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24/10/2019 | FRANCE | N°19PA00691

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 24 octobre 2019, 19PA00691


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 3 décembre 2018 par laquelle le préfet de police lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pendant une durée de vingt-quatre mois et a procédé à son signalement dans le système d'information Schengen.

Par un jugement n°1822299 du 10 décembre 2018, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregis

trée le 11 février 2019, M. B... A..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annule...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 3 décembre 2018 par laquelle le préfet de police lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pendant une durée de vingt-quatre mois et a procédé à son signalement dans le système d'information Schengen.

Par un jugement n°1822299 du 10 décembre 2018, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 11 février 2019, M. B... A..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'interdiction de retour ;

3°) d'annuler son signalement sur le système d'information Schengen ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'interdiction de retour qui ne vise que les articles 15 et 16 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 et non l'article 11 et qui ne justifie pas l'absence de circonstances humanitaires est insuffisamment motivée ;

- elle comporte une erreur de fait puisqu'il est entré en France en 2004 et non en 2005 ;

- compte tenu de la durée de son séjour, de ses attaches familiales, de sa vie de couple et de ses nombreux enfants, la décision méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision le signalant aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen est illégale en raison de l'illégalité de l'interdiction de retour.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 octobre 2019, le préfet de police a conclu au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par des mémoires, enregistrés les 27 février 2019 et le 6 octobre 2019, M. A... a produit des pièces complémentaires.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D...,

- et les observations de Me C..., représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant égyptien né le 15 novembre 1986, qui s'était soustrait à une obligation de quitter le territoire prononcée le 10 avril 2018, a été interpellé puis placé en garde à vue le 1er décembre 2018 pour des faits de violences conjugales. Par une décision du 3 décembre 2018, le préfet de police a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de vingt-quatre mois. M. A... relève appel du jugement du 10 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

2. En premier lieu, aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " III. - L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".

3. La décision contestée vise le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle relève que M. A... a déjà fait l'objet d'une mesure d'éloignement en date du 10 avril 2018 à laquelle il s'est soustrait, qu'il représente une menace pour l'ordre public en raison des violences conjugales signalées par la police judiciaire le

1er décembre 2018, que s'il allègue être entré en France en 2005, il ne justifie pas de son concubinage avec une ressortissante marocaine et être le père de quatre enfants. Le préfet de police a considéré que dans ces conditions M. A... ne pouvait être regardé comme se prévalant de liens suffisamment anciens, forts et caractérisés avec la France, et que sa décision ne portait pas une atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale de l'intéressé. Le préfet de police a ainsi rappelé les dispositions applicables à la situation de M. A... et exposé les circonstances de fait qu'il a retenues pour prononcer sa décision d'interdiction de retour. Il n'avait pas à indiquer les raisons pour lesquelles aucune circonstance humanitaire ne ressortait de la situation de l'intéressé. Enfin, M. A... ne saurait utilement soutenir que le préfet de police a méconnu les dispositions de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008, dès lors que cette directive a été intégralement transposée en droit interne. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision d'interdiction doit être écarté.

4. En deuxième lieu, pour retenir que M. A... était entré en France en 2005, le préfet de police s'est fondé sur les déclarations de l'intéressé aux services de police le 2 décembre 2018. A supposer que M. A... serait entré en France en 2004 comme il l'affirme, une éventuelle inexactitude sur ce point serait sans incidence sur la légalité de l'arrêté.

5. En troisième lieu, s'il n'est pas contesté que la présence de M. A... sur le territoire français est ancienne, puisqu'il y a reconnu un enfant en décembre 2008, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé n'a jamais entrepris de régulariser son séjour et qu'il a fait l'objet de deux arrêtés lui faisant obligation de quitter le territoire, le premier le 14 septembre 2015, le second le 10 avril 2018, auxquels il n'a pas déféré. Il ne justifie d'aucun emploi stable ni d'une insertion particulière dans la société française. Il s'est signalé avec régularité de manière défavorable aux services de police, en 2009 pour usage de chèques volés, en 2011 pour escroquerie et abus de confiance, en 2015 pour coups et blessures et menaces de mort, en 2018 pour violences conjugales. Si M. A... n'a pas perdu tout contact avec son enfant de nationalité française, né en 2008, ni avec la mère de cet enfant, et si la vie commune se poursuit avec sa compagne actuelle, une ressortissante marocaine dont il a eu trois enfants, en dépit de violentes disputes qui ont conduit à sa dernière arrestation, cette situation familiale ne présente pas le caractère d'une circonstance humanitaire au sens des dispositions citées au point 2. L'interdiction de retour sur le territoire français pendant vingt-quatre mois, eu égard aux circonstances qui viennent d'être rappelées et notamment des atteintes répétées à l'ordre public, ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale, et n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation. Elle ne porte pas davantage atteinte à l'intérêt supérieur de ses enfants garanti par l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

6. Il résulte de ce qui précède que l'interdiction de séjour sur le territoire français d'une durée de vingt-quatre mois n'est pas entachée d'illégalité. Le signalement de l'intéressé sur le système d'information Schengen, qui constitue une mesure d'application automatique de l'interdiction de retour, ne l'est pas davantage.

7. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante pour l'essentiel, la somme que M. A... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée pour information au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 10 octobre 2019, à laquelle siégeaient :

- M. E..., premier vice-président,

- M. D..., président assesseur,

- Mme Mornet, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 24 octobre 2019.

Le rapporteur,

Ch. D...Le président,

M. E...

Le greffier,

E. MOULIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 10PA03855

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N° 19PA00691


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA00691
Date de la décision : 24/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: M. Christian BERNIER
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : BRAUN

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-10-24;19pa00691 ?
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