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12/11/2019 | FRANCE | N°19PA02176

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 12 novembre 2019, 19PA02176


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... F... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 15 avril 2019 par lequel le préfet de police a décidé sa remise aux autorités bulgares.

Par un jugement n° 1909031/5-1 du 13 juin 2019, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté, et a enjoint au préfet de police de remettre à M. F... une attestation de demande d'asile.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête, enregistrée le 8 juillet 2019, s

ous le n° 19PA02176, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistra...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... F... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 15 avril 2019 par lequel le préfet de police a décidé sa remise aux autorités bulgares.

Par un jugement n° 1909031/5-1 du 13 juin 2019, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté, et a enjoint au préfet de police de remettre à M. F... une attestation de demande d'asile.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête, enregistrée le 8 juillet 2019, sous le n° 19PA02176, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris du 13 juin 2019 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. F... devant le Tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif s'est fondé sur l'existence de défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs en Bulgarie ;

- les autres moyens soulevés par M. F... devant le tribunal administratif ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 juillet 2019, M. F..., représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que les moyens soulevés par le préfet de police ne sont pas fondés.

II. Par une requête, enregistrée le 8 juillet 2019, sous le n° 19PA02182, le préfet de police demande à la Cour d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris du 13 juin 2019.

Il soutient qu'il fait valoir des moyens sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation de ce jugement, le rejet de la demande présentée par M. F... devant le tribunal administratif.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 juillet 2019, M. F..., représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que les moyens soulevés par le préfet de police ne sont pas fondés.

M. F... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 30/07/2019.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le règlement (CE) n° 2725/2000 du Conseil du 11 décembre 2000 concernant la création du système " Eurodac " pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace de la convention de Dublin ;

- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relatif à la création d'Eurodac ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- et les observations de Me D... pour M. F....

Considérant ce qui suit :

1. M. F..., ressortissant afghan né le 20 avril 1991, a déposé une demande de protection internationale en France le 18 février 2019. La consultation du système " Eurodac " a fait apparaitre qu'il avait déjà déposé une demande en Bulgarie le 13 novembre 2018 et une demande en Autriche le 31 janvier 2019. Les autorités bulgares ont implicitement accepté de le reprendre en charge le 8 mars 2019. Par un arrêté du 15 avril 2019, le préfet de police a décidé sa remise aux autorités bulgares. Il fait appel du jugement du 13 juin 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté.

Sur la requête enregistrée sous le n° 19PA02182 :

2. La Cour statuant par le présent arrêt sur les conclusions de la requête du préfet de police tendant à l'annulation du jugement attaqué, les conclusions de sa requête tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont privées d'objet. Il n'y a pas lieu, par suite, d'y statuer.

Sur la requête enregistrée sous le n° 19PA02176 :

S'agissant du bien-fondé du jugement :

3. Aux termes de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Les États membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. Lorsqu'aucun État membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans le présent règlement, le premier État membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite est responsable de l'examen. / Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. / Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable ". Aux termes de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes du premier alinéa de l'article 258 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " Si la Commission estime qu'un Etat membre a manqué à l'une des obligations qui lui incombent en vertu des traités, elle émet un avis motivé après avoir mis cet Etat en mesure de présenter ses observations (...) ".

4. Pour annuler l'arrêté en litige, le premier juge s'est fondé sur l'engagement, par la Commission, le 8 novembre 2018, d'une procédure d'infraction à l'encontre des autorités bulgares, à raison de lacunes dans le système d'asile bulgare et les services d'appui correspondants, concernant en particulier l'offre d'une assistance juridique appropriée et la rétention des demandeurs d'asile ainsi que les garanties prévues durant la procédure de rétention. Le premier juge qui s'est également attaché au récit de M. F... sur ses conditions d'accueil et l'examen de sa demande par les autorités bulgares, a estimé qu'il y avait de sérieuses raisons de croire à l'existence en Bulgarie de défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, entrainant un risque de traitement inhumain ou dégradant.

5. Or, la Bulgarie est un Etat membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des refugiés complétée par le protocole de New-York qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il doit alors être présumé que le traitement réservé aux demandeurs d'asile dans cet Etat membre est conforme aux exigences de ces deux conventions internationales et à celles de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Cependant, cette présomption peut être renversée s'il y a des raisons sérieuses de croire qu'il existe des défaillances systémiques de la procédure d'asile et dans les conditions d'accueil des demandeurs d'asile dans l'Etat membre responsable, impliquant un traitement inhumain ou dégradant. Toutefois, M. F... n'établit pas, en se bornant à se référer à la première étape de l'engagement, par la Commission, d'une procédure d'infraction à l'encontre des autorités bulgares, à des rapports généraux concernant la Bulgarie émanant principalement du Haut commissariat des Nations Unies pour les réfugiés et d'organisations non gouvernementales, ainsi qu'à son propre témoignage, l'existence de telles défaillances en Bulgarie, qui constitueraient des motifs sérieux et avérés de croire que sa demande d'asile ne serait pas traitée par les autorités bulgares dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Le préfet de police est donc fondé à soutenir que c'est à tort que le premier juge s'est fondé sur de telles défaillances pour annuler l'arrêté en litige.

6. Il y a lieu pour la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés en première instance par M. F....

S'agissant des autres moyens soulevés en première instance par M. F... :

7. En premier lieu, par arrêté n° 2019-00250 du 21 mars 2019, régulièrement publié au bulletin municipal officiel de la ville de Paris du 29 mars 2019, le préfet de police a donné à M. B... E..., attaché d'administration de l'Etat, chargé de mission au 12ème bureau de la direction de la police générale, délégation à l'effet de signer, notamment, les décisions relatives à la police des étrangers. Ainsi, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté en litige manque en fait.

8. En deuxième lieu, en application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.

9. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application.

10. L'arrêté en litige vise les stipulations applicables de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment ses articles 3 et 8, celles de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les règlements n° 603/2013 et n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et le règlement n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 portant modalités d'application du règlement CE 343/2003 du Conseil de l'UE établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers. L'arrêté mentionne également les éléments de fait de la situation de M. F... et précise en particulier qu'il a antérieurement présenté une demande en Bulgarie et une demande en Autriche, que les autorités bulgares, saisies sur le fondement de l'article 18 (1) b du règlement n° 604/2013, ont accepté implicitement le 8 mars 2019 de le reprendre en charge, qu'il ne relève pas des clauses dérogatoires des articles 3 et 17 du règlement n° 604/2013, qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie familiale, et qu'il n'établit pas l'existence d'un risque personnel constituant une atteinte grave au droit d'asile en cas de remise aux autorités bulgares. Cet arrêté satisfait ainsi aux exigences de motivation prescrites par les dispositions précitées.

11. En troisième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Droit à l'information : 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent (...) b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères (...) c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées (...) 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend (...) ". Aux termes de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " " Lorsqu'il est prévu aux livres II, V et VI et à l'article L. 742-3 du présent code qu'une décision ou qu'une information doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits, soit par l'intermédiaire d'un interprète. L'assistance de l'interprète est obligatoire si l'étranger ne parle pas le français et qu'il ne sait pas lire. / En cas de nécessité, l'assistance de l'interprète peut se faire par l'intermédiaire de moyens de télécommunication. Dans une telle hypothèse, il ne peut être fait appel qu'à un interprète inscrit sur l'une des listes mentionnées à l'article L. 111-9 ou à un organisme d'interprétariat et de traduction agréé par l'administration. Le nom et les coordonnées de l'interprète ainsi que le jour et la langue utilisée sont indiqués par écrit à l'étranger ".

12. Il ressort des pièces du dossier que M. F... s'est vu remettre le 15 et le 18 février 2019 les brochures " A " et " B ", contenant les informations sur la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen des demandes d'asile prévues par l'article 4 du règlement susvisé du 26 juin 2013 ainsi que le guide du demandeur d'asile, en langue pachto, langue qu'il a affirmé comprendre. Le moyen tiré d'une méconnaissance des dispositions de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit donc être écarté.

13. En quatrième lieu, à la différence de l'obligation d'information instituée par le règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, qui prévoit un document d'information sur les droits et obligations des demandeurs d'asile, dont la remise doit intervenir au début de la procédure d'examen des demandes d'asile pour permettre aux intéressés de présenter utilement leur demande aux autorités compétentes, l'obligation d'information prévue par les dispositions de l'article 18, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 2725/2000 du 11 décembre 2000, aujourd'hui reprises à l'article 29, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013, a uniquement pour objet et pour effet de permettre d'assurer la protection effective des données personnelles des demandeurs d'asile concernés, laquelle est garantie par l'ensemble des Etats membres relevant du régime européen d'asile commun. Le droit d'information des demandeurs d'asile contribue, au même titre que le droit de communication, le droit de rectification et le droit d'effacement de ces données, à cette protection. Il s'en suit que la méconnaissance de cette obligation d'information ne peut être utilement invoquée à l'encontre des décisions par lesquelles l'Etat français refuse l'admission provisoire au séjour à un demandeur d'asile et remet celui-ci aux autorités compétentes pour examiner sa demande.

14. En cinquième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Entretien individuel : 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / 2. (...) / 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé ".

15. Il ressort des pièces du dossier que M. F... a bénéficié d'un entretien individuel le 18 février 2019 auprès de la préfecture de police. Cet entretien a été mené par un agent du 12ème bureau de la direction de la police générale de la préfecture de police, en langue pachto que M. F... a déclaré comprendre, en présence d'un interprète de la société ISM Interprétariat. En l'absence de tout élément contraire versé au dossier, cet agent doit être regardé comme une personne qualifiée en vertu du droit national. M. F... ne saurait utilement se plaindre de ce que la qualité et le nom de cette personne ne sont pas mentionnés dans le compte rendu de l'entretien, et de ce que ce compte rendu comporte, non la signature de cette même personne, mais un cachet sécurisé numéroté. Le moyen tiré d'une méconnaissance des dispositions de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit donc être écarté.

16. En sixième lieu, compte tenu de l'entretien individuel qui lui a été accordé le 18 février 2019 M. F... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté litigieux aurait été pris en méconnaissance du droit de présenter des observations, reconnu par les dispositions de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.

17. En septième lieu, aux termes de l'article 24 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...) lorsqu'un État membre sur le territoire duquel une personne se trouve sans titre de séjour décide d'interroger le système Eurodac conformément à l'article 17 du règlement (UE) n° 603/2013, la requête aux fins de reprise en charge d'une personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point b) ou c), du présent règlement ou d'une personne visée à son article 18, paragraphe 1, point d), dont la demande de protection internationale n'a pas été rejetée par une décision finale, est formulée aussi rapidement que possible et, en tout état de cause, dans un délai de deux mois à compter de la réception du résultat positif Eurodac (...) ". Aux termes de l'article 25 du même règlement : " 1. L'État membre requis procède aux vérifications nécessaires et statue sur la requête aux fins de reprise en charge de la personne concernée aussi rapidement que possible et en tout état de cause dans un délai n'excédant pas un mois à compter de la date de réception de la requête. Lorsque la requête est fondée sur des données obtenues par le système Eurodac, ce délai est réduit à deux semaines. / 2. L'absence de réponse à l'expiration du délai d'un mois ou du délai de deux semaines mentionnés au paragraphe 1 équivaut à l'acceptation de la requête, et entraîne l'obligation de reprendre en charge la personne concernée, y compris l'obligation d'assurer une bonne organisation de son arrivée. ".

18. Il ressort des pièces du dossier que les autorités françaises ont saisi les autorités bulgares d'une demande de reprise en charge M. F... le 22 février 2019, soit moins de deux mois après la consultation du système " Eurodac " le 18 février 2019, et que les autorités bulgares ont, conformément à ces dispositions, implicitement accepté de le reprendre en charge le 8 mars 2019.

19. En dernier lieu, M. F..., n'établit pas, par la production des pièces mentionnées au point 5, être exposé en Bulgarie à des risques de torture, ou de peines ou de traitements inhumains ou dégradants, contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. En outre, son transfert vers la Bulgarie n'implique pas, en lui même, un risque de refoulement vers l'Afghanistan. Ainsi, le préfet de police ne peut être regardé comme ayant commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de mettre en oeuvre la clause discrétionnaire de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013.

20. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 15 avril 2019 décidant la remise aux autorités bulgares de M. F....

Sur les conclusions de M. F... présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement de la somme que M. F... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1909031/5-1 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris du 13 juin 2019 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. F... devant le Tribunal administratif de Paris et ses conclusions devant la Cour sont rejetées.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 19PA02182 tendant au sursis à l'exécution du jugement du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris du 13 juin 2019.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... F....

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 22 octobre 2019, à laquelle siégeaient :

Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,

M. C..., président-assesseur,

M. Pagès, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 novembre 2019.

Le rapporteur,

J-C. C...Le président,

O. FUCHS TAUGOURDEAU

Le greffier,

T. ROBERT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°s 19PA02176-19PA02182


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA02176
Date de la décision : 12/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

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Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière - Légalité interne - Étrangers ne pouvant faire l`objet d`une OQTF ou d`une mesure de reconduite - Demandeurs d'asile.


Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: M. Jean-Christophe NIOLLET
Rapporteur public ?: M. BAFFRAY
Avocat(s) : AARPI ANGLADE et PAFUNDII

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-11-12;19pa02176 ?
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