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14/11/2019 | FRANCE | N°19PA01954

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 14 novembre 2019, 19PA01954


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. H... F... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 15 février 2019 par lequel le préfet de police a décidé son transfert aux autorités autrichiennes responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1903595/6-2 du 14 mai 2019, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 15 février 2019 portant transfert aux autorités autrichiennes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le

17 juin et le 6 août 2019, le préfet de police demande à la Cour d'annuler le jugement du 14 mai 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. H... F... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 15 février 2019 par lequel le préfet de police a décidé son transfert aux autorités autrichiennes responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1903595/6-2 du 14 mai 2019, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 15 février 2019 portant transfert aux autorités autrichiennes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 17 juin et le 6 août 2019, le préfet de police demande à la Cour d'annuler le jugement du 14 mai 2019 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 15 février 2019 portant transfert de M. F... aux autorités autrichiennes responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Il soutient que :

- la décision portant transfert aux autorités autrichiennes n'a pas pour effet de renvoyer l'intéressé en Afghanistan ;

- M. F... n'établit pas qu'il aurait fait l'objet d'une décision définitive de rejet de sa demande d'asile par les autorités autrichiennes ;

- il n'est pas établi que les autorités autrichiennes ne procèderont pas à un nouvel examen de la demande d'asile de M. F... et n'évalueront pas les risques de traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales avant un éventuel renvoi dans son pays d'origine ;

- les moyens soulevés par M. F... dans sa demande de première instance ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 juillet 2019, M. F..., représenté par Me B..., conclut à la confirmation du jugement attaqué, au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros à verser à son Conseil sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il n'y a plus lieu de statuer sur la requête ;

- subsidiairement, les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Constitution ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (CE) n° 1560/2003 du 2 septembre 2003 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. F..., ressortissant afghan né le 10 octobre 1985, est entré irrégulièrement en France et s'y est maintenu continument. Il a présenté une demande d'asile au guichet unique des demandeurs d'asile de Paris le 26 novembre 2018. La consultation du fichier Eurodac ayant permis d'établir que ses empreintes digitales avaient été relevées par les autorités autrichiennes, le préfet a saisi ces autorités d'une demande de reprise en charge le 16 janvier 2019. Les autorités autrichiennes ont fait connaître leur accord le 17 janvier 2019. Le préfet a alors décidé, par arrêté du 15 février 2019, de remettre M. F... aux autorités autrichiennes responsables de l'examen de sa demande d'asile. Le préfet de police relève appel du jugement du 14 mai 2019 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté.

Sur le non-lieu :

2. M. F... fait valoir qu'à la suite de l'annulation, par le jugement attaqué, de l'arrêté du préfet de police du 15 février 2019, sa demande d'asile a été transmise à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et une attestation de demande d'asile en procédure normale lui a été délivrée. Toutefois, ces circonstances qui résultent de la simple exécution du jugement attaqué et notamment de la mesure d'injonction prononcée, n'ont pas pour conséquence de priver d'objet les conclusions d'appel du préfet de police.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

3. Aux termes de l'article 18 du règlement n° 604/2013 susvisé du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. L'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de :... d) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le ressortissant de pays tiers ou l'apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d'un autre Etat membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre Etat membre... ". Aux termes de l'article 17 du même règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. L'Etat membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'Etat membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Et aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

4. Pour annuler l'arrêté en litige comme méconnaissant les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le tribunal administratif s'est fondé sur la circonstance que les services de police de l'Etat fédéré de la Haute-Autriche, par une décision du 7 novembre 2018, ont prononcé son éloignement du territoire autrichien au motif que sa demande de protection internationale a été rejetée le 7 août 2017, ainsi que son recours contre cette décision, le 12 octobre 2018, et que le délai de départ volontaire qui lui avait été imparti avait pris fin le 2 novembre 2018 et que sa remise aux autorités autrichiennes aurait pour conséquence un réacheminement vers l'Afghanistan où il serait exposé à un risque de traitement inhumains ou dégradants, au sens de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Toutefois, l'arrêté en litige a seulement pour objet de renvoyer l'intéressé en Autriche et non dans son pays d'origine. L'Autriche, Etat membre de l'Union européenne, est partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut de réfugié, complétée par le protocole de New-York qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. M. F... ne produit aucun élément de nature à établir qu'il existerait des raisons sérieuses de croire à l'existence de défaillances systémiques en Autriche dans la procédure d'asile ou que les juridictions autrichiennes n'auraient pas traité sa demande d'asile dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. En outre, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que les autorités autrichiennes, alors même que la demande d'asile de M. F... a été rejetée, n'évalueront pas, avant de procéder à un éventuel éloignement de M. F..., les risques auxquels il serait exposé en cas de retour en Afghanistan.

5. Le préfet de police est donc fondé à soutenir que c'est à tort que, le premier juge, estimant que la décision de remettre M. F... aux autorités autrichiennes méconnaissait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, a annulé pour ce motif, l'arrêté en litige.

6. Il y a lieu pour la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés en première instance par M. F....

Sur les autres moyens invoqués à l'encontre de la décision attaquée :

7. En premier lieu, par un arrêté n° 2018-00380 du 25 mai 2018, régulièrement publié au bulletin municipal officiel de la ville de Paris du 1er juin 2018, le préfet de police a donné à Mme G... A..., attachée d'administration de l'Etat, délégation à l'effet de signer, notamment, les décisions relatives à la police des étrangers. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision litigieuse aurait été signée par une autorité incompétente doit être écarté.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du

26 juin 2013 : " 1. L'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de: (...) b) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le demandeur dont la demande est en cours d'examen et qui a présenté une demande auprès d'un autre Etat membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre Etat membre ; d) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le ressortissant de pays tiers ou l'apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d'un autre Etat membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre Etat membre. (...) ".

9. La seule circonstance que les autorités françaises aient demandé aux autorités autrichiennes la reprise en charge de M. F... sur le fondement des dispositions du b) de l'article 18 (1) du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, et que les autorités requises, après vérification, aient accepté cette reprise en charge sur le fondement du d), est sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué. Dès lors, M. F... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué est entaché d'un défaut d'examen de sa situation personnelle.

10. En troisième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 susvisé du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, (...) 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de1'entretien individuel visé à l'article 5. / (...) ". Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement, et, en tout cas, avant la décision par laquelle l'autorité administrative décide de ne pas instruire la demande de l'intéressé au motif que la France n'est pas responsable de sa demande d'asile, une information complète sur ses droits, par écrit ou, si nécessaire pour la bonne compréhension du demandeur, oralement, et dans une langue qu'il comprend. Cette information doit comprendre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. Eu égard à la nature de ces informations, leur délivrance complète par l'autorité administrative, notamment par la remise de la brochure prévue par les dispositions précitées, constitue pour le demandeur d'asile une garantie.

11. Il ressort des pièces du dossier que M. F... s'est vu remettre, le

26 novembre 2018, à l'occasion de l'entretien individuel, le guide du demandeur d'asile ainsi que les documents d'information A et B, intitulés respectivement " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande " et " Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' ", qui constituent la brochure commune prévue par les dispositions de l'article 4 du règlement précité. Ces documents lui ont été remis en langue pachtou, langue qu'il a déclaré comprendre devant les services de la préfecture. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 4 du règlement précité doivent être écartées.

12. En quatrième lieu, la méconnaissance de l'obligation d'information sur l'utilisation, la conservation et le droit d'accès aux données collectées lors du relevé d'empreintes digitales, prévue par les dispositions de l'article 29 du règlement n° 603/2013 du 26 juin 2013 et qui a uniquement pour objet et pour effet de permettre d'assurer la protection effective des données personnelles des demandeurs d'asile concernés, ne peut être utilement invoquée à l'encontre de la décision portant remise aux autorités autrichiennes.

13. En cinquième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4 (...). 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. (...) ".

14. Il ressort des pièces du dossier que M. F... a bénéficié, le 26 novembre 2018, d'un entretien individuel dans les locaux de la préfecture de police. Il ressort du compte-rendu de cet entretien que l'intéressé a été personnellement reçu par un agent du 12ème bureau de la direction de la police générale de la préfecture de police, lequel doit être regardé comme une personne qualifiée en vertu du droit national pour mener cet entretien, alors même que son nom n'est pas précisé dans le compte-rendu. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 doit être écarté.

15. En sixième lieu, d'une part, il résulte de l'article 23 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride que, lorsque l'autorité administrative saisie d'une demande de protection internationale estime, au vu de la consultation du fichier Eurodac prévue par le règlement (UE) n° 603/2013 relatif à la création d'Eurodac, que l'examen de cette demande ne relève pas de la France, il lui appartient de saisir le ou les Etats qu'elle estime responsable de cet examen dans un délai maximum de deux mois à compter de la réception du résultat de cette consultation. À défaut de saisine dans ce délai, la France devient responsable de cette demande. Selon l'article 25 du même règlement, l'Etat requis dispose, dans cette hypothèse, d'un délai de deux semaines au-delà duquel, à défaut de réponse explicite à la saisine, il est réputé avoir accepté la reprise en charge du demandeur.

16. D'autre part, le règlement (CE) n° 1560/2003 du 2 septembre 2003 portant modalités d'application du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, modifié par le règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014, a notamment créé un réseau de transmissions électroniques entre les Etats membres de l'Union européenne ainsi que l'Islande et la Norvège, dénommé " Dublinet ", afin de faciliter les échanges d'information entre les Etats, en particulier pour le traitement des requêtes de prise en charge ou de reprise en charge des demandeurs d'asile. Selon l'article 19 de ce règlement, chaque Etat dispose d'un unique " point d'accès national ", responsable pour ce pays du traitement des données entrantes et de la transmission des données sortantes et qui délivre un accusé de réception à l'émetteur pour toute transmission entrante. Selon l'article 15 de ce règlement : " Les requêtes et les réponses, ainsi que toutes les correspondances écrites entre Etats membres visant à l'application du règlement (UE) n° 604/2013, sont, autant que possible, transmises via le réseau de communication électronique " DubliNet " établi au titre II du présent règlement (...). / 2. Toute requête, réponse ou correspondance émanant d'un point d'accès national (...) est réputée authentique. / 3. L'accusé de réception émis par le système fait foi de la transmission et de la date et de l'heure de réception de la requête ou de la réponse ". Le 2 de l'article 10 du même règlement précise que : " Lorsqu'il en est prié par l'Etat membre requérant, l'Etat membre responsable est tenu de confirmer, sans tarder et par écrit, qu'il reconnaît sa responsabilité résultant du dépassement du délai de réponse ".

17. Il résulte des dispositions citées ci-dessus du règlement (CE) n° 1560/2003 du 2 septembre 2003 que la production de l'accusé de réception émis, dans le cadre du réseau Dublinet, par le point d'accès national de l'Etat requis lorsqu'il reçoit une demande présentée par les autorités françaises établit l'existence et la date de cette demande et permet, en conséquence, de déterminer le point de départ du délai de deux semaines au terme duquel la demande de reprise est tenue pour implicitement acceptée. Pour autant, la production de cet accusé de réception ne constitue pas le seul moyen d'établir que les conditions mises à la reprise en charge du demandeur étaient effectivement remplies. Il appartient au juge administratif, lorsque l'accusé de réception n'est pas produit, de se prononcer au vu de l'ensemble des éléments qui ont été versés au débat contradictoire devant lui, par exemple du rapprochement des dates de consultation du fichier Eurodac et de saisine du point d'accès national français ou des éléments figurant dans une confirmation explicite par l'Etat requis de son acceptation implicite de reprise en charge.

18. Il ressort des pièces du dossier que les autorités autrichiennes ont été saisies d'une demande de reprise en charge ainsi qu'en atteste un accusé de réception électronique daté du 16 janvier 2019 délivré par l'application informatique " Dublinet ". Ce document mentionne en son intitulé la même référence FRDUB29930206443-750 que celle figurant sur le document émis par les autorités autrichiennes le 17 janvier 2019 par lequel elles reconnaissent explicitement leur responsabilité. Ainsi, la réalité d'une demande de reprise en charge adressée à ces autorités est établie. Dès lors, le moyen tiré de l'absence de preuve de l'accord des autorités autrichiennes, au regard des articles 23 et 25 du règlement (UE) 604/2013 du 26 juin 2013, doit être écarté.

19. En septième et dernier lieu, aux termes de l'article 17 de ce même règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / (...). / 2. L'Etat membre dans lequel une demande de protection internationale est présentée et qui procède à la détermination de l'Etat membre responsable, ou l'Etat membre responsable, peut à tout moment, avant qu'une première décision soit prise sur le fond, demander à un autre Etat membre de prendre un demandeur en charge pour rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels, même si cet autre Etat membre n'est pas responsable au titre des critères définis aux articles 8 à 11 et 16. (...) ". Si la mise en oeuvre, par les autorités françaises, des dispositions de cet article 17 doit être assurée à la lumière des exigences définies par les dispositions du second alinéa de l'article 53-1 de la Constitution, en vertu desquelles : " les autorités de la République ont toujours le droit de donner asile à tout étranger persécuté en raison de son action en faveur de la liberté ou qui sollicite la protection de la France pour un autre motif ", la faculté laissée à chaque Etat membre de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.

20. Ainsi qu'il a été dit au point 4, l'arrêté en litige a seulement pour objet de renvoyer l'intéressé en Autriche et non dans son pays d'origine. En outre, si M. F... invoque l'existence de défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile en Autriche pouvant conduire à un traitement inhumain et dégradant des intéressés, pour les mêmes raisons que celles évoquées au point 4, M. F... n'établit pas que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant d'appliquer la clause discrétionnaire prévue par les article 3 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, ni que sa décision méconnaîtrait l'article 53-1 de la Constitution.

21. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 15 février 2019. Dès lors, il y a lieu d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par M. F... devant le Tribunal administratif de Paris, ainsi que ses conclusions présentées devant la Cour sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1903595/6-2 du 14 mai 2019 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. F... devant le Tribunal administratif de Paris, ainsi que ses conclusions présentées devant la Cour sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. H... F... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 8 novembre 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme D..., présidente de chambre,

- Mme C..., premier conseiller,

- Mme Mach, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 14 novembre 2019.

Le rapporteur,

C. C... La présidente,

M. D...

Le greffier,

S. GASPAR

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19PA01954


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA01954
Date de la décision : 14/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme JULLIARD
Rapporteur ?: Mme Celine PORTES
Rapporteur public ?: M. BARONNET
Avocat(s) : SELARL LFMA

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-11-14;19pa01954 ?
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