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08/11/2019 | FRANCE | N°18PA00501

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 08 novembre 2019, 18PA00501


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Paris, par deux demandes distinctes, d'annuler les décisions du garde des sceaux, ministre de la justice des 7 février 2016 et 22 février 2016, en tant qu'elles ont rejeté sa demande d'indemnisation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité de l'arrêté du 12 janvier 2015 portant régularisation de sa situation indiciaire, ainsi que d'annuler la décision précitée du 22 février 2016, en tant qu'elle a rejeté sa demande d'abrogati

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Paris, par deux demandes distinctes, d'annuler les décisions du garde des sceaux, ministre de la justice des 7 février 2016 et 22 février 2016, en tant qu'elles ont rejeté sa demande d'indemnisation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité de l'arrêté du 12 janvier 2015 portant régularisation de sa situation indiciaire, ainsi que d'annuler la décision précitée du 22 février 2016, en tant qu'elle a rejeté sa demande d'abrogation de l'arrêté du 12 janvier 2015 en tant que celui-ci n'a pas tenu compte de sa progression indiciaire pendant sa période de détachement.

Par un jugement nos 1606308-1606355/5-2 du 14 décembre 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 12 février 2018, le 29 juillet 2018 et le 12 avril 2019, M. C..., représenté par Me E..., demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision implicite de rejet du 7 février 2016 ainsi que la décision du

22 février 2016, en tant qu'elles portent rejet de sa demande indemnitaire ;

3°) d'annuler la décision du 22 février 2016 en tant qu'elle rejette sa demande d'abrogation de l'arrêté du 12 janvier 2015 en tant que celui-ci n'a pas tenu compte de sa progression indiciaire pendant sa période de détachement ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 83 750 euros, à parfaire, assortie des intérêts de droit à compter du 7 décembre 2015 et de la capitalisation des intérêts à chaque échéance annuelle à compter du 7 décembre 2016 ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 040 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement n'est pas suffisamment motivé, d'une part en ce qu'il n'explicite pas en quoi la nomination dans un emploi classé hors échelle ferait obstacle à la prise en compte, à la date de la réintégration, de la progression indiciaire acquise pendant la période de détachement, d'autre part, en ce qu'il n'explicite pas en quoi la décision du Conseil constitutionnel du 28 juillet 2016 aurait été inutilement invoquée, et enfin, dans la mesure où il ne se prononce pas sur la responsabilité sans faute de l'administration qui était pourtant invoquée ;

- il aurait dû bénéficier, lors de sa réintégration, d'un reclassement indiciaire tenant compte de l'échelon qu'il avait atteint au terme de sa période de détachement, en vertu de l'article 45 de la loi du 11 janvier 1984, dont le Conseil d'Etat a jugé qu'il s'appliquait aux magistrats judiciaires sous la seule réserve du respect de la procédure d'inscription au tableau d'avancement, laquelle n'est pas applicable aux emplois hors hiérarchie ;

- la circonstance que les emplois de détachement et de réintégration ne soient pas organisés en grades et en échelons d'ancienneté est sans incidence sur l'application de l'article 45 de la loi du 11 janvier 1984 ; au demeurant, il était détaché sur un emploi de directeur dont la progression indiciaire est strictement encadrée et qu'il aurait pu conserver ;

- le 1° bis du I de l'article 1er de l'ordonnance du 22 décembre 1958, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1090 du 8 août 2016, prévoit que les magistrats de l'inspection générale de la justice font partie intégrante du corps judiciaire selon une organisation hiérarchisée ; en outre, l'article 7 du décret n° 2017-898 du 9 mai 2017 prévoit un mécanisme de conservation d'indice de rémunération ;

- le refus d'application de l'article 45 précité à sa situation méconnaît le principe d'égalité et le prive d'une garantie statutaire ; notamment, le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2016-732 DC, a rappelé que le principe d'égalité dans le déroulement de la carrière s'applique à tous les magistrats ; en outre, une différence de traitement selon que le magistrat est réintégré dans un grade ou dans un emploi fonctionnel est disproportionnée et va à l'encontre de l'exigence de mobilité prévue à l'article 76-4 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 ;

- l'illégalité de l'arrêté du 12 janvier 2015 constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'administration ;

- en tout état de cause, la responsabilité sans faute de l'administration est engagée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 mars 2019, la garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête ;

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 85-986 du 16 septembre 1985 ;

- l'arrêté interministériel du 29 août 1957 relatif aux emplois supérieurs de l'Etat classés hors-échelles ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public,

- et les observations de Me E..., en présence de M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., magistrat judiciaire du premier grade, a été placé, par décret du

23 janvier 2008 du président de la République, en position de détachement auprès du Premier ministre en vue d'exercer les fonctions de président de la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT), à effet du 29 août 2007. Par décret du

9 novembre 2010, M. C... a été maintenu en détachement à compter du 29 août 2010. Par arrêté du 24 mai 2011 du Premier ministre, M. C... a été promu au premier chevron du groupe hors échelle lettre E (E1 - indice majoré 1270) à effet du 30 août 2011. Par arrêté du

14 mai 2012 du garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, l'intéressé a été réintégré à compter du 3 mai 2012 dans son corps d'origine, à la suite de sa nomination, par décret du

3 mai 2012 du président de la République, dans l'emploi d'inspecteur général adjoint des services judiciaires, et reclassé dans le statut de magistrat hors hiérarchie, au premier chevron de l'échelon C (C1 - indice majoré 1115). Par jugement du 11 décembre 2014, devenu définitif, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté précité du 14 mai 2012, en tant qu'il procède au reclassement de M. C... au premier chevron du groupe hors échelle lettre C, et a enjoint le réexamen de la situation indiciaire de l'intéressé. Par un arrêté du 12 janvier 2015, le garde des sceaux, ministre de la justice, a reclassé M. C... au troisième chevron du groupe hors échelle lettre C (C3 - indice majoré 1164), à effet du 3 mai 2012. Estimant devoir bénéficier de la progression indiciaire qui avait été la sienne dans ses fonctions de président de la MILDT, M. C... a demandé au garde des sceaux, ministre de la justice, par deux lettres reçues par cette autorité les 7 et 23 décembre 2015, d'une part, de l'indemniser, à hauteur de 50 612 euros, des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité du reclassement du 12 janvier 2015 et, d'autre part, d'abroger l'arrêté du 12 janvier 2015 en tant que celui-ci n'a pas tenu compte de sa progression indiciaire pendant sa période de détachement. Par une décision implicite du 7 février 2016 et une décision expresse du 22 février 2016, le garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté la demande indemnitaire de M. C..., cette dernière décision rejetant également la demande d'abrogation. M. C... relève appel du jugement du 14 décembre 2017 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 50 304 euros en réparation des préjudices susévoqués ainsi qu'à l'abrogation de l'arrêté du 12 janvier 2015.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, M. C... invoque l'insuffisance de motivation du jugement attaqué dès lors que les premiers juges n'auraient pas explicité en quoi, d'une part, la nomination dans un emploi classé hors échelle ferait obstacle à la prise en compte, au moment de la réintégration du magistrat, de la progression indiciaire acquise pendant la période de détachement, d'autre part, en quoi le fait que les emplois supérieurs de l'Etat classés hors échelle ne sont pas organisés en grade et en échelons ferait obstacle au bénéfice d'une garantie posée par la loi et, enfin, en quoi la " nature même " de ces emplois ne permettrait pas d'appliquer une obligation statutaire. Toutefois, les moyen et arguments susévoqués, auxquels les premiers juges ont répondu, fût-ce partiellement, au point 5 de leur jugement, relèvent en tout état de cause du bien-fondé de celui-ci et non de sa régularité.

3. En deuxième lieu, en énonçant que la décision n° 2016-732 DC du Conseil constitutionnel du 28 juillet 2016 était " sans influence sur la légalité de la décision attaquée ", les premiers juges ont entendu signifier que le moyen tiré du principe d'égalité dans le déroulement de la carrière des magistrats, énoncé au point 36 de cette décision du Conseil constitutionnel, était inopérant. Par suite, le jugement attaqué est suffisamment motivé en réponse au moyen, alors même que les premiers juges n'ont pas exposé les motifs les ayant conduits à cette appréciation.

4. En troisième lieu, M. C... avait invoqué devant le Tribunal administratif de Paris le moyen tiré de la responsabilité sans faute de l'administration. Or, les premiers juges n'ont pas répondu à ce moyen. Par suite, ils n'ont pu se prononcer sur les conclusions indemnitaires de M. C... sans entacher leur jugement d'irrégularité. Dès lors, le jugement attaqué doit être annulé dans cette mesure.

5. Il y a lieu, pour la Cour, de se prononcer sur les conclusions indemnitaires de M. C... par la voie de l'évocation et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur le surplus des conclusions de la requête.

En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :

Sur la responsabilité pour faute de l'Etat :

6. M. C... soutient que l'arrêté du 12 janvier 2015 par lequel le garde des sceaux, ministre de la justice, l'a reclassé au troisième chevron du groupe hors échelle lettre C, à effet du 3 mai 2012, est entaché d'illégalité fautive en tant qu'il ne tient pas compte de sa progression indiciaire pendant sa période de détachement.

7. Aux termes de l'article 68 de l'Ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature : " Les dispositions du statut général des fonctionnaires concernant les positions ci-dessus énumérées s'appliquent aux magistrats dans la mesure où elles ne sont pas contraires aux règles statutaires du corps judiciaire et sous réserve des dérogations ci-après ". Aux termes de l'article 45 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans sa rédaction applicable : " Le détachement est la position du fonctionnaire placé hors de son corps d'origine mais continuant à bénéficier, dans ce corps, de ses droits à l'avancement et à la retraite (...) A l'expiration de son détachement, le fonctionnaire est, sauf intégration dans le corps ou cadre d'emplois de détachement, réintégré dans son corps d'origine. Il est tenu compte, lors de sa réintégration, du grade et de l'échelon qu'il a atteint ou auxquels il peut prétendre à la suite de la réussite à un concours ou à un examen professionnel ou de l'inscription sur un tableau d'avancement au titre de la promotion au choix dans le corps ou cadre d'emplois de détachement sous réserve qu'ils lui soient plus favorables ". Aux termes de l'article 26-2 du décret du

16 septembre 1985 relatif au régime particulier de certaines positions des fonctionnaires de l'Etat, à la mise à disposition, à l'intégration et à la cessation définitive de fonctions : " Sous réserve qu'elle lui soit plus favorable, la réintégration dans son corps d'origine du fonctionnaire détaché dans un corps ou cadre d'emplois en application des 1° et 2° de l'article 14 est prononcée à équivalence de grade et à l'échelon comportant un indice égal ou, à défaut, immédiatement supérieur à celui qu'il détenait dans son grade de détachement. Lorsque le corps d'origine ne dispose pas d'un grade équivalent à celui détenu dans le corps ou cadre d'emplois de détachement, il est classé dans le grade dont l'indice sommital est le plus proche de l'indice sommital du grade de détachement et à l'échelon comportant un indice égal ou, à défaut, immédiatement supérieur à celui qu'il détenait dans son grade de détachement ". Enfin, l'article 3 de l'arrêté interministériel du 29 août 1957 relatif aux emplois supérieurs de l'Etat classés hors-échelles dispose : " En cas de promotion à un grade ou emploi relevant du groupe immédiatement supérieur à celui dans lequel il se trouvait précédemment classé, le fonctionnaire civil, le militaire ou le magistrat accède directement au traitement afférent au deuxième chevron de son nouveau groupe si, antérieurement à cette promotion, il bénéficiait du traitement correspondant au chevron supérieur de son groupe. / Si la nomination est prononcée à un grade ou un emploi relevant d'un groupe inférieur, elle ouvre droit à la rémunération afférente au chevron supérieur dudit groupe ".

8. En premier lieu, M. C... soutient que l'arrêté du 12 janvier 2015 méconnaît les dispositions combinées de l'article 68 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature et de l'article 45 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans sa rédaction issue de la loi du 3 août 2009 relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique. Toutefois, si les dispositions de l'ordonnance du 22 décembre 1958 ne font pas obstacle à ce que, en application de l'article 45 de la loi du 11 janvier 1984, les magistrats détachés qui réintègrent le corps judiciaire bénéficient d'un reclassement indiciaire tenant compte, lorsque cela leur est favorable, de l'échelon qu'ils ont atteint dans le corps ou cadre d'emplois de détachement, elles ne sauraient toutefois être applicables aux magistrats placés hors hiérarchie, qui sont nommés sur des emplois fonctionnels, alors même qu'ils ne relèvent pas de la procédure d'inscription au tableau d'avancement, dans la mesure où elles pourraient avoir pour effet, à l'issue d'une période de détachement, de les faire bénéficier d'un indice de reclassement correspondant au groupe hors-échelles de l'emploi qu'ils occupaient pendant cette période alors que l'emploi sur lequel ils ont été reclassés relève d'un groupe hors-échelles inférieur. Ainsi qu'il a été dit au point 1, lors de sa période de détachement, M. C... avait atteint le premier chevron du groupe hors échelle lettre E, lequel correspondait à son emploi de directeur. Toutefois, son reclassement, à effet du 3 mai 2012, sur un emploi d'inspecteur général adjoint des services judiciaires relevant, en vertu de l'annexe I de l'article 1er de l'arrêté du 25 avril 2002 fixant l'échelonnement indiciaire des magistrats de l'ordre judiciaire, alors en vigueur, du groupe hors échelle lettre C à échelon unique, soit un groupe hors-échelles inférieur à celui dont il relevait lors de son détachement, ne pouvait lui permettre, compte tenu de ce qui précède, de bénéficier d'un reclassement indiciaire tenant compte de l'échelon ainsi atteint dans le corps de détachement. Par suite, en reclassant M. C... au troisième chevron du groupe hors échelles lettre C, sur le fondement des dispositions de l'article 3 de l'arrêté interministériel du 29 août 1957 relatif aux emplois supérieurs de l'Etat classés hors-échelles, le garde des sceaux, ministre de la justice n'a commis aucune erreur de droit. Il s'ensuit que le moyen doit être écarté.

9. En second lieu, M. C... soutient que l'arrêté du 12 janvier 2015 méconnaît le principe d'égalité, lequel ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un comme l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier. A cet égard, M. C... fait valoir que la différence de traitement entre les magistrats, selon qu'ils sont réintégrés dans un emploi fonctionnel ou dans un grade, n'est ni justifiée au regard de la spécificité des emplois fonctionnels ni conforme à l'exigence de mobilité rappelée à l'article 76-4 de l'ordonnance du 22 décembre 1958, dès lors notamment que l'absence de prise en compte de la progression indiciaire des magistrats réintégrés sur un emploi fonctionnel risque d'avoir pour conséquence une moindre évolution de leur indice de rémunération que si ceux-ci étaient restés en permanence dans le corps judiciaire. Il invoque en outre la décision n° 2016-732-DC du Conseil constitutionnel du 28 juillet 2016, laquelle rappelle l'existence du principe d'égalité de traitement des magistrats dans le déroulement de leur carrière, qui découle de l'article 6 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Toutefois, la circonstance que l'article 45 de la loi du 11 janvier 1984 ne puisse s'appliquer à un magistrat réintégré sur un emploi relevant d'un groupe hors-échelles moins élévé que celui sur lequel il était détaché doit être regardée comme se trouvant en rapport direct avec la particularité des emplois fonctionnels occupés par les magistrats placés hors hiérarchie, qui ne sauraient s'apparenter à un grade pourvu d'échelons d'ancienneté et dont les conditions d'exercice diffèrent de celles des emplois occupés par les autres magistrats. En outre, cette différence de traitement, qui n'est pas disproportionnée au regard de la différence de situation susévoquée et qui n'en est pas une conséquence automatique, est par elle-même sans incidence sur l'exigence de mobilité statutaire prévue à l'article 76-4 précité pour permettre aux magistrats d'accéder aux emplois placés hors hiérarchie. Par suite, le principe d'égalité de traitement des magistrats dans le déroulement de leur carrière ne saurait avoir été méconnu.

10. Enfin, M. C... invoque également l'article 72-2 de l'ordonnance du

22 décembre 1958, créé par l'article 25 de la loi organique n° 2016-1090 du 8 août 2016 relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu'au Conseil supérieur de la magistrature, aux termes duquel : " Il est tenu compte, lors de la réintégration du magistrat dans le grade qu'il occupe au sein du corps judiciaire, de l'échelon qu'il a atteint dans le corps ou cadre d'emplois de détachement, sous réserve qu'il lui soit plus favorable. Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application du présent article ". Il invoque en outre l'article 7 du décret n°2017-898 du 9 mai 2017 relatif au collège de déontologie des magistrats de l'ordre judiciaire et au statut et à la formation des candidats à l'intégration directe dans le corps judiciaire, lequel rétablit l'article 16 du décret n° 93-21 du 7 janvier 1993 modifié pris pour l'application de l'ordonnance du 22 décembre 1958 modifiée portant loi organique relative au statut de la magistrature, aux termes duquel " Accèdent à l'échelon spécial de l'emploi d'inspecteur général de la justice les magistrats ayant atteint, dans leur précédent emploi, l'indice correspondant à la hors-échelle E ", ainsi que le tableau figurant au I de l'article 1er du décret n° 2017-1301 du 24 août 2017 modifiant le décret n° 2017-661 du 27 avril 2017 fixant l'échelonnement indiciaire des magistrats de l'ordre judiciaire, faisant apparaître que l'emploi d'inspecteur général de la justice comporte désormais trois échelons. Toutefois, l'ensemble de ces textes, dont l'entrée en vigueur est postérieure au 3 mai 2012, date d'effet du reclassement de M. C..., sont, en conséquence, sans incidence sur la légalité de l'arrêté du 12 janvier 2015.

11. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que l'arrêté du 12 janvier 2015 par lequel le garde des sceaux, ministre de la justice, a reclassé M. C... au troisième chevron du groupe hors échelle lettre C, à effet du 3 mai 2012, n'est entaché d'aucune illégalité fautive. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la responsabilité du garde des sceaux, ministre de la justice serait engagée pour faute et, en conséquence, à demander l'annulation de la décision de cette autorité du 22 février 2016, qui s'est substituée à la décision implicite de rejet du

7 février 2016, en tant qu'elle a rejeté ses prétentions indemnitaires.

Sur la responsabilité sans faute de l'Etat :

12. M. C... invoque, à titre subsidiaire, à supposer que l'arrêté du 12 janvier 2015 ne soit pas illégal, la responsabilité sans faute de l'Etat à raison du préjudice anormal et spécial qu'il aurait subi du fait du reclassement indiciaire mis en oeuvre par cet arrêté. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que la situation d'absence de prise en compte de l'indice de rémunération atteint lors de la période de détachement, s'agissant d'un magistrat réintégré sur un emploi relevant d'un groupe hors-échelles moins élévé que celui sur lequel il était détaché, revête un caractère anormal de nature à permettre l'engagement de la responsabilité sans faute de l'Etat.

13. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les conclusions indemnitaires de M. C... doivent être rejetées, que ce soit sur le fondement de la responsabilité pour faute ou sans faute.

En ce qui concerne les conclusions à fin d'abrogation de l'arrêté du 12 janvier 2015 :

14. Ainsi qu'il a été dit au point 11, l'arrêté du 12 janvier 2015 portant reclassement indiciaire de M. C... à compter du 3 mai 2012 n'est entaché d'aucune illégalité. Par suite, M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du garde des sceaux, ministre de la justice du 22 février 2016, en tant qu'elle a rejeté sa demande d'abrogation de l'arrêté du 12 janvier 2015 en tant que celui-ci n'a pas tenu compte de sa progression indiciaire pendant sa période de détachement.

15. Il résulte de qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du garde des sceaux, ministre de la justice du 22 février 2016, en tant qu'elle a rejeté sa demande d'abrogation de l'arrêté du 12 janvier 2015 en tant que celui-ci n'a pas tenu compte de sa progression indiciaire pendant sa période de détachement.

Sur les frais liés au litige :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que M. C... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement nos 1606308-1606355/5-2 du Tribunal administratif de Paris du 14 décembre 2017 est annulé en tant qu'il statue sur la demande n° 1606308/5-2 de M. C....

Article 2 : La demande n° 1606308/5-2 de M. C... présentée devant le Tribunal administratif de Paris est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et à la garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 21 octobre 2019 à laquelle siégeaient :

- Mme A..., président de chambre,

- M. B..., premier conseiller,

- Mme Mach, premier conseiller.

Lu en audience publique le 8 novembre 2019.

Le rapporteur,

P. B...

Le président,

M. A... Le greffier,

S. GASPAR

La République mande et ordonne à la garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui la concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18PA00501


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA00501
Date de la décision : 08/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Positions - Détachement et mise hors cadre - Détachement - Réintégration.

Juridictions administratives et judiciaires - Magistrats et auxiliaires de la justice - Magistrats de l'ordre judiciaire - Avancement.


Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: M. Pascal MANTZ
Rapporteur public ?: M. BARONNET
Avocat(s) : MAZETIER

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-11-08;18pa00501 ?
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