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06/11/2019 | FRANCE | N°18PA03875

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 06 novembre 2019, 18PA03875


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... B... ont demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des amendes qui leur ont été infligées sur le fondement du IV de l'article 1736 du code général des impôts au titre des années 2011 et 2012.

Par un jugement n° 1714646/1-2 du 16 octobre 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 11 décembre 2018, M. et Mme B..., représentés par Me E... (D... et Associés), d

emandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 16 octobre 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... B... ont demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des amendes qui leur ont été infligées sur le fondement du IV de l'article 1736 du code général des impôts au titre des années 2011 et 2012.

Par un jugement n° 1714646/1-2 du 16 octobre 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 11 décembre 2018, M. et Mme B..., représentés par Me E... (D... et Associés), demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 16 octobre 2018 ;

2°) de prononcer la décharge des amendes litigieuses ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- ils ont fait l'objet d'un cumul d'amendes contraire à l'article 50 de la charte des droits fondamentaux ;

- la déclaration de constitution du trust incombe à l'administrateur et dès lors l'amende mise à leur charge est contraire au principe de personnalité des peines garanti par l'article 6.2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'amende litigieuse est contraire au principe de proportionnalité garanti par les articles 6 et 8 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

- la différence entre les deux amendes n'est pas justifiée.

Par un mémoire en défense enregistré le 1er mars 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par M. et Mme B... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 8 avril 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au

23 avril 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- et les conclusions de Mme Jimenez, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. L'administration fiscale a procédé à un examen de la situation fiscale personnelle de M. et Mme B... à l'issue duquel ils ont été assujettis, au titre des années 2011 et 2012, à l'amende prévue au IV bis de l'article 1736 du code général des impôts, en raison de la constitution d'un trust non déclaré à Gibraltar, pour un montant de 10 000 euros par année. Ils relèvent appel du jugement n° 1714646/1-2 du 16 octobre 2018 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande en décharge de ces amendes.

2. Aux termes du IV bis de l'article 1736 du code général des impôts : " Les infractions à l'article 1649 AB sont passibles d'une amende de 10 000 euros ou, s'il est plus élevé, d'un montant égal à 5 % des biens ou droits placés dans le trust ainsi que des produits qui y sont capitalisés ". Aux termes de l'article 1649 AB du même code : " L'administrateur d'un trust défini à l'article 792-0 bis dont le constituant ou l'un au moins des bénéficiaires a son domicile fiscal en France ou qui comprend un bien ou un droit qui y est situé est tenu d'en déclarer la constitution, la modification ou l'extinction, ainsi que le contenu de ses termes. Il déclare également la valeur vénale au 1er janvier de l'année des biens, droits et produits mentionnés aux 1° et 2° du III de l'article 990 J. Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret ". Aux termes de l'article 990 J du même code : " I. Les personnes physiques constituants ou bénéficiaires d'un trust défini à l'article 792-0 bis sont soumises à un prélèvement fixé au tarif le plus élevé mentionné au 1 du I de l'article 885 U. (...) ". Aux termes du 8. du V de l'article 1754 du même code : " Le constituant et les bénéficiaires soumis au prélèvement de l'article 990 J sont solidairement responsables avec l'administrateur du trust du paiement de l'amende prévue au IV bis de l'article 1736 ".

3. En premier lieu, M. et Mme B... soutiennent que, dès lors que leur ont été infligées les amendes prévues aux articles IV et IV bis de l'article 1736 du code général des impôts, ils ont fait l'objet d'un " cumul de peines ". Toutefois, il résulte de l'instruction que, si l'amende prévue au IV de l'article 1736 du code général des impôts vise à sanctionner le défaut de déclaration d'un compte bancaire, l'amende litigieuse vise à sanctionner l'absence de déclaration de la constitution d'un trust. Dans ces conditions, M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir qu'ils ont fait l'objet d'un " cumul de peines " contraire à l'article 50 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne aux termes duquel : " (...) Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné dans l'Union européenne par un jugement pénal définitif conformément à la loi ".

4. En deuxième lieu, et alors même que la déclaration de constitution du trust incombe à son administrateur, les époux B..., qui sont les " constituants " et " bénéficiaires " du trust non déclaré, et qui sont à ce titre soumis au prélèvement de l'article 990 J du code général des impôts, ne sauraient en tout état de cause valablement soutenir que c'est en méconnaissance du principe de personnalité des peines garanti par l'article 6.2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qu'ils ont été soumis à l'amende litigieuse en application des dispositions précitées du 8. du V de l'article 1754 du code général des impôts.

5. Enfin, par une décision n° 2016/618 QPC du 16 mars 2017, le Conseil constitutionnel a estimé que l'amende forfaitaire prévue par le IV bis de l'article 1736 du code général des impôts, " même en cas de cumul, n'est pas manifestement disproportionnée à la gravité des faits qu'a entendu réprimer le législateur, compte tenu des difficultés propres à l'identification de la détention d'avoirs, en France ou à l'étranger, par le truchement d'un trust ". Dans ces conditions, les requérants, qui ne présentent d'ailleurs par mémoire distinct aucune demande de transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité, ne sauraient valablement soutenir que l'amende litigieuse serait contraire au principe de proportionnalité garanti par

les articles 6 et 8 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, ou d'un montant exagéré au regard de celui de l'amende prévue à l'article IV de l'article 1736 du code général des impôts qui vise à sanctionner le défaut de déclaration d'un compte bancaire.

6. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande en décharge des amendes litigieuses. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que les requérants demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... B... et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée au chef des services fiscaux chargé de la direction de contrôle fiscal d'Ile-de-France.

Délibéré après l'audience du 16 octobre 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme Appèche, président assesseur,

- M. C..., premier conseiller,

Lu en audience publique du 6 novembre 2019.

Le rapporteur,

F. C...Le président,

I. BROTONS

Le greffier,

S. DALL'AVA

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

7

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N° 18PA03875


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA03875
Date de la décision : 06/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : SELARL ZAMOUR ET ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-11-06;18pa03875 ?
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