Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'Association française des premiers secours (AFPS) a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser les sommes de 528 607 euros au titre de son préjudice financier pour les années 2011 à 2016, 25 000 euros au titre du remboursement des frais de procédure et 150 000 euros au titre du préjudice moral, en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité des deux décisions en date du 1er août 2011 par lesquelles le ministre de l'intérieur a retiré son agrément portant sur la sécurité civile ainsi que son agrément pour les formations aux premiers secours et la formation au brevet national d'instructeur de secourisme, outre des conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1714351/6-1 du 25 mai 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 19 juillet 2018, l'AFPS, représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 25 mai 2018 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 528 607 euros au titre de la perte de recettes, une somme de 25 000 euros en remboursement du coût des procédures et une somme de 150 000 euros au titre du préjudice moral ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les retraits d'agrément sont entachés d'erreur de droit dans la mesure où la réglementation applicable ne prévoit pas de procédure de retrait d'agrément pour les associations nationales de formation aux premiers secours ;
- les retraits d'agrément sont entachés d'erreur d'appréciation car ils reposent uniquement sur le rapport de l'IGA qui est infondé ;
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que les retraits d'agrément litigieux étaient justifiés au fond ;
- en outre, les illégalités externes reconnues par le jugement du 17 décembre 2012 lui ouvrent droit à réparation ;
- elle a droit à l'indemnisation de ses préjudices, soit 528 607 euros au titre de la perte de recettes, 25 000 euros au titre du coût des procédures et 150 000 euros au titre du préjudice moral.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 mars 2019, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par l'AFPS ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 6 mars 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 11 avril 2019 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 2004-811 du 13 août 2004 ;
- le décret n° 2006-237 du 27 février 2006 ;
- l'arrêté du 8 juillet 1992 relatif aux conditions d'habilitation ou d'agrément pour les formations aux premiers secours ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., pour l'AFPS.
Une note en délibéré, enregistrée le 24 octobre 2019, a été présentée par Me B..., pour l'AFPS.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 24 octobre 2008, le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales a accordé à l'Association française des premiers secours (AFPS) un agrément au niveau national pour assurer les formations aux premiers secours de type " prévention et secours civique de niveau 1 " (PSC 1), " pédagogie appliquée aux emplois/activités de classe 3 " (PAE 3), et " moniteur des premiers secours " (BNMPS). Par un arrêté en date du 1er décembre 2008, le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales a également accordé à l'AFPS un agrément au niveau national pour participer aux missions de sécurité civile de type B (actions de soutien aux populations sinistrées), C (encadrement des bénévoles lors des actions de soutien aux populations sinistrées) et D (dispositifs prévisionnels de secours). Ces deux agréments étaient valables trois ans. Par deux arrêtés en date du 1er août 2011, le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales a retiré ces deux agréments, mais par un jugement du 17 décembre 2012 devenu définitif, le Tribunal administratif de Paris, faisant droit à la demande de l'AFPS, a annulé ces deux arrêtés. L'APFS a ensuite saisi le même tribunal d'une nouvelle demande tendant à la condamnation de l'Etat à l'indemniser des préjudices subis du fait de l'intervention des deux arrêtés de retrait du 1er août 2011. L'AFPS relève appel du jugement du 25 mai 2018 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
En ce qui concerne les fautes :
2. L'article 35 de la loi de modernisation de la sécurité civile visée ci-dessus prévoit, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce : " Les associations ayant la sécurité civile dans leur objet social peuvent être agréées soit par le représentant de l'Etat dans le département, soit par le ministre chargé de la sécurité civile, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. ". En vertu de l'article 36 de cette loi : " Seules les associations agréées sont engagées, (...) pour participer aux opérations de secours et à l'encadrement des bénévoles dans le cadre des actions de soutien aux populations. / Elles seules peuvent contribuer à la mise en place des dispositifs de sécurité civile dans le cadre de rassemblements de personnes. Par ailleurs, elles peuvent assurer des actions d'enseignement et de formation en matière de secourisme. ".
3. Aux termes de l'article 1er du décret visé ci-dessus du 27 février 2006 relatif à la procédure d'agrément de sécurité civile : " L'agrément de sécurité civile peut être délivré aux associations susceptibles d'apporter leur concours aux opérations de secours ou de soutien aux populations qui disposent des moyens et des compétences permettant aux pouvoirs publics de les intégrer dans les dispositifs et actions mentionnés aux articles 36, 37 et 40 de la loi du 13 août 2004 susvisée. ". L'article 6 de ce décret prévoit que, lorsque l'agrément excède les limites d'un département, il est délivré par le ministre de l'intérieur, le cas échéant après avis des ministres intéressés. Aux termes de l'article 7 de ce décret : " Les associations disposant de délégations ou d'associations locales fédérées, ayant une activité régulière dans au moins vingt départements, ainsi qu'une équipe nationale permanente de responsables opérationnels, peuvent obtenir un agrément national (...) ". L'article 9 de ce décret prévoit que l'agrément " est délivré pour une durée maximale de trois ans ", et l'article 11 de ce décret prévoit que " L'agrément est retiré lorsque l'association ne se conforme pas à ses obligations ou ne remplit plus les conditions qui ont permis son agrément. La décision de retrait, prise après que l'association a été invitée à présenter ses observations, est publiée dans les mêmes conditions que la décision d'agrément.(...) ".
4. Il ressort du jugement mentionné au point 1 du 17 décembre 2012 que les arrêtés portant retrait d'agrément de l'AFPS au niveau national ont été annulés aux motifs, d'une part, qu'ils étaient insuffisamment motivés et, d'autre part, qu'ils n'avaient pas été précédés d'une procédure contradictoire. Ces illégalités fautives sont susceptibles d'engager la responsabilité de l'administration à la condition qu'elles présentent un lien de causalité direct et certain avec le préjudice dont il est demandé réparation.
5. L'AFPS soutient que les arrêtés de retrait étaient également " mal fondés ", car entachés d'une erreur d'appréciation. Il résulte cependant de l'instruction que pour prendre les arrêtés litigieux l'administration s'est fondée sur le rapport d'une mission d'inspection conjointe réalisée par l'Inspection générale de l'administration et l''inspection de la défense et de la sécurité civiles, en vertu des articles 41 et 42 de la loi du 13 août 2004, révélant de graves irrégularités dans le fonctionnement interne de l'AFPS, tant au plan de la gestion administrative et du contrôle que de la gestion budgétaire. Le rapport de mission concluait ainsi à de graves lacunes juridiques, à un déficit démocratique, en particulier en ce qui concerne les modalités de participation des associations départementales affiliées au fonctionnement et au contrôle de l'association, à une dérive mercantile et à un usage abusif des moyens et prérogatives de l'association.
6. Si l'AFPS formule plusieurs critiques à l'encontre de ce rapport d'inspection, ces critiques ont été réfutées par les premiers juges aux points 6 et 7 de leur jugement. L'AFPS, n'apporte aucun élément nouveau en appel susceptible de remettre en cause le bien fondé du jugement sur ce point. Dans ces conditions, elle n'est pas fondée à soutenir que les décisions litigieuses seraient injustifiées car entachées d'erreur d'appréciation.
7. Enfin si l'association requérante soutient pour la première fois en appel que les arrêtés de retrait d'agrément sont entachés d'erreur de droit dans la mesure où la réglementation applicable ne prévoit pas ce type de procédure pour les associations nationales agréées pour la formation aux premiers secours, l'article 2 de la décision d'octroi d'agrément prévoyait bien que l'agrément pouvait être retiré en cas de non-respect des dispositions de l'arrêté du 8 juillet 1992 visé ci-dessus, cet article 2 ne faisant d'ailleurs que rappeler le régime de droit commun de l'abrogation des décisions administratives.
En ce qui concerne le lien de causalité entre les fautes commises et le préjudice réclamé :
8. En l'espèce, alors qu' il résulte de ce qui a été dit aux points 5 à 7 que les décisions de retrait du 1er août 2011 auraient légalement pu être prises dans le cadre d'une procédure régulière et si elles avaient été suffisamment motivées, l'association requérante ne justifie pas de préjudices en lien direct et certain avec les illégalités fautives relevées au point 4, résultant de l'absence de motivation des décisions de retrait et de la méconnaissance du principe du contradictoire.
9. Il résulte de tout ce qui précède que l'AFPS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de l'Association française des premiers secours est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'Association française des premiers secours et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 22 octobre 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
- M. Niollet, président-assesseur,
- M. A..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 novembre 2019.
Le rapporteur,
D. PAGES
Le président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
Le greffier,
T. ROBERT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 18PA02435 2