La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/11/2019 | FRANCE | N°18PA02628

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 06 novembre 2019, 18PA02628


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Self Media a demandé au Tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2010, des suppléments de cotisations sur la valeur ajoutée des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010 à 2012 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge, au titre de la période allant

du 1er janvier 2010 au 31 déce

mbre 2012.

Par un jugement n° 1508928/10 du 22 juin 2018, le Tribunal administratif de Mel...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Self Media a demandé au Tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2010, des suppléments de cotisations sur la valeur ajoutée des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010 à 2012 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge, au titre de la période allant

du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012.

Par un jugement n° 1508928/10 du 22 juin 2018, le Tribunal administratif de Melun a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 31 juillet 2018, la société Self Media, représentée par

Me A... B... demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Melun du 22 juin 2018 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée, d'impôt sur les sociétés, de taxe de participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue, de taxe d'apprentissage et de contribution au développement de l'apprentissage au titre de la période allant du 1er mars 2009 au 30 juin 2011, de contribution sur la valeur ajoutée des entreprises au titre de la période allant du 1er janvier 2010 au 30 juin 2011 et de contribution sur les ventes de produits alimentaires à consommer sur place/à emporter au titre de la période allant du 1er juillet 2010 au 30 juin 2011, ainsi que des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens et une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les managements fees qu'elle a comptabilisés sont déductibles, d'une part, à hauteur de l'ensemble des prestations rendues par Mme C..., dès lors qu'elle n'était pas dirigeant, et d'autre part, à hauteur des prestations rendues par M. C... distinctes de ses fonctions de dirigeant ;

- la taxe sur la valeur ajoutée correspondante est déductible ;

- les rehaussements proposés par le service en matière de base d'imposition à l'impôt sur les sociétés et pris en compte dans la base d'imposition à la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises sont largement infondés et ne sauraient avoir d'incidence sur cette dernière base, qui résulte exclusivement des enregistrements comptables ;

- la doctrine administrative BOI-CVAE-BASE-20 à jour au 21 février 2013 est invocable.

Par un mémoire en défense enregistré le 21 novembre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par la société Self Media ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 2 janvier 2019, la clôture de l'instruction a été fixée

au 17 janvier 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D...,

- et les conclusions de Mme Jimenez, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société Self Media relève appel du jugement du 22 juin 2018 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre de l'année 2010, des suppléments de cotisations sur la valeur ajoutée des entreprises au titre des années 2010 à 2012 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période allant du 1er janvier 2010 au

31 décembre 2012 qui lui ont été assignés à la suite d'une vérification de sa comptabilité.

Sur l'impôt sur les sociétés :

2. Aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts dont les dispositions sont applicables à l'impôt sur les sociétés en vertu du I de l'article 209 de ce même code : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature (...). / Toutefois les rémunérations ne sont admises en déduction des résultats que dans la mesure où elles correspondent à un travail effectif et ne sont pas excessives eu égard à l'importance du service rendu. Cette disposition s'applique à toutes les rémunérations directes ou indirectes, y compris les indemnités, allocations, avantages en nature et remboursements de frais. ". En vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Pour être admises en déduction du résultat imposable, les charges doivent être exposées dans l'intérêt direct de l'exploitation ou se rattacher à la gestion normale de l'entreprise et être appuyées de justifications suffisantes. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée.

3. Il résulte de l'instruction que la société Self Media a comptabilisé au titre des trois années en litige des charges correspondant à des prestations réalisées par la société Finacel, sa société mère et son unique actionnaire, et se rattachant à une convention d'assistance conclue entre les deux sociétés le 27 janvier 2010, à effet au 1er janvier 2010, prévoyant que la société Finacel effectuerait des prestations de direction générale, d'animation commerciale et de direction comptable qui seraient rémunérées au prorata du chiffre d'affaires hors taxes de la société Self Media par rapport au chiffre d'affaires hors taxes de l'ensemble des sociétés du groupe. L'administration fiscale a remis en cause la déductibilité de la seule partie de ces charges correspondant à ce qu'elle estime se rapporter à des prestations de direction d'entreprise, au motif que, alors qu'elle avait décidé de ne pas rémunérer son dirigeant, la société requérante ne pouvait déduire des frais correspondant à la refacturation par la société Finacel de telles prestations.

4. La société Self Media n'a pas rémunéré son président, M. C..., au cours des trois années en litige. Elle a ainsi pris une décision de gestion qui lui est opposable et qui faisait en tout état de cause obstacle à ce qu'elle puisse déduire de son résultat les charges correspondant aux sommes payées à sa société mère pour des prestations de direction. Si la société soutient, d'une part, que l'ensemble des prestations facturées n'étaient pas seulement réalisées par M. C..., son dirigeant, mais également par Mme C... qui n'est pas dirigeante de la société Self Media, et d'autre part, que sur l'ensemble des heures facturées au titre des prestations réalisées par M. C..., il convient d'admettre en déduction les sommes correspondant à des prestations autres que des prestations de direction, la seule production de tableaux qui recensent les prestations réalisées pour chacune des trois années en cause par M. et Mme C..., en les distinguant selon qu'il s'agisse de missions administratives, financières, commerciales, techniques ou d'autres missions, et le nombre de jour par mois correspondant, mais qui ne sont accompagnés d'aucune des factures émises par la société Finacel ni de toute pièce justificative suffisamment précise sur la nature des prestations effectivement réalisées, ne saurait suffire à établir, ni que les prestations de Mme C... se distinguent de celles incombant à M. C... en sa qualité de président de la société Self Media, ni que M. C... réalisait en sa qualité de salarié de la société Finacel des prestations de nature technique se distinguant des fonctions de direction pour lesquelles il n'était pas rémunéré.

Sur la taxe sur la valeur ajoutée :

5. Aux termes des dispositions de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération ".

6. Ainsi qu'il a été dit au point 4., il ne résulte pas de l'instruction que les sommes versées par la société Self Media à la société Finacel au titre des prestations réalisées par

M. C... et dont la déduction a été remise en cause par l'administration avaient une contrepartie distincte de l'activité de direction non rémunérée déployée par l'intéressé en tant que directeur de la société Self Media. Ainsi lesdites sommes ne correspondent à aucune prestation de service fournie par la société Finacel et dont la société requérante aurait bénéficié. Par suite, la société Self Media n'est pas fondée à soutenir qu'elle était en droit de déduire la taxe sur la valeur ajoutée correspondant aux sommes facturées.

Sur la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises :

7. Aux termes de l'article 1586 ter du code général des impôts : " I. - Les personnes physiques ou morales ainsi que les sociétés non dotées de la personnalité morale et les fiduciaires pour leur activité exercée en vertu d'un contrat de fiducie qui exercent une activité dans les conditions fixées aux articles 1447 et 1447 bis et dont le chiffre d'affaires est supérieur à 152 500 euros sont soumises à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. / II. - 1. La cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises est égale à une fraction de la valeur ajoutée produite par l'entreprise, telle que définie à l'article 1586 sexies. ". Aux termes de l'article 1586 sexies du même code : " I. - Pour la généralité des entreprises, à l'exception des entreprises visées aux II à VI : (...) 4. La valeur ajoutée est égale à la différence entre :

/ a) D'une part, le chiffre d'affaires tel qu'il est défini au 1, majoré (...) b) Et, d'autre part : (...) - les achats stockés de matières premières et autres approvisionnements, les achats d'études et prestations de services, les achats de matériel, équipements et travaux, les achats non stockés de matières et fournitures, les achats de marchandises et les frais accessoires d'achat ; - les services extérieurs diminués des rabais, remises et ristournes obtenus, à l'exception des loyers ou redevances afférents aux biens corporels pris en location ou en sous-location pour une durée de plus de six mois ou en crédit-bail ainsi que les redevances afférentes à ces biens lorsqu'elles résultent d'une convention de location-gérance ; (...) - les autres charges de gestion courante, autres que les quotes-parts de résultat sur opérations faites en commun ; (...) ".

8. La société Self Media fait valoir que les rehaussements proposés par le service en matière de base d'imposition à l'impôt sur les sociétés sont infondés et ne sauraient avoir une incidence sur la base d'imposition de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, cette base étant fondée sur des enregistrements comptables. Toutefois, la circonstance que le calcul de la valeur ajoutée produite par l'entreprise s'effectue par référence aux normes comptables en vigueur lors de l'année d'imposition concernée et aux éléments de la comptabilité de l'entreprise ne fait pas obstacle à ce que l'administration puisse contrôler l'exactitude des montants déclarés en charges d'exploitation, et ainsi remettre en cause, le cas échéant, le bien-fondé d'une écriture comptable et, en conséquence, exclure du calcul de la valeur ajoutée de l'entreprise des sommes qui ne pourraient être regardées comme de telles charges. Il résulte de l'instruction que l'administration s'est bornée, en l'espèce, à remettre en cause, à bon droit ainsi qu'il a été dit au point 4., la qualification de charges d'exploitation des redevances pour prestations de direction versées par la société requérante à la société Finacel au motif que ces versements n'avaient pas été effectués dans l'intérêt de l'exploitation de la société et qu'ils ne pouvaient être regardés comme des achats de prestations de services au sens des dispositions précitées de l'article 1586 sexies du code général des impôts. Par suite, la société requérante, qui ne peut utilement se prévaloir de la doctrine BOI-CVAE-BASE-20 du 21 février 2013, laquelle ne comporte aucune interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il est fait application, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration fiscale a réintégré les charges en cause pour déterminer sa valeur ajoutée au titre des années 2010 à 2012.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la société Self Media, qui ne soulève en tout état de cause aucun moyen distinct de ceux précédemment écartés à l'encontre des autres impositions dont elle demande la décharge, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Les dispositions de

l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la société requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En l'absence de dépens, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la société requérante tendant à leur remboursement.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Self Media est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Self Media et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée au chef des services fiscaux chargé de la direction de contrôle fiscal

d'Ile-de-France.

Délibéré après l'audience du 16 octobre 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme Appèche, président assesseur,

- M. D..., premier conseiller.

Lu en audience publique du 6 novembre 2019.

Le rapporteur,

F. D...Le président,

I. BROTONS

Le greffier,

S. DALL'AVA

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

7

2

N° 18PA02628


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA02628
Date de la décision : 06/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : WAN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-11-06;18pa02628 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award