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05/11/2019 | FRANCE | N°18PA00277

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 05 novembre 2019, 18PA00277


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le Groupement d'intérêt économique (GIE) U a demandé au Tribunal administratif de Melun de prononcer le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée au titre du mois de mai 2013 pour un montant de 6 721 968 euros, assorti des intérêts moratoires à compter de la demande de remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1503711-3 du 7 dé

cembre 2017, le Tribunal administratif de Melun a rejeté la demande.

Procédure de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le Groupement d'intérêt économique (GIE) U a demandé au Tribunal administratif de Melun de prononcer le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée au titre du mois de mai 2013 pour un montant de 6 721 968 euros, assorti des intérêts moratoires à compter de la demande de remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1503711-3 du 7 décembre 2017, le Tribunal administratif de Melun a rejeté la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 24 janvier 2018 et le 17 décembre 2018, le GIE U, représenté par la SELAFA CMS Francis Lefebvre, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 7 décembre 2017 ;

2°) de prononcer le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée au titre du mois de mai 2013 pour un montant de 6 721 968 euros, assorti des intérêts moratoires à compter de la demande de remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée, soit le 18 juin 2013 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les cotisations facturées par le GIE U aux centrales régionales au titre de l'activité d'aide au développement du réseau entrent bien dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée dès lors qu'elles sont la contrepartie, pour les centrales régionales et les points de vente, d'avantages liés à l'appartenance au réseau de distribution Système U ;

- il existe un lien direct entre, d'une part, les opérations de versement de cotisations obligatoires par les centrales régionales et leur réaffectation par le GIE U sous forme de budgets dits d'ouverture ou d'exploitation dédiés au développement, et d'autre part les contreparties que les parties peuvent tirer de leur appartenance au réseau Système U ;

- l'administration fiscale opère un découpage artificiel des opérations et des flux financiers existants entre le GIE U et les centrales régionales pour conclure que, pour chaque flux pris isolément, aucune contrepartie, c'est-à-dire aucune prestation de service, n'existe en face des cotisations versées ;

- le principe d'un service individualisé au profit des centrales régionales et du GIE est démontré ;

- lorsqu'un contrat porte sur le droit d'accéder à un service, l'importance de l'utilisation effective de ce service est indifférente ;

- l'administration fiscale n'est pas fondée à opposer l'absence de taxation à la taxe sur la valeur ajoutée des appels de fonds en 2007 et 2008 au regard de l'instabilité jurisprudentielle ;

- l'évocation d'un prétendu rôle de centrale de trésorerie est dépourvue de pertinence ;

- le libellé de " subvention d'exploitation " ou de " subvention d'ouverture " n'a aucune incidence sur le traitement de la taxe sur la valeur ajoutée à retenir au titre des cotisations en cause ;

- la doctrine administrative référencée BOI-TVA-CHAMP-30-10-30-30 n° 40 et n° 50 issue de l'instruction générale 3 CA 94 du 22 septembre 1994 prévoit que dès lors que des professionnels décident de confier le soin à un organisme de procéder à des activités (promotion, recherche, défense syndicale, etc.), en rapport avec leurs activités, celles-ci sont nécessairement situées dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 octobre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par le GIE U ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de Mme Stoltz-Valette, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant le Groupement d'intérêt économique U.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite d'une demande de remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 6 721 968 euros dont le GIE U s'estimait titulaire au titre du mois de mai 2013, celui-ci a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 octobre 2013. A l'issue de cette vérification de comptabilité, le service a rejeté la demande de remboursement de crédit de taxe sur la valeur ajoutée. Le GIE U relève appel du jugement n° 1503711-3 du 7 décembre 2017 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant au remboursement de ce crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 6 721 968 euros assorti des intérêts moratoires à compter de la demande de remboursement.

Sur l'application de la loi fiscale :

2. Aux termes du I de l'article 256 du code général des impôts, qui transpose l'article 2, paragraphe 1 sous a) de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée : " Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ". Il résulte de ces dispositions, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, que la base d'imposition d'une prestation de services est constituée par tout ce qui est reçu en contrepartie du service fourni et qu'une prestation de services n'est taxable que s'il existe un lien direct entre le service rendu et la contrepartie reçue. Une prestation n'est dès lors taxable que s'il existe entre le prestataire et le bénéficiaire un rapport juridique au cours duquel des prestations réciproques sont échangées, la rétribution perçue par le prestataire constituant la contre-valeur effective du service fourni au bénéficiaire.

3. Le GIE U, selon l'article 3 de ses statuts, a pour objet l'exploitation directe ou indirecte à titre d'enseigne des marques HYPER U, SUPER U, MARCHE U, la recherche et la définition d'une politique générale commune à tous les utilisateurs des enseignes dont il a la jouissance et la réglementation de l'utilisation des marques à titre d'enseigne. Sa gestion est assurée par la centrale nationale U, dans le cadre d'une convention de prestations de services. Selon le règlement intérieur adopté en vue de préciser les modalités de son financement, il facture des cotisations à l'ensemble de ses membres, notamment pour couvrir les frais et charges liés à l'exploitation des marques et la prise en charge de " la communication notoriété/image de SYSTEME U ". En revanche, selon l'article 3.2 de ce règlement, les cotisations destinées à couvrir les " frais liés au développement du réseau " sont facturées exclusivement aux " Centrales régionales associées ". Afin de financer les budgets de développement attribués aux " Associés U ", ces ressources sont ensuite réaffectées par le GIE U à chacune des centrales régionales suivant des modalités fixées chaque année par le conseil d'administration du GIE. Le GIE a soumis à la taxe sur la valeur ajoutée les sommes qu'il facture aux centrales régionales pour appeler les cotisations qui lui sont dues et celles-ci ont également soumis à cette taxe les sommes que le GIE leur reverse lorsqu'il réaffecte les cotisations ainsi prélevées.

4. Il résulte de l'instruction que, dans le cadre de la politique de développement du réseau que ces cotisations ont pour objet de financer, les points de vente faisant partie du GIE, auxquels les centrales régionales refacturent les cotisations réclamées par ce dernier, ont accès à des aides leur permettant de financer des investissements. En prélevant ces cotisations, le GIE, même s'il intervient dans l'allocation des aides aux points de vente et le contrôle de leur utilisation, ne peut être regardé comme fournissant aux centrales régionales une prestation de service, le versement des cotisations ayant uniquement pour contrepartie, au demeurant sans lien direct avec la prestation, la possibilité pour celles-ci de bénéficier d'une réaffectation d'une fraction du produit des cotisations en vue du financement des aides des points de vente. La circonstance que le GIE, dans le cadre des autres actions qu'il mène, fournit des prestations de service dont la soumission à la taxe sur la valeur ajoutée n'a pas été remise en cause, ne peut utilement être invoquée pour justifier la soumission à la taxe sur la valeur ajoutée des opérations à l'origine du litige, chacune devant être appréciée en fonction de sa nature propre au regard du champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée. Les centrales régionales, en facturant au GIE la fraction des cotisations à redistribuer, ne peuvent pas davantage être regardées comme lui rendant une prestation de service soumise à la taxe sur la valeur ajoutée.

5. Il suit de ce qui a été dit au point précédent que la taxe sur la valeur ajoutée a été facturée à tort par les centrales régionales et ne peut par suite être déduite par le GIE. Le moyen tiré de ce qu'elle doit être regardée comme grevant les éléments du coût des opérations imposables du GIE, au sens de l'article 271 du code général des impôts, est dès lors inopérant.

Sur l'application de la doctrine administrative :

6. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales :

" Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales ".

7. Le GIE U se prévaut, sur le fondement implicite des dispositions précitées de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la doctrine administrative référencée BOI-TVA-CHAMP-30-10-30-30 n° 40 et n° 50. Toutefois, son argumentation ne peut qu'être écartée dès lors que cette doctrine se rapporte aux opérations des organismes d'utilité générale, à savoir des organismes philosophiques, religieux, politiques, patriotiques, civiques ou syndicaux, ce qui n'est pas le cas du GIE U. Au surplus et en tout état de cause, comme l'ont considéré à juste titre les premiers juges, le rejet par l'administration d'une demande tendant au remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée ne constitue pas un rehaussement d'impositions permettant à un contribuable de se prévaloir, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de l'interprétation administrative de la loi fiscale.

8. Il résulte de tout ce qui précède que le GIE U n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande de remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 6 721 968 euros au titre du mois de mai 2013 assorti des intérêts moratoires. Par suite, il y a lieu de rejeter les conclusions de la requête, y compris celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête du GIE U est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au Groupement d'intérêt économique (GIE) U et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris (pôle fiscal parisien 1).

Délibéré après l'audience du 1er octobre 2019, à laquelle siégeaient :

M. Jardin, président de chambre,

Mme Hamon, président assesseur,

Mme B..., premier conseiller,

Lu en audience publique, le 5 novembre 2019.

Le rapporteur,

A. B...

Le président,

C. JARDINLe greffier,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 18PA00277 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA00277
Date de la décision : 05/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-01-01 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Personnes et opérations taxables. Opérations taxables.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: Mme Anne MIELNIK-MEDDAH
Rapporteur public ?: Mme STOLTZ-VALETTE
Avocat(s) : CMS FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-11-05;18pa00277 ?
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