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22/10/2019 | FRANCE | N°18PA03698

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 22 octobre 2019, 18PA03698


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au Tribunal administratif de Paris, en premier lieu, d'annuler l'arrêté du 26 juillet 2017 par lequel le ministre de l'intérieur a prononcé son expulsion du territoire français en urgence absolue, en deuxième lieu, d'annuler l'arrêté du même jour fixant l'Algérie comme pays de destination, en troisième lieu, d'ordonner au ministre de l'intérieur d'enjoindre aux autorités consulaires françaises en Algérie de prendre toute mesure de nature à permettre son retour sur le territoi

re national dans les cinq jours suivant la notification du jugement, sous astre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au Tribunal administratif de Paris, en premier lieu, d'annuler l'arrêté du 26 juillet 2017 par lequel le ministre de l'intérieur a prononcé son expulsion du territoire français en urgence absolue, en deuxième lieu, d'annuler l'arrêté du même jour fixant l'Algérie comme pays de destination, en troisième lieu, d'ordonner au ministre de l'intérieur d'enjoindre aux autorités consulaires françaises en Algérie de prendre toute mesure de nature à permettre son retour sur le territoire national dans les cinq jours suivant la notification du jugement, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, en dernier lieu, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1715507/4-2 du 28 septembre 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 27 novembre 2018 et le 9 juillet 2019, M. C..., représenté par Me A... et Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1715507/4-2 du 28 septembre 2018 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 26 juillet 2017 du ministre de l'intérieur portant expulsion du territoire français ;

3°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 26 juillet 2017 du ministre de l'intérieur fixant l'Algérie comme pays de destination ;

4°) d'ordonner au ministre de l'intérieur d'enjoindre aux autorités consulaires françaises en Algérie de prendre toute mesure utile de nature à lui permettre de rentrer en France, dans les cinq jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision d'expulsion a été signée par une autorité incompétente en l'absence de délégation régulière ou, si la signature est celle de l'agent chargé de la notification, ne comporte pas la signature de son auteur, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

- le ministre de l'intérieur a méconnu les dispositions de l'article L. 522-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en estimant qu'il y avait une urgence absolue à l'expulser du territoire alors qu'il ne justifie pas d'éléments circonstanciés et actuels de nature à caractériser un risque imminent ;

- le ministre de l'intérieur a méconnu les dispositions de l'article L. 521-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en estimant que son comportement était lié à des activités terroristes ;

- la décision d'expulsion méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il réside en France depuis son entrée en 1997 à l'âge de huit ans et qu'il y a toutes ses attaches familiales ;

- la décision fixant l'Algérie comme pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 juin 2019, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens du requérant n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- les conclusions de Mme Stoltz-Valette, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., avocat de M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant algérien né le 24 décembre 1988 en Algérie, entré en France à l'âge de huit ans, y bénéficiait en dernier lieu d'un certificat de résidence valable jusqu'en décembre 2016 et d'un récépissé de renouvellement de titre de séjour valable jusqu'en mai 2017. Par un arrêté du 21 juin 2017, il a fait l'objet d'une mesure d'assignation à résidence à Sète (34) sur le fondement de l'article 8 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence. Par un arrêté du 26 juillet 2017, le ministre de l'intérieur a décidé son expulsion en urgence absolue sur le fondement des articles L. 522-1, L. 521-3 et R. 522-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au motif notamment du prosélytisme radical dont il avait fait preuve à plusieurs occasions et de ses relations avec plusieurs personnes connues des services de police pour leur implication dans la mouvance djihadiste. Par un arrêté distinct du même jour, le ministre de l'intérieur a fixé l'Algérie comme pays de destination. M. C... relève appel du jugement du 28 septembre 2018 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 26 juillet 2017 ordonnant son expulsion.

Sur la légalité de la mesure d'expulsion :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 522-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative compétente pour prononcer l'expulsion d'un étranger en application des articles L. 521-2 ou L. 521-3 ainsi qu'en cas d'urgence absolue est le ministre de l'intérieur ". Aux termes de l'article L. 212-1 du même code : " Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci. Toutefois, les décisions fondées sur des motifs en lien avec la prévention d'actes de terrorisme sont prises dans des conditions qui préservent l'anonymat de leur signataire. Seule une ampliation de cette décision peut être notifiée à la personne concernée ou communiquée à des tiers, l'original signé, qui seul fait apparaître les nom, prénom et qualité du signataire, étant conservé par l'administration. ". Aux termes enfin de l'article L. 773-9 du code de justice administrative : " Les exigences de la contradiction mentionnées à l'article L. 5 sont adaptées à celles de la protection de la sécurité des auteurs des décisions mentionnées au second alinéa de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration. Lorsque dans le cadre d'un recours contre l'une de ces décisions, le moyen tiré de la méconnaissance des formalités prescrites par le même article L. 212-1 ou de l'incompétence de l'auteur de l'acte est invoqué par le requérant ou si le juge entend relever d'office ce dernier moyen, l'original de la décision ainsi que la justification de la compétence du signataire sont communiqués par l'administration à la juridiction qui statue sans soumettre les éléments qui lui ont été communiqués au débat contradictoire ni indiquer l'identité du signataire dans sa décision ".

3. D'une part, l'arrêté attaqué ayant été pris dans le cadre de l'état d'urgence pour des motifs liés à la prévention des actes de terrorisme, cette décision est au nombre de celles qui, en application des dispositions précitées, ne peuvent faire l'objet d'une notification que sous la forme d'une ampliation anonyme. Dans ces conditions, le requérant ne peut utilement contester sa régularité au motif que l'ampliation qui lui a été notifiée ne comportait pas les mentions visées par les dispositions précitées du premier alinéa de l'article L. 212-1.

4. D'autre part, le ministre a produit devant la Cour, dans les conditions prévues par les dispositions précitées de l'article L. 773-9 du code de justice administrative, l'original de l'arrêté attaqué, qui revêt l'ensemble des mentions requises par l'article L. 212-1 alinéa 1er du code des relations entre le public et l'administration, dont notamment l'identité et la signature de son auteur, lequel disposait d'une délégation régulière attribuée par le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur. Par suite, le moyen soulevé par M. C... tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision contestée doit être écarté comme manquant en fait.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 521-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'expulsion qu'en cas de comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'Etat, ou liés à des activités à caractère terroriste, ou constituant des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes : / 1° L'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans ; (...) 4° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans et qui, ne vivant pas en état de polygamie, est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins un an ".

6. Il n'est pas contesté que M. C... est entré sur le territoire français en 1997 à l'âge de huit ans, qu'il y a résidé jusqu'à l'exécution de son expulsion le 6 août 2017 et qu'il est père de deux enfants mineurs français résidant en France. Il entrait ainsi dans le champ d'application des dispositions précitées des 1° et 4° de l'article L. 521-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et ne pouvait, dès lors, faire l'objet d'une expulsion qu'en cas de comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'Etat, ou liés à des activités à caractère terroriste, ou constituant des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes.

7. Pour prononcer l'expulsion en urgence absolue de M. C... en application des dispositions précitées de l'article L. 521-3, le ministre de l'intérieur s'est fondé sur les éléments précis et circonstanciés mentionnés dans une " note blanche " des services de renseignement, soumise au débat contradictoire. Cette note révèle notamment que M. C... revendique son appartenance à la mouvance radicale tabligh qui prône une lecture rigoriste de l'islam, a été condamné à plusieurs reprises depuis 2007 pour des faits de droit commun, et que lors de ses incarcérations, il s'est distingué pour son radicalisme religieux et des prêches dans l'enceinte de la maison d'arrêt de Villeneuve-lès-Maguelone (34) en présence d'autres détenus les 19 et 21 février 2016, en dépit de l'opposition du personnel de l'établissement. La note blanche indique par ailleurs que M. C... a fréquenté la mosquée " Asounna ", à Sète, laquelle a été gérée successivement et de manière officieuse par des membres des mouvances salafistes, puis tabligh, et qui est désormais fermée en raison de prêches extrémistes qui y ont été tenus, qu'il s'y réunissait fréquemment avec d'autres adeptes des mouvances radicales, et a pris la parole au moment des prières pour diffuser ces idéologies radicales, inciter les jeunes à rejoindre le mouvement et participer à des sorties prosélytes, et appeler aux dons afin de financer ces sorties. La mosquée Asounna mettait également à disposition des fidèles des ouvrages et des dépliants de propagande salafistes justifiant le djihad armé, et incitant à la discrimination, la haine, voir la violence envers les chrétiens et les juifs. Elle relève également que M. C... se rendait fréquemment le dimanche à la salle de prières " El Nasr " à Montpellier où des prêches et des lectures en arabe et en français promouvant l'idéologie tabligh étaient délivrés. Par ailleurs, M. C... a été contrôlé le 1er mai 2015 à son retour de Dhaka, au Bangladesh, où il a, selon des déclarations à ses proches, suivi un entraînement paramilitaire. Il aurait par ailleurs tenu des propos violents en décembre 2016, quand il a déclaré : " Si ma femme m'emmerde, je prends de l'essence, je la brûle vivante et je pars en Syrie ". Il est aussi indiqué que M. C... a travaillé à partir de 2014 au snack " Le Régal " à Sète, qui était géré par Azzouz El Hajjaji, désigné comme le responsable de la mouvance tabligh de la ville. Ce snack servait par ailleurs de lieu de rencontre aux membres de ce mouvement. Parmi les individus fréquentant la mosquée Asounna à laquelle se rendait M. C... se trouvaient deux individus ayant été mis en examen pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, Malik Hammami, qui a été en relation avec la mouvance islamiste radicale internationale, et Mourad Belalaoui qui a déclaré à plusieurs reprises avoir prêté allégeance à l'Etat islamique, tous deux ayant été mis en examen en 2017 pour association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste. M. C... a également déclaré en 2016 que des amis qu'il avait rencontrés alors qu'il travaillait dans un snack près de la gare de Nîmes (30) s'étaient rendus en Irak, à Mossoul. Finalement, M. C... a commencé à travailler à partir du 2 janvier 2017 au restaurant " Grillades et Tacos " à Nîmes, où il était employé en même temps que Malik Hammami et Mourad Belalaoui, et qui est connu pour être un lieu d'endoctrinement et de prosélytisme en faveur du djihad armé. Il est par ailleurs en relation avec Ahmed El Khayari, membre d'un groupe prosélyte en faveur du djihad armé opérant dans plusieurs commerces de Nîmes, dont le restaurant où travaillait M. C.... Ces éléments précis et circonstanciés ne sont pas sérieusement contestés par M. C.... Par ailleurs, et contrairement à ce qu'il soutient, la circonstance qu'il n'aurait pas été pénalement condamné pour des faits de terrorisme ou qu'il n'ait pas été poursuivi pour de tels faits, ne faisait pas obstacle ce que le ministre de l'intérieur décide son expulsion, dès lors qu'une telle mesure, qui n'a pas le caractère d'une sanction, constitue une mesure de police destinée à préserver l'ordre public. Dans ces conditions, en estimant que le comportement de M. C... devait être regardé comme lié à des activités à caractère terroriste au sens de l'article L. 521-3, le ministre de l'intérieur n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 522-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - Sauf en cas d'urgence absolue, l'expulsion ne peut être prononcée que dans les conditions suivantes : / 1° L'étranger doit être préalablement avisé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat ; / 2° L'étranger est convoqué pour être entendu par une commission qui se réunit à la demande de l'autorité administrative (...) ".

9. En raison de la situation résultant des actes de terrorisme perpétrés sur le territoire national et européen durant le premier semestre de l'année 2017, et, ainsi qu'il ressort des éléments mentionnés aux points 6 et 7 du présent arrêt, des relations continues de M. C... avec des personnes convaincues d'activités terroristes, ainsi que de ses propos extrémistes et de ses actes de prosélytisme répétés en faveur d'un islam radical et du djihad armé, le ministre de l'intérieur n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant qu'il y avait urgence absolue à l'expulser. Par ailleurs, et contrairement à ce que soutient M. C..., la circonstance qu'il était assigné à résidence depuis le 21 avril 2017 n'est pas de nature à caractériser un défaut d'urgence absolue au sens de ces dispositions. En outre, contrairement à ce qu'il soutient, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté d'expulsion lui a bien été notifié le 6 août 2017. Il s'ensuit qu'il n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait été irrégulièrement privé des garanties de procédures prévues à l'article L. 522-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

10. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

11. Il n'est pas contesté que M. C... réside sur le territoire français depuis l'âge de huit ans, y séjourne sous couvert d'un titre de résident algérien et d'un récépissé de renouvellement de titre de séjour depuis 1997 et est le père de deux enfants de nationalité française et âgés respectivement de huit ans et cinq ans à la date de la mesure d'éloignement attaquée. Toutefois, eu égard à la gravité des faits reprochés à l'intéressé et en dépit de l'importance de ses attaches familiales en France et de l'ancienneté de son séjour, le ministre de l'intérieur, en décidant son expulsion, n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels cette mesure a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

Sur les moyens contestant la légalité de la décision fixant le pays de destination :

12. En cinquième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : / 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ; aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

13. D'une part, si M. C... soutient qu'il encourrait des menaces pour sa vie ou sa liberté ou des risques de traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour en Algérie, il ne l'établit pas en se bornant à se prévaloir d'une situation générale existant en Algérie. A cet égard, s'il se prévaut de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme et des libertés fondamentales quant aux risques encourus par les suspects de terrorisme en cas de renvoi en Algérie, celle-ci a relevé par son arrêt A.M. c/ France n° 12148/18 du 29 avril 2019, après avoir constaté que de nombreuses évolutions institutionnelles et normatives avaient eu lieu en Algérie depuis 2015, que la situation générale en matière de traitement des personnes liées au terrorisme en Algérie ne fait plus obstacle à leur éloignement. En tout état de cause, s'il est possible que les activités terroristes passées du requérant fassent de lui l'objet de mesures de contrôle et de surveillance à son retour en Algérie, voire de poursuites judiciaires déclenchées à l'occasion de ce retour, de telles mesures ne constituent pas, en tant que telles, un traitement prohibé par l'article 3 de la convention. Dans ces conditions, la seule connaissance par les autorités algériennes des motifs de son expulsion et de ses comportements liés à des activités terroristes ne sont pas de nature à établir qu'il courrait un risque réel de subir des traitements contraires à l'article 3 de la convention en cas de renvoi en Algérie. D'autre part, il n'établit pas que sa situation personnelle l'exposerait à un risque particulier de traitements prohibés par ce texte en se prévalant d'une mesure de gel des avoirs décidé à son encontre par le ministre français de l'intérieur en date du 29 octobre 2017, postérieurement à la décision contestée, dont il fait seulement valoir que sa publication est de nature à révéler le motif de son expulsion.

14. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir qu'en décidant qu'il serait expulsé à destination de son pays d'origine, le ministre de l'intérieur aurait méconnu ces stipulations, ni que le ministre de l'intérieur aurait commis une erreur dans l'appréciation des conséquences d'une telle décision sur sa situation personnelle.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés en date du 26 juillet 2017, par lequel le ministre de l'intérieur a ordonné son expulsion en urgence absolue. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 1er octobre 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- Mme Hamon, président assesseur,

- Mme E..., premier conseiller,

Lu en audience publique, le 22 octobre 2019.

Le rapporteur,

L. E...Le président,

C. JARDIN

Le greffier,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18PA03698


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA03698
Date de la décision : 22/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-02-05 Étrangers. Expulsion. Urgence absolue.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: Mme Laurence NOTARIANNI
Rapporteur public ?: Mme STOLTZ-VALETTE
Avocat(s) : VIGO CABINET D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 24/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-10-22;18pa03698 ?
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