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22/10/2019 | FRANCE | N°17PA22159

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 22 octobre 2019, 17PA22159


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'Union Maritime de Mayotte (" UMM ") a demandé au Tribunal administratif de Mayotte d'annuler l'arrêté du 2 septembre 2016 par lequel le président du conseil départemental de Mayotte a approuvé les tarifs d'outillages publics dans la zone portuaire de Mayotte, et de mettre à la charge du département de Mayotte le versement de la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une ordonnance n° 1600873 du 12 avril 2017, le vice-président du Tribu

nal administratif de Mayotte a constaté un non-lieu à statuer sur ses conclusi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'Union Maritime de Mayotte (" UMM ") a demandé au Tribunal administratif de Mayotte d'annuler l'arrêté du 2 septembre 2016 par lequel le président du conseil départemental de Mayotte a approuvé les tarifs d'outillages publics dans la zone portuaire de Mayotte, et de mettre à la charge du département de Mayotte le versement de la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une ordonnance n° 1600873 du 12 avril 2017, le vice-président du Tribunal administratif de Mayotte a constaté un non-lieu à statuer sur ses conclusions en annulation et a rejeté ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 10 juillet 2017 au greffe de la Cour administrative d'appel de Bordeaux, l'UMM, représentée par Me F... et Me E..., demande à la Cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du vice-président du Tribunal administratif de Mayotte du 12 avril 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 2 septembre 2016 par lequel le président du conseil départemental de Mayotte a fixé les tarifs d'outillages publics dans la zone portuaire de Mayotte ;

3°) de mettre à la charge du département de Mayotte le versement de la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le vice-président du Tribunal administratif de Mayotte ne pouvait se fonder sur l'arrêté du 3 novembre 2016 par lequel le président du conseil départemental de Mayotte a retiré l'arrêté litigieux du 2 septembre précédent, pour constater un non-lieu à statuer sur ses conclusions en annulation, le nouvel arrêté prononçant le retrait ayant été contesté devant le juge et n'étant donc pas devenu définitif ;

- il y a lieu pour la Cour d'évoquer et d'annuler l'arrêté du 2 septembre 2016.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 F... 2019, le département de Mayotte, représenté par le président du conseil départemental et par Me de la Brosse, demande à la Cour :

1°) de surseoir a statuer le temps que le Tribunal administratif de Mayotte se prononce sur sa demande n° 1600912 tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 novembre 2016 par lequel le président du conseil départemental de Mayotte a retiré son arrêté du 2 septembre précédent, et sur sa demande n° 1700135 tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 décembre 2016 par lequel il a fixé les tarifs d'utilisation des grues mobiles et des RTG sur le port de Longoni ;

2°) de mettre à la charge de l'UMM le versement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que le jugement par le Tribunal administratif de Mayotte, de ses demandes n° 1600912 et n° 1700135 qui ont été appelées à l'audience le 26 novembre 2018, doit intervenir très prochainement, et pourrait conduire à remettre en vigueur les tarifs fixés par l'arrêté du 2 septembre 2016.

Par une ordonnance du 1er mars 2019, prise en application de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, le président de la section du contentieux du Conseil d'État a attribué à la Cour la requête présentée par l'UMM.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 mai 2019, la société Mayotte Channel Gateway (MCG), représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête, et à ce que le versement d'une somme de 6 000 euros soit mis à la charge de l'UMM sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête formée par l'UMM était et reste irrecevable, ses statuts ne lui donnant pas intérêt pour agir, et son président n'ayant pas qualité pour la représenter ;

- la requête d'appel de l'UMM ne comporte aucun moyen tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 septembre 2016 ;

- les moyens soulevés en première instance par l'UMM, tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 septembre 2016, ne sont pas fondés.

Par un mémoire en réplique, enregistré le 28 juin 2019, l'UMM conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens. Elle demande à la Cour de mettre à la charge du département de Mayotte et de la société MCG le versement de la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient en outre que :

- les fins de non-recevoir soulevées par la société MCG doivent être écartées ;

- l'arrêté du 2 septembre 2016 est entaché d'incompétence, le président du conseil départemental n'ayant pas été habilité par l'assemblée délibérante ;

- il n'a, contrairement aux dispositions de l'article L. 1411-6 du code général des collectivités territoriales, pas été précédé de la consultation de la commission des délégations de service public ;

- l'obligation d'affichage des tarifs projetés, résultant de l'article R. 5314-9 du code des transports, n'a pas été respectée ;

- l'avis du conseil portuaire qui s'est tenu le 22 juin 2016, est entaché d'irrégularité, le conseil étant alors irrégulièrement composé, les documents relatifs à l'ordre du jour ne lui ayant été transmis que tardivement, et l'instruction n'ayant pas été suffisante du fait de l'absence de commission spécialisée pour étudier les tarifs ;

- l'arrêté du 2 septembre 2016 est entaché d'une erreur de fait, l'avis du conseil portuaire n'ayant, contrairement à ce qu'il énonce, recueilli que huit voix et non la majorité absolue de neuf voix ;

- il méconnait les règles de fixation des redevances ;

- la modification des tarifs qu'il prévoit constitue une modification substantielle de la concession, interdite par l'article 36 du décret n° 2016-86 du 1er février 2016.

Par une ordonnance du 15 juillet 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 1er août 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code des transports ;

- l'ordonnance n° 2016-65 du 29 F... 2016 ;

- le décret n° 2016-86 du 1er février 2016 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. H...,

- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public,

- les observations de Me B... pour l'UMM,

- les observations de Me D... pour le département de Mayotte,

- et les observations de Me C... pour la société MCG.

Considérant ce qui suit :

1. Par contrat signé le 3 septembre 2013, le département de Mayotte a conclu une convention de délégation de service public pour la gestion et l'exploitation du site portuaire de Longoni avec la société Mayotte Channel Gateway (MCG), pour une durée de quinze années. Lors de sa réunion du 11 février 2016, le conseil portuaire a émis un avis favorable au nouveau tarif d'outillage pour 2016, proposé par la société MCG. Par courrier du 17 mars 2016, le président du conseil départemental a informé la société MCG de ce qu'il différait l'approbation du nouveau tarif d'outillage dans l'attente de la production des pièces justifiant le tarif d'utilisation des grues et des portiques RTG, ainsi que le tarif de location des terrains domaniaux et des magasins, jugé d'un montant trop élevé. Par courrier du 13 avril 2016, le président du conseil départemental a informé la société MCG de ce que, si les pièces produites permettaient de valider le tarif de location des terrains domaniaux, il persistait à refuser d'approuver le tarif journalier de location des grues fixé à 10 400 euros. Lors de sa séance du 22 juin 2016, le conseil portuaire a approuvé une nouvelle proposition de la société MCG concernant le tarif d'utilisation des grues et portiques. Par arrêté du 2 septembre 2016, le président du conseil départemental de Mayotte a approuvé le nouveau tarif d'outillage proposé par la société MCG, avec entrée en vigueur immédiate. Par arrêté du 3 novembre 2016, pris à la suite d'une demande formulée par le préfet de Mayotte par courrier du 21 octobre 2016, le président du conseil départemental de Mayotte a retiré son arrêté du 2 septembre 2016. L'Union Maritime de Mayotte (" UMM ") a demandé au Tribunal administratif de Mayotte d'annuler l'arrêté du président du conseil départemental de Mayotte du 2 septembre 2016 mentionné ci-dessus. La société MCG a demandé au même tribunal d'annuler l'arrêté du 3 novembre suivant.

2. Par une ordonnance du 12 avril 2017, le vice-président du Tribunal administratif de Mayotte a constaté un non-lieu à statuer sur les conclusions de l'UMM tendant à l'annulation de l'arrêté du président du conseil départemental de Mayotte du 2 septembre 2016. L'UMM fait appel de cette ordonnance.

Sur les fins de non-recevoir soulevées par la société MCG :

3. En premier lieu, il ressort des articles 2 et 5 des statuts de l'UMM, tels que modifiés par ses assemblées générales du 5 juin 2007, du 28 avril 2011 et du 20 avril 2012, que cette association se compose de " membres liés aux activités du port " et a pour objet, notamment : " de connaitre, défendre ou combattre toutes questions se rattachant d'une manière quelconque aux sites portuaires de Mayotte " et d'intervenir pour la protection et la défense des intérêts de ses membres. Contrairement à ce que soutient la société MCG, un tel objet lui conférait un intérêt lui donnant qualité à agir aussi bien en première instance qu'en appel.

4. En second lieu, il ressort par ailleurs de l'article 10-3 de ses statuts que " le Président représente la personnalité civile de l'UMM en justice ". En l'absence dans ces statuts de stipulation réservant expressément à un autre organe la capacité de décider d'intenter une action devant le juge administratif, les demandes de l'UMM en première instance comme en appel, doivent, contrairement à ce que soutient la société MCG, être regardées comme régulièrement engagées par son président.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

5. L'arrêté du 3 novembre 2016, par lequel le président du conseil départemental de Mayotte a retiré son arrêté du 2 septembre précédent, a ainsi qu'il a été dit ci-dessus, été contesté par l'UMM devant le Tribunal administratif de Mayotte, qui en a d'ailleurs prononcé l'annulation par un jugement du 21 F... 2019. Le vice-président du tribunal administratif ne pouvait donc se fonder sur cet arrêté du 3 novembre 2016 qui n'était pas devenu définitif, pour constater un non-lieu à statuer sur les conclusions de l'UMM tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 septembre 2016. Son ordonnance doit par conséquent être annulée.

6. Il y a lieu pour la Cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par l'UMM devant le Tribunal administratif de Mayotte.

Sur la demande présentée par l'UMM devant le Tribunal administratif de Mayotte :

7. Pour être légalement établie - et, en particulier, ne pas revêtir le caractère d'une imposition dont seul le législateur pourrait fixer les règles - une redevance pour service rendu doit essentiellement trouver une contrepartie directe dans la prestation fournie par le service ou, le cas échéant, dans l'utilisation d'un ouvrage public et, par conséquent, doit correspondre à la valeur de la prestation ou du service. Si l'objet du paiement qui peut être réclamé à ce titre est en principe de couvrir les charges du service public, il n'en résulte pas nécessairement que le montant de la redevance ne puisse excéder le coût de la prestation fournie. Il s'ensuit que le respect de la règle d'équivalence entre le tarif d'une redevance et la valeur de la prestation ou du service peut être assuré non seulement en retenant le prix de revient de ce dernier, mais aussi, en fonction des caractéristiques du service, en tenant compte de la valeur économique de la prestation pour son bénéficiaire. Dans tous les cas, le tarif doit être établi selon des critères objectifs et rationnels, dans le respect du principe d'égalité entre les usagers du service public et des règles de la concurrence.

8. Il ressort du rapport établi par le cabinet CATRAM Consultants, au mois de mai 2016 à la demande du département pour examiner les propositions tarifaires de la société MCG que " de nombreux chiffres sont faux, contradictoires entre eux, peu vraisemblables ou absents ", et qu'il est recommandé au département de vérifier au vu des factures originales, le prix des grues et des portiques RTG, le prix du transport de ces matériels, le montant de l'octroi de mer payé et l'incidence de la défiscalisation. En l'absence de justification de ces chiffres et de production de ces éléments par le département et par la société MCG qui se borne à se référer à un autre rapport établi par M. G... I... le 18 juin 2016 qui n'est lui-même pas assorti de ces éléments, les tarifs approuvés par l'arrêté en litige ne peuvent être regardés comme établis dans le respect de la règle d'équivalence avec la valeur de la prestation, rappelée ci-dessus.

9. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa demande, l'UMM est fondée à demander l'annulation de l'arrêté du président du conseil départemental de Mayotte du 2 septembre 2016.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'UMM, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement des sommes que le département de Mayotte et la société MCG demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département de Mayotte et de la société MCG une somme globale de 1 500 euros à verser à l'UMM sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance n° 1600873 du vice-président du Tribunal administratif de Mayotte du 12 avril 2017 et l'arrêté du président du conseil départemental de Mayotte du 2 septembre 2016 sont annulés.

Article 2 : Le département de Mayotte et la société MCG verseront à l'Union Maritime de Mayotte une somme globale de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions du département de Mayotte et de la société MCG, présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'Union Maritime de Mayotte, à la société Mayotte Channel Gateway et au département de Mayotte.

Copie en sera adressée pour information au ministre des outre-mer ainsi qu'au préfet de Mayotte.

Délibéré après l'audience du 9 octobre 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,

- M. H..., président-assesseur,

- Mme Labetoulle, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 22 octobre 2019.

Le rapporteur,

J-C. H...Le président,

O. FUCHS TAUGOURDEAU

Le greffier,

T. ROBERT

La République mande et ordonne au préfet de Mayotte en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17PA22159


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA22159
Date de la décision : 22/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Formation des contrats et marchés - Mode de passation des contrats - Délégations de service public.

Ports - Utilisation des ports - Outillage.

Ports - Régime financier des ports - Divers droits et redevances perçus dans les ports.

Procédure - Incidents - Non-lieu.


Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: M. Jean-Christophe NIOLLET
Rapporteur public ?: M. BAFFRAY
Avocat(s) : MEHDI BOUDIEB et TONY JANVIER

Origine de la décision
Date de l'import : 26/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-10-22;17pa22159 ?
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