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24/10/2019 | FRANCE | N°19PA00655

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 24 octobre 2019, 19PA00655


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 10 octobre 2018 par lequel le préfet de police a décidé sa remise aux autorités italiennes, responsables de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1818386/8 du 31 décembre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 7 février 2019 et le 5 juillet 2019, M. A..., représent

par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1818386/8 du 31 décembre 2018 du ma...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 10 octobre 2018 par lequel le préfet de police a décidé sa remise aux autorités italiennes, responsables de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1818386/8 du 31 décembre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 7 février 2019 et le 5 juillet 2019, M. A..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1818386/8 du 31 décembre 2018 du magistrat désigné par le président au tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du 10 octobre 2018 par lequel le préfet de police a décidé sa remise aux autorités italiennes, responsables de sa demande d'asile ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui remettre un formulaire de demande d'asile.

M. A... soutient que :

- le préfet de police n'a pas tenu compte de sa situation ;

- lors de son entretien, il n'a pu expliquer les problèmes rencontrés en Italie ni les raisons de sa fuite du Bangladesh, les droits de la défense ayant été méconnus ;

- l'article L. 561-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été méconnu ;

- le système d'asile en Italie souffre de défaillances systémiques en matière de procédure et de conditions d'accueil des demandeurs d'asile pouvant conduire à des mauvais traitements ; le préfet de police a méconnu l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et commis une erreur manifeste d'appréciation ;

- le préfet de police a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il risque d'être torturé en cas de retour au Bangladesh.

Par un mémoire en défense enregistré le 22 juillet 2019, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Le préfet de police soutient que la requête n'est pas dépourvue d'objet, en raison de la fuite de M. A....

Par une décision du 19 mars 2019, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Paris a admis M. A... à l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. E... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., de nationalité bangladaise, s'est présenté le 17 août 2018 au guichet unique des demandeurs d'asile de Paris, aux fins d'enregistrement d'une demande de protection internationale. La consultation du fichier Eurodac a révélé que l'intéressé avait présenté une demande d'asile auprès des autorités italiennes le 23 août 2017. Le 22 août 2018, le préfet de police a adressé aux autorités italiennes une demande de reprise en charge de M. A..., en application du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013. Les autorités italiennes ont implicitement accepté le 6 septembre 2018 de reprendre en charge l'intéressé. Par un arrêté du 10 octobre 2018, le préfet de police a décidé de remettre M. A... à ces autorités. M. A... fait appel du jugement du 31 décembre 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, à supposer que M. A... ait entendu se prévaloir de l'absence d'examen de sa situation personnelle, l'arrêté du 10 octobre 2018 vise les règlements communautaires n° 604/2013, n° 1560/2003 et n° 343/2003 relatifs à la détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile dans les Etats membres de l'Union européenne et mentionne les éléments de faits relatifs à la situation personnelle de M. A..., notamment la circonstance que l'examen de ses empreintes digitales a révélé qu'il a déposé une demande d'asile en Italie le 23 août 2017 et que les autorités italiennes ont accepté de le reprendre en charge le 6 septembre 2018. En outre, cet arrêté vise les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et mentionne qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de M. A... et que l'intéressé n'établit pas de risque personnel constituant une atteinte grave au droit d'asile en cas de remise aux autorités de l'Etat responsable de sa demande d'asile. Ainsi, les termes mêmes de l'arrêté attaqué établissent l'existence d'un examen par le préfet de police de la situation personnelle du requérant.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. (...) 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a bénéficié d'un entretien individuel le 17 août 2018, effectué par un agent qualifié de la préfecture de police et avec l'assistance d'un interprète en langue bengali, au cours duquel il a été informé qu'il ferait l'objet d'une procédure de reprise en charge par les autorités italiennes et a pu présenter des observations orales, seuls éléments que l'autorité administrative était tenue de garantir à l'intéressé, la procédure n'ayant pas pour objet d'examiner une demande d'asile sur le fond. Les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 5 du règlement n° 604/2003 et du principe des droits de la défense manquent ainsi en fait.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 561-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les étrangers assignés à résidence (...) se voient remettre une information sur les modalités d'exercice de leurs droits, sur les obligations qui leur incombent et, le cas échéant, sur la possibilité de bénéficier d'une aide au retour ". M. A... ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance de ces dispositions, relatives aux assignations à résidence, pour contester une décision de remise aux autorités italiennes.

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) ". Aux termes de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

7. Si M. A... soutient que le système d'asile en Italie souffre de défaillances systémiques en matière de procédure et de conditions d'accueil des demandeurs d'asile pouvant conduire à des mauvais traitements, il ne produit aucun élément personnel permettant de corroborer ses déclarations, en se bornant à alléguer de façon générale que de nombreux demandeurs d'asile ne peuvent en Italie bénéficier d'hébergement et n'ont pas accès à la nourriture, à l'hygiène et à une aide financière et que tel aurait été son cas, les autorités italiennes lui ayant indiqué " qu'il devait partir en France ". Il ne ressort ainsi pas des pièces du dossier que les autorités italiennes ne seraient pas en mesure de traiter sa demande d'asile dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile et que sa remise à ces autorités l'exposerait à des traitements contraires aux exigences de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de ce que le préfet de police aurait entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation en s'abstenant de faire application des dispositions de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013, à le supposer invoqué, doit être écarté. A cet égard, M. A... ne peut utilement soutenir qu'il risque d'être torturé en cas de retour au Bangladesh, dès lors que l'arrêté attaqué n'a ni pour objet ni pour effet de prescrire son retour dans ce pays et qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les autorités italiennes n'examineront pas la demande d'asile du requérant dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile.

8. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

9. M. A... fait valoir qu'il est accompagné en France de son épouse, enceinte à la date d'introduction de la requête, et de ses deux enfants nés en 2011 et 2015, scolarisés en France. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. A..., son épouse et leurs deux enfants sont entrés sur le territoire français récemment, l'ensemble de la famille faisant l'objet d'une décision de remise aux autorités italiennes. Le requérant ne fait état d'aucun obstacle à un maintien de la cellule familiale, y compris avec l'enfant né postérieurement à l'arrêté attaqué, en Italie. Dans ces conditions, le préfet de police n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de M. A... une atteinte disproportionnée par rapport au but poursuivi et n'a ainsi pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président au tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Sa requête d'appel, y compris ses conclusions à fin d'injonction, doit dès lors être rejetée.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 3 octobre 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme D..., présidente,

- M. Legeai, premier conseiller,

- M. E..., premier conseiller,

Lu en audience publique, le 24 octobre 2019.

Le rapporteur,

F. E...La présidente,

S. D... Le greffier,

M. B...La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19PA00655


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19PA00655
Date de la décision : 24/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-03


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: M. Fabien PLATILLERO
Rapporteur public ?: Mme GUILLOTEAU
Avocat(s) : LEGRAND

Origine de la décision
Date de l'import : 30/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-10-24;19pa00655 ?
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