La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/10/2019 | FRANCE | N°18PA00849

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 16 octobre 2019, 18PA00849


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du

24 mars 2017 par lequel le maire de la Ville de Paris lui a infligé la sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de deux ans assortie d'un sursis de neuf mois, à compter du 17 avril 2017, et de mettre à la charge de la Ville de Paris une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1707992/2-3 du 18 janvier 2018, l

e Tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cou...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du

24 mars 2017 par lequel le maire de la Ville de Paris lui a infligé la sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de deux ans assortie d'un sursis de neuf mois, à compter du 17 avril 2017, et de mettre à la charge de la Ville de Paris une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1707992/2-3 du 18 janvier 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 13 mars 2018, M. B..., représenté par Me F... E..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1707992/2-3 du Tribunal administratif de Paris du

18 janvier 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 24 mars 2017 par lequel le maire de la Ville de Paris lui a infligé la sanction disciplinaire de deux ans d'exclusion temporaire de fonctions assortie d'un sursis de neuf mois ;

3°) de mettre à la charge de la Ville de Paris une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'une dénaturation des faits en ce qu'il n'y a ni fraude organisée ni manquement à la probité ni atteinte à l'image du service public ;

- il est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'une omission à répondre au moyen tiré de la violation de la règle selon laquelle un agent public ne peut être sanctionné deux fois à raison des mêmes faits ;

- l'arrêté contesté repose sur des faits matériellement inexacts ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant au caractère fautif des faits qui lui sont reprochés et au caractère disproportionné de la sanction ;

- l'arrêté litigieux méconnaît le principe selon lequel un agent public ne peut être sanctionné deux fois à raison des mêmes faits.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 juillet 2018, le maire de la Ville de Paris, représentée par la SCP Foussard-D..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de M. B... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par ordonnance du 2 janvier 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 17 janvier 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 94-415 du 24 mai 1994 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme G...,

- les conclusions de Mme Jimenez, rapporteur public,

- et les observations de Me A... D..., représentant la Ville de Paris.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., recruté le 14 janvier 2002 en qualité d'ouvrier professionnel des sports contractuel, puis nommé ouvrier professionnel des sports stagiaire le 2 septembre 2002 et titularisé par un arrêté du 3 septembre 2003, a été reclassé adjoint technique des installations sportives le 1er août 2007. Affecté à la direction de la jeunesse et des sports, au centre sportif Beaujon le 2 avril 2014, il a fait l'objet le 24 mars 2017 d'une sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de vingt-quatre mois assortie d'un sursis de neuf mois au motif qu'il avait le 24 janvier 2016, alors qu'il exerçait les fonctions de mandataire de caisse, commis une faute grave dans la tenue de la caisse du centre sportif Beaujon. Par un jugement du 18 janvier 2018 dont l'intéressé fait appel, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a soutenu, dans un mémoire en réplique du 20 septembre 2017 communiqué à la Ville de Paris, à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'arrêté du 24 mars 2017 critiqué, qu'il avait méconnu le principe selon lequel un agent public ne peut être sanctionné deux fois à raison des mêmes faits au motif que, par un arrêté du 27 avril 2016, il avait déjà été sanctionné, ses fonctions de mandataire de caisse lui ayant été retirées ainsi que la nouvelle bonification indiciaire attachée à ses fonctions. En omettant de répondre à ce moyen, qui n'était pas inopérant, les premiers juges ont entaché d'irrégularité le jugement attaqué. M. B... est donc fondé à en demander pour ce motif l'annulation.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions de M. B... devant le Tribunal administratif de Paris et la Cour administrative d'appel de Paris.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

4. Aux termes de l'article 29 de la loi susvisée du 13 juillet 1983, dans sa rédaction alors en vigueur : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale ". L'article 89 de la loi susvisée du 26 janvier 1984, alors applicable, précise que : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes :

/ Premier groupe : / l'avertissement ; / le blâme ; / l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours ; / Deuxième groupe : / l'abaissement d'échelon ; / l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de quatre à quinze jours ; / Troisième groupe : la rétrogradation ; / l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de seize jours à deux ans ; / Quatrième groupe : la mise à la retraite d'office ; la révocation. / [...] ". Enfin, il ressort de l'article 14 du décret du 24 mai 1994 susvisé que : " Pour l'application de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée, les seize premiers alinéas sont rédigés comme suit : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes. / Premier groupe : / - l'avertissement ; / - le blâme. / Deuxième groupe : / la radiation du tableau d'avancement ; / - l'abaissement d'échelon ; / - l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de quinze jours ; / - le déplacement d'office. / Troisième groupe : / - la rétrogradation ; / - l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois à deux ans. / Quatrième groupe : / - la mise à la retraite d'office ; / - la révocation " [...] ".

5. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

6. Il ressort des termes de l'arrêté attaqué que M. B... a fait l'objet d'une exclusion temporaire de fonctions de vingt-quatre mois assortie d'un sursis de neuf mois aux motifs que le 24 avril 2016, alors qu'il occupait les fonctions de mandataire de caisse au centre sportif Beaujon, il a, d'une part, vendu à un usager des tickets d'entrée émis en 2015 à des dates différentes " laissant ainsi penser qu'il a participé à un système de fraude organisée ", a refusé audit usager la possibilité de s'acquitter du paiement de ses tickets par carte bancaire alors que le terminal de paiement fonctionnait ce jour-là, d'autre part, invoqué un dysfonctionnement des tripodes, pour bloquer leur accès, et faire ainsi obstacle à tout contrôle et validation des tickets sans avoir préalablement signalé quelque difficulté matérielle rencontrée dans l'exercice de ses fonctions ce jour-là . Il est ainsi reproché à M. B... d'avoir nui à l'image du service public et d'avoir manqué à ses obligations de probité.

7. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. B..., qui était le seul mandataire de caisse en fonction le 24 janvier 2016, a vendu huit tickets d'entrée à la piscine du centre sportif Beaujon, émis en 2015 par différents caissiers à des dates différentes, dont un a été émis à la piscine Champerret, ainsi que cela ressort de la mention manuscrite qui y a été apposée. Si le requérant soutient qu'il a bloqué les tripodes en raison d'une avarie, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il a signalé ce prétendu dysfonctionnement auprès du service compétent alors qu'il ne pouvait ignorer la procédure à suivre en cas de panne, celle-ci étant affichée en caisse, et qu'il n'est pas contesté que ces équipements fonctionnaient tant la veille que le lendemain de l'incident. Par ailleurs, si M. B... soutient qu'il a refusé à l'usager le paiement par carte bancaire en raison d'un manque de rouleaux de papier, il ne ressort pas davantage des pièces du dossier qu'il aurait signalé un défaut d'approvisionnement en papier du terminal de paiement alors qu'il a procédé le même jour à soixante-deux encaissements par carte bancaire. Dans ces circonstances, en empêchant le franchissement des tripodes, M. B... a empêché tout contrôle et toute validation des tickets d'entrée et n'a, de ce fait, pas respecté les consignes de fonctionnement de la piscine. L'ensemble de ces faits, qui ne sont pas sérieusement contestés par M. B..., révèlent des manoeuvres destinées à détourner une partie des recettes tirées des redevances versées par les usagers de la piscine et constituent un manquement grave à l'obligation de probité qui s'impose à tout fonctionnaire de nature à justifier le prononcé d'une sanction disciplinaire. Il suit de là que M. B... n'est fondé ni à contester la matérialité des faits reprochés décrits ci-dessus qui sont établis, ni à soutenir que la qualification de ceux-ci par l'auteur de l'arrêté contesté serait inexacte.

8. En deuxième lieu, eu égard, d'une part, à la gravité des faits commis dans l'exercice des fonctions de mandataire de caisse exercées par M. B... lesquelles requièrent un degré élevé de probité et d'autre part, à l'atteinte portée à l'image du service public, la sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de vingt-quatre mois assortie d'un sursis de neuf mois n'apparaît pas disproportionnée nonobstant les circonstances que M. B... a bien été noté, n'a aucun antécédent disciplinaire et serait, en raison de l'exécution de la sanction disciplinaire prononcée à son encontre, exposé à des difficultés financières.

9. En troisième et dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du

27 avril 2016 par lequel il a été mis fin à ses fonctions de mandataire de caisse ne présente pas, dans les conditions où elle est intervenue, le caractère d'une sanction disciplinaire déguisée. Par conséquent, M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté litigieux se fonde sur des faits qui avaient déjà fait l'objet d'une sanction. Par suite, le moyen dirigé contre la décision du

24 mars 2017 et tiré de ce que M. B... aurait été sanctionné deux fois à raison des mêmes faits ne peut qu'être écarté comme manquant en fait.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est seulement fondé à obtenir l'annulation, pour irrégularité, du jugement attaqué.

Sur les conclusions à fin d'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la Ville de Paris, qui n'est pas la partie perdante, la somme que demande l'appelant au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il y a en revanche lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... une somme de 500 euros sur le fondement des mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1707992/2-3 du 18 janvier 2018 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le Tribunal administratif de Paris et ses conclusions présentées devant la Cour sont rejetées.

Article 3 : M. B... versera une somme de 500 (cinq cents) euros à la Ville de Paris en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et à la Ville de Paris.

Délibéré après l'audience du 2 octobre 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme Appèche, président,

- M. Magnard, premier conseiller,

- Mme G..., premier conseiller.

Lu en audience publique le 16 octobre 2019.

Le rapporteur,

S. G...Le président assesseur,

En application de l'article R. 222-26 du code

de justice administrative,

S. APPECHE

Le greffier,

S. DALL'AVALa République mande et ordonne au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 18PA00849 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA00849
Date de la décision : 16/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme APPECHE
Rapporteur ?: Mme Sonia BONNEAU-MATHELOT
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : SCP FOUSSARD-FROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-10-16;18pa00849 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award