du contrat de travail de ce dernier. Par une décision du 29 janvier 2016, l'inspecteur du travail a fait droit à cette demande. La société Kobra Sécurité relève appel du jugement du 9 mars 2017 par lequel le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

2. Aux termes de l'article L. 1224-1 du code du travail : " Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise. ". En vertu de l'article L. 2414-1 de ce code dans sa rédaction applicable : " Le transfert d'un salarié compris dans un transfert partiel d'entreprise ou d'établissement par application de l'article

L. 1224-1 ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail lorsqu' il est investi de l'un des mandats suivants : 1° Délégué syndical et ancien délégué syndical ayant exercé ses fonctions pendant au moins un an ; 2° Délégué du personnel (...) ". Selon le 1er alinéa de l'article L. 2421-9 du même code : " Lorsque l'inspecteur du travail est saisi d'une demande d'autorisation de transfert, en application de l'article L. 2414-1, à l'occasion d'un transfert partiel d'entreprise ou d'établissement, il s'assure que le salarié ne fait pas l'objet d'une mesure discriminatoire. ".

3. En vertu des dispositions du code du travail, les salariés protégés bénéficient d'une protection exceptionnelle instituée dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, afin d'éviter que ces salariés ne fassent l'objet de mesures discriminatoires dans le cadre d'une procédure de licenciement ou d'un transfert partiel d'entreprise. Dans ce dernier cas, il appartient à l'autorité administrative, saisie d'une demande d'autorisation de transfert sur le fondement de l'article L. 2414-1 du code du travail, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de vérifier que sont remplies les conditions de transfert prévues par les dispositions légales et les stipulations de la convention collective applicable.

4. En premier lieu, en vertu des articles R. 2421-11 et R. 2421-12 du code du travail, l'inspecteur du travail procède à une enquête contradictoire avant de rendre sa décision qui est notifiée à l'employeur, au salarié et, le cas échéant, à l'organisation syndicale intéressée s'il s'agit d'un représentant syndical. Il résulte de ces dispositions que cette procédure administrative, qui est instituée aux seules fins de s'assurer que le salarié protégé dont le transfert est demandé ne fait pas l'objet d'une mesure discriminatoire, ne concerne que l'employeur qui demande l'autorisation et le salarié intéressé. Ainsi, contrairement à ce que soutient la société requérante, s'il est loisible à l'inspecteur du travail de recueillir, au cours de son enquête, les observations de l'entreprise destinée à devenir l'employeur du salarié protégé en cas d'autorisation du transfert, aucune disposition réglementaire ni aucun principe ne lui impose de recueillir de telles observations avant de rendre sa décision. Par suite, le moyen tiré de ce que la société Kobra Sécurité n'aurait pas été mise à même par l'inspecteur du travail de présenter ses observations ne peut qu'être écarté.

5. En deuxième lieu, il n'appartient pas à l'inspecteur du travail de vérifier que l'entreprise MBSI avait bien transmis en temps et heures à la société requérante l'ensemble des documents concernant M. B... mentionnés par l'article 2.3.1 de l'avenant du 28 janvier 2011 à l'accord du 5 mars 2002 relatif à la reprise du personnel. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'inspecteur du travail, auquel il incombait également de vérifier l'absence de caractère discriminatoire du transfert, n'aurait pas pu lui-même vérifier que les conditions conventionnelles cumulatives requises pour le transfert étaient remplies.

6. En dernier lieu, aux termes de l'article 2.2. de l'avenant du 28 janvier 2011 à l'accord du 5 mars 2002 relatif à la reprise du personnel annexé à la convention collective des entreprises de sécurité et de prévention : " Sont transférables, dans les limites précisées à l'article 2.3 ci-après, les salariés visés à l'article 1er qui remplissent les conditions suivantes à la date du transfert effectif : (...) - pour les salariés assujettis à cette obligation, être titulaire de l'aptitude professionnelle démontrée par la détention d'un titre ou par la conformité aux conditions d'expérience acquise en application des dispositions réglementaires en vigueur ; - pour les salariés assujettis à cette obligation, être titulaire de la carte professionnelle délivrée par la préfecture (...) ; (...) à la date du transfert, avoir effectivement accompli au moins neuf cents heures de vacation sur le périmètre sortant au cours des neuf mois précédents (...). Pour tous les représentants du personnel affectés sur le périmètre sortant, les heures consacrées à l'exercice de leurs mandats électifs ou désignatifs sont considérées comme des heures de vacation sur le site concerné pour le calcul des neuf cents heures ou de la durée calculée au prorata ".

7. Par ailleurs, l'article L. 611-1 du code de la sécurité intérieure dispose que : " Sont soumises aux dispositions du présent titre, dès lors qu'elles ne sont pas exercées par un service public administratif, les activités qui consistent : 1° A fournir des services ayant pour objet la surveillance humaine ou la surveillance par des systèmes électroniques de sécurité ou le gardiennage de biens meubles ou immeubles ainsi que la sécurité des personnes se trouvant dans ces immeubles ou dans les véhicules de transport public de personnes (...) ". Aux termes de l'article L. 612-20 du même code : " Nul ne peut être employé ou affecté pour participer à une activité mentionnée à l'article L. 611-1 : (...) 5° S'il ne justifie pas de son aptitude professionnelle selon des modalités définies par décret en Conseil d'Etat et, s'il utilise un chien dans le cadre de son emploi ou de son affectation, de l'obtention d'une qualification définie en application de l'article L. 613-7. Le respect de ces conditions est attesté par la détention d'une carte professionnelle délivrée selon des modalités définies par décret en Conseil d'Etat ".

8. Ainsi que l'ont jugé à bon droit les premiers juges, il est constant, d'une part, que

M. B... détient une carte professionnelle délivrée le 22 septembre 2014 pour l'exercice de l'activité de surveillance humaine ou surveillance par des systèmes électroniques de sécurité ou gardiennage et valide jusqu'au 21 septembre 2019, d'autre part, que pour obtenir cette carte, l'intéressé a dû justifier être titulaire d'un certificat d'aptitude professionnelle ou d'un diplôme. Dès lors, il ne saurait être sérieusement contesté que le salarié remplissait les conditions d'aptitude professionnelle exigées par les stipulations de l'avenant du 28 janvier 2011.

9. Si la société Kobra Sécurité fait valoir que M. B... ne cumulait que 652 heures de vacation sur 900 requises pendant les neuf mois précédant la décision litigieuse sur le périmètre sortant, ce salarié protégé, employé à temps plein et exclusivement affecté au site du centre hospitalier universitaire dont il était responsable, bénéficiait d'un crédit d'heures consacrées à l'exercice de ses mandats qui devaient être considérées comme des heures de vacation en vertu des dispositions, citées au point 6, de la convention collective. La contestation de la société requérante n'étant pas assortie de précisions suffisantes sur ce point, c'est sans entacher sa décision d'erreur que l'inspecteur du travail a considéré que M. B... satisfaisait aux conditions conventionnelles qui rendaient possible le transfert de son contrat de travail.

10. Il résulte de ce qui précède que la société Kobra Sécurité n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Guadeloupe a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 29 janvier 2016 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé le transfert de M. B....

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui, n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que la société Kobra Sécurité demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL Kobra Sécurité est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Kobra Sécurité, à la ministre du travail, à

M. D... B... et à la société MBSI.

Copie en sera adressée à la direction des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Guadeloupe.

Délibéré après l'audience publique du 5 novembre 2019 à laquelle siégeaient :

- M. Bernier, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme A..., premier conseiller,

- Mme Mornet, premier conseiller.

Lu en audience publique le 19 novembre 2019.

Le rapporteur,

M-E... A... Le président de la formation de jugement,

Ch. BERNIER

Le greffier,

E. MOULIN

La République mande et ordonne à la ministre du travail en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 10PA03855

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N° 17PA21192


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA21192
Date de la décision : 19/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-075 Travail et emploi. Transferts.


Composition du Tribunal
Président : M. BERNIER
Rapporteur ?: Mme Marie-Dominique JAYER
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : EROSIE PATRICK

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-11-19;17pa21192 ?
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