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29/10/2019 | FRANCE | N°19PA00220

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 29 octobre 2019, 19PA00220


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée Patmos a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 8 décembre 2016 par laquelle le maire de Paris lui a précisé que sa demande de permis de construire PC 075 110 15 V 0025 avait fait l'objet d'un refus implicite le 8 mars 2016 et lui a refusé la délivrance d'un certificat de permis de construire tacite.

Par un jugement n° 1702285 du 15 novembre 2018, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour

:

Par une requête enregistrée le 15 janvier 2019, la société Patmos, représentée par ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée Patmos a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 8 décembre 2016 par laquelle le maire de Paris lui a précisé que sa demande de permis de construire PC 075 110 15 V 0025 avait fait l'objet d'un refus implicite le 8 mars 2016 et lui a refusé la délivrance d'un certificat de permis de construire tacite.

Par un jugement n° 1702285 du 15 novembre 2018, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 15 janvier 2019, la société Patmos, représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1702285 du 15 novembre 2018 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision du 8 décembre 2016 par laquelle le maire de Paris lui a précisé que sa demande de permis de construire PC 075 110 15 V 0025 avait fait l'objet d'un refus de permis de construire tacite le 8 mars 2016 et a refusé de lui délivrer un certificat de permis de construire tacite ;

3°) d'enjoindre à la Ville de Paris de lui délivrer, dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision juridictionnelle, un certificat attestant de l'obtention d'un permis de construire tacite ;

4°) de mettre à la charge de la Ville de Paris le versement d'une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier, car insuffisamment motivé ;

- la décision du maire de Paris est entachée d'erreur de droit dès lors que l'accord de l'architecte des bâtiments de France n'étant pas requis pour les travaux de construction, la circonstance que son avis soit accompagné de prescriptions afférentes aux seuls travaux de construction, et non à l'opération de démolition, n'est pas de nature à empêcher la naissance d'un permis de construire tacite.

Par un mémoire en défense enregistré le 19 septembre 2019, la Ville de Paris, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis la somme de 1 500 euros à la charge de la requérante en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D...,

- les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteur public,

- les observations de Me Mathieu, avocat de la société Patmos.

Considérant ce qui suit :

1. Le 24 juillet 2015, la SAS Patmos a déposé une demande de permis de construire concernant une parcelle située 72 rue René Boulanger à Paris (Xème arrondissement), tendant à la démolition d'un entrepôt et à la construction d'un bâtiment à usage d'hébergement hôtelier et d'habitation de cinq étages sur rez-de-chaussée et un niveau de sous-sol, avec végétalisation de la toiture terrasse. Par un courrier du 17 août 2015, le maire de Paris a adressé au pétitionnaire une demande de documents afin de compléter le dossier, et l'a informé qu'à compter de la réception des pièces sollicitées, le délai d'instruction s'établirait à cinq mois. Ce courrier renvoyait à une annexe précisant les hypothèses dans lesquelles le défaut de notification d'une décision expresse dans le délai d'instruction valait décision implicite de rejet. Par un courrier en date du 13 octobre 2016, la SAS Patmos a sollicité la délivrance d'une attestation de permis de construire tacite à compter du 9 mars 2016. Le maire de Paris a rejeté sa demande par la décision attaquée du 8 décembre 2016 au motif que sa demande de permis de construire avait fait l'objet, le 8 mars 2016, d'une décision implicite de refus.

2. En premier lieu, si la société requérante soutient que le jugement attaqué est insuffisamment motivé en ce qu'il n'explique pas, en son point 4, les raisons qui ont conduit les premiers juges à estimer que la circonstance que les prescriptions de l'architecte des bâtiments de France concernent les futures constructions n'a pas d'incidence sur la portée de l'accord émis par lui, cette critique relève en réalité, eu égard à la rédaction critiquée, du bien-fondé du jugement et non de sa régularité. Le moyen doit donc être écarté.

3. En second lieu, aux termes du premier alinéa de l'article R. 424-13 du code de l'urbanisme : " En cas de permis tacite ou de non-opposition à un projet ayant fait l'objet d'une déclaration, l'autorité compétente en délivre certificat sur simple demande du demandeur, du déclarant ou de ses ayants droit ". Le refus de délivrance d'un tel certificat constitue une décision faisant grief susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir.

4. D'une part, aux termes de l'article L. 341-1 du code de l'environnement : " Il est établi dans chaque département une liste des monuments naturels et des sites dont la conservation ou la préservation présente, au point de vue artistique, historique, scientifique, légendaire ou pittoresque, un intérêt général (...) L'inscription entraîne, sur les terrains compris dans les limites fixées par l'arrêté, l'obligation pour les intéressés de ne pas procéder à des travaux autres que ceux d'exploitation courante en ce qui concerne les fonds ruraux et d'entretien en ce qui concerne les constructions sans avoir avisé, quatre mois d'avance, l'administration de leur intention ". Aux termes de l'article L. 451-1 du code de l'urbanisme : " Lorsque la démolition est nécessaire à une opération de construction (...), la demande de permis de construire (...) peut porter à la fois sur la démolition et sur la construction (...). Dans ce cas, le permis de construire (...) autorise la démolition ". Aux termes de l'article R. 425-18 du même code : " Lorsque le projet porte sur la démolition d'un bâtiment situé dans un site inscrit en application de l'article L. 341-1 du code de l'environnement, le permis de démolir ne peut intervenir qu'avec l'accord exprès de l'architecte des Bâtiments de France ". Aux termes de l'article R. 425-30 de ce même code : " Lorsque le projet est situé dans un site inscrit, la demande de permis ou la déclaration préalable tient lieu de la déclaration exigée par l'article L. 341-1 du code de l'environnement. Les travaux ne peuvent être entrepris avant l'expiration d'un délai de quatre mois à compter du dépôt de la demande ou de la déclaration. / La décision prise sur la demande de permis ou sur la déclaration préalable intervient après consultation de l'architecte des Bâtiments de France ". Il résulte des dispositions précitées que lorsque la démolition d'un bâtiment situé dans un site inscrit est nécessaire à une opération de construction et que la demande de permis de construire porte à la fois sur la démolition et la construction, le permis de construire, qui autorise également la démolition, ne peut intervenir qu'avec l'accord exprès de l'architecte des Bâtiments de France. Lorsque la demande de permis de construire porte à la fois sur la démolition et sur la construction et que les documents qui y sont joints présentent de manière explicite les deux volets de l'opération, l'avis de l'architecte des Bâtiments de France doit être regardé comme portant sur l'ensemble de l'opération projetée, sans qu'il soit nécessaire que cet avis mentionne expressément la démolition.

5. D'autre part, l'article L. 424-2 du code de l'urbanisme dispose : " Le permis est tacitement accordé si aucune décision n'est notifiée au demandeur à l'issue du délai d'instruction. Un décret en Conseil d'État précise les cas dans lesquels un permis tacite ne peut être acquis ". Aux termes de l'article R. 424-1 du même code : " À défaut de notification d'une décision expresse dans le délai d'instruction (...), le silence gardé par l'autorité compétente vaut, selon les cas (...) / b) Permis de construire, permis d'aménager ou permis de démolir tacite ". L'article R. 424-2 de ce même code dispose : " Par exception au b de l'article R. 424-1, le défaut de notification d'une décision expresse dans le délai d'instruction vaut décision implicite de rejet dans les cas suivants : / (...) i) Lorsque le projet porte sur une démolition soumise à permis en site inscrit (...) " et son article R. 424-3 précise : " Par exception au b de l'article R 424-1, le défaut de notification d'une décision expresse dans le délai d'instruction vaut décision implicite de rejet lorsque la décision est soumise à l'accord de l'architecte des Bâtiments de France et que celui-ci a notifié, dans les délais mentionnés aux articles R. 423-59, R 423-67 et R. 423-67-1, un avis défavorable ou un avis favorable assorti de prescriptions ".

6. En l'espèce, le projet de permis de construire litigieux comprenait, comme il a déjà été dit, la démolition d'un entrepôt existant en lieu et place duquel serait édifié un immeuble à usage d'hébergement hôtelier et d'habitation, et ce dans le site " ensemble urbain à Paris " inscrit à l'inventaire des sites par arrêté du 6 août 1975. Si ce projet comportait des démolitions en site inscrit nécessitant l'accord de l'architecte des bâtiments de France, il ne peut être regardé comme ayant le caractère d'un projet " portant sur une démolition " au sens du i) de l'article R. 424-2 du code de l'urbanisme, qui vise les seules demandes de permis ou les déclarations préalables portant uniquement sur des travaux de démolition. Par suite, une décision implicite d'acceptation était donc susceptible de naître sur ce projet de construction, dans les conditions prévues par les articles R. 424-1 et R. 424-3 du même code.

7. En l'espèce, l'architecte des bâtiments de France a, le 1er septembre 2015, donné " son accord assorti de prescriptions en ce qui concerne les démolitions et son avis favorable assorti d'une proposition de prescriptions en ce qui concerne les autres travaux ". Cet énoncé littéral était suivi des mentions suivantes : " Prescriptions motivées (1), recommandations ou observations éventuelles (2) : / (1) Le couronnement des 2 niveaux sera revêtu en zinc ".

8. Or, en dépit d'une présentation formelle inappropriée qui ne satisfait manifestement pas aux critères d'intelligibilité que les demandeurs d'une autorisation sont légitimement en droit d'obtenir de l'administration qu'ils ont saisie, il s'infère des termes mêmes de l'avis de l'architecte des bâtiments de France que ce dernier a expressément et sans la moindre équivoque assorti son avis favorable d'une prescription relative aux démolitions, qui doit se lire comme conditionnant l'autorisation de démolition à la réalisation d'un couronnement en zinc des deux niveaux de la future construction. Par suite, l'architecte des bâtiments de France ayant émis un avis favorable, mais assorti de prescriptions au sens des dispositions précitées de l'article R. 424-3 du code de l'urbanisme, aucune décision implicite d'acceptation ne pouvait naître au bénéfice de la société requérante.

9. Il s'ensuit que la société Patmos n'est pas fondée à soutenir qu'elle disposait, à la date du 9 mars 2016, d'un permis de construire tacite, ni que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du maire de Paris lui en refusant la délivrance. Sa requête doit donc être rejetée, en ce comprises ses conclusions à fin d'injonction et celles fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative, dès lors qu'elle succombe dans la présente instance. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la Ville de Paris fondées sur les mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Patmos est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la Ville de Paris fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Patmos et à la Ville de Paris.

Copie en sera adressée au préfet de la région Île-de-France, préfet de Paris.

Délibéré après l'audience du 3 octobre 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme E..., présidente de chambre,

- M. D..., président-assesseur,

- M. Legeai, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 octobre 2019.

Le rapporteur,

S. D...La présidente,

S. E... Le greffier,

M. B...

La République mande et ordonne au préfet de la région Île-de-France, préfet de Paris en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19PA00220


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19PA00220
Date de la décision : 29/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Procédure d'attribution - Formes de la décision.

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Nature de la décision - Refus du permis.


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: M. Stéphane DIEMERT
Rapporteur public ?: Mme GUILLOTEAU
Avocat(s) : LVI AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 01/11/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-10-29;19pa00220 ?
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