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09/10/2019 | FRANCE | N°18PA02693

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 09 octobre 2019, 18PA02693


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... A... a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à l'annulation de la décision du 13 avril 2016 par laquelle le Haut conseil du commissariat aux comptes l'a licenciée et à la condamnation de ce dernier à lui verser une somme de 216 334,37 euros, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts en réparation des préjudices subis, outre des conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1703395/

5-2 du 14 juin 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Pro...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... A... a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à l'annulation de la décision du 13 avril 2016 par laquelle le Haut conseil du commissariat aux comptes l'a licenciée et à la condamnation de ce dernier à lui verser une somme de 216 334,37 euros, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts en réparation des préjudices subis, outre des conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1703395/5-2 du 14 juin 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 4 août 2018, Mme A..., représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 14 juin 2018 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision mentionnée ci-dessus du 13 avril 2016 ;

3°) de condamner le Haut conseil du commissariat aux comptes à lui verser la somme de 244 745,11 euros en réparation de ses préjudices, somme assortie des intérêts à compter du 29 décembre 2016 et de la capitalisation des intérêts à compter du 29 décembre 2017 et à chaque échéance annuelle suivante ;

4°) de mettre à la charge du Haut conseil du commissariat aux comptes une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision de licenciement attaquée est entachée d'incompétence ;

- elle est illégale puisque le Haut conseil du commissariat aux comptes n'a pas supprimé l'emploi de secrétaire général adjoint ;

- elle lui a causé un préjudice financier s'élevant à 41 640,11 euros et un préjudice moral, dont il sera fait une juste appréciation en l'évaluant à la somme de 5 000 euros ; elle est donc fondée à demander à ce titre la condamnation indemnitaire du Haut conseil du commissariat aux comptes ;

- le Haut conseil du commissariat aux comptes a commis des fautes dans l'exécution de son contrat, d'une part, en mettant en oeuvre irrégulièrement le régime du " forfait-jour ", d'autre part, pour erreur manifeste d'appréciation s'agissant des conditions de fixation de la prime de résultat au titre des années 2011 à 2015 et de l'absence d'évaluation au titre des années 2011 et 2012 ; elle est fondée à demander la condamnation indemnitaire du Haut conseil à hauteur de 150 000 euros et 25 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 octobre 2018, le Haut conseil du commissariat aux comptes conclut au rejet de la requête et demande, en outre, qu'une somme de 4 500 euros soit mise à la charge de Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- l'ordonnance n° 2016-315 du 17 mars 2016 ;

- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public,

- les observations de Me C... pour Mme A...,

- et les observations de Me D... pour le Haut conseil du commissariat aux comptes.

Une note en délibéré, enregistrée le 27 septembre 2019, a été présentée pour Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice du 17 octobre 2010, Mme A... a été nommée secrétaire générale adjointe du Haut conseil du commissariat aux comptes (Haut conseil). Un contrat d'engagement a alors été conclu le 21 octobre 2010 entre Mme A... et le secrétaire général du Haut conseil, pour une durée de trois ans à compter du 4 novembre 2010. Le 10 octobre 2013, son contrat a été prorogé, jusqu'au 3 novembre 2015, puis jusqu'au 3 novembre 2016, mais, par une décision du 13 avril 2016, Mme A... a été licenciée au 17 juin 2016, l'emploi de secrétaire général adjoint au sein du Haut conseil ayant été supprimé à compter de cette date. Mme A... a alors saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à l'annulation de cette décision du 13 avril 2016 et à la condamnation du Haut conseil à lui verser une somme de 216 334,37 euros, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts en réparation des préjudices qu'elle estimait avoir subis en raison de son licenciement illégal, des conditions d'exécution illégales de son contrat et des fautes commises par le Haut conseil dans le calcul de sa prime. Mme A... relève appel du jugement du 14 juin 2018 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté ces demandes.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 13 avril 2016 :

2. En premier lieu, ainsi qu'il vient d'être dit au point 1, Mme A... était liée au Haut conseil par un contrat de travail, qui prévoyait en son article 17 que les cocontractants se réservent réciproquement le droit de mettre fin au contrat. Par suite le secrétaire général du Haut conseil, qui a la charge en vertu de l'article R. 821-14-2 du code du commerce, de gérer et licencier le personnel, était bien compétent pour procéder à son licenciement, l'emploi de secrétaire général adjoint au sein du Haut conseil, étant supprimé à compter de la date d'entrée en vigueur de l'ordonnance visée ci-dessus du 17 mars 2016. La circonstance que Mme A... ait été nommée par un arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice, en vertu de l'article

R. 821-1-1 du code du commerce dans sa version applicable au litige, est à cet égard sans incidence. Par suite, et alors qu'aucun texte législatif ou règlementaire ni aucun principe ne prévoit que le ministre aurait été seul compétent pour licencier Mme A..., le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision attaquée doit être écarté.

3. En second lieu, aux termes de l'article 45-3 du décret visé ci-dessus du 17 janvier 1986 : " Sans préjudice des dispositions relatives au licenciement pour faute disciplinaire, pour insuffisance professionnelle ou pour inaptitude physique, le licenciement d'un agent contractuel recruté pour répondre à un besoin permanent doit être justifié par l'un des motifs suivants : 1° La suppression du besoin ou de l'emploi qui a justifié le recrutement de l'agent ; (...) ".

4. L'ordonnance visée ci-dessus du 17 mars 2016, entrée en vigueur le 17 juin 2016, a qualifié le Haut conseil du commissariat aux comptes d'autorité publique indépendante, a modifié son mode de fonctionnement et d'organisation et a supprimé l'emploi de secrétaire général adjoint. Comme l'a souligné à juste titre le tribunal, aucun texte, ou aucune décision du ministre ou du Haut conseil n'était nécessaire pour que cette suppression d'emploi soit effective. Par ailleurs, le Haut conseil n'était pas tenu, à la suite de la suppression du poste de secrétaire général adjoint de créer un poste équivalent. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, le Haut conseil pouvait légalement licencier Mme A... au motif que son poste avait été supprimé, en application des dispositions citées au point 3 de l'article 45-3 du décret du 17 janvier 1986.

5. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de la décision du 13 avril 2016.

Sur les conclusions indemnitaires :

6. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que la décision de licenciement du 13 avril 2016 n'est pas entachée d'illégalité et n'est donc pas fautive. Par suite, elle n'est pas susceptible d'engager la responsabilité de l'administration. Les conclusions indemnitaires présentées par Mme A... tendant à la réparation du préjudice financier et du préjudice moral causés par cette décision doivent donc être rejetées.

7. En deuxième lieu, aucun texte législatif ou règlementaire ni aucun principe n'interdisait au Haut conseil de prévoir dans le contrat de travail de Mme A..., qu'elle serait soumise, en ce qui concerne le temps de travail, au " forfait-jour ". Mme A..., qui occupait un emploi de cadre supérieur et qui n'avait jamais remis en cause ce régime avant son licenciement, n'établit pas que les conditions générales de recrutement, d'emploi et de rémunération du personnel du Haut conseil, auxquelles se réfère son contrat de travail, ne pouvaient légalement prévoir un tel régime. Ainsi, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que le Haut conseil aurait commis une faute à ce titre. Par suite, les conclusions de Mme A... tendant à la réparation des préjudices qu'elle aurait subis du fait de la mise en oeuvre, selon elle irrégulière, du " forfait-jour ", doivent être rejetées.

8. En troisième lieu, Mme A... soutient que la prime de résultats qu'elle a perçue depuis 2011 n'a jamais atteint le taux de 15% de sa rémunération et que cette prime a été fixée par le collège du Haut conseil sans prise en compte du travail qu'elle a effectivement fourni. Or, la convention portant rémunération du secrétaire général adjoint du Haut conseil en date du 20 octobre 2010 prévoyant une prime annuelle de résultat dont le montant est arrêté en fin d'exercice par les membres du collège dans la limite de 15% de la rémunération totale, Mme A... ne peut se prévaloir d'aucun droit à l'attribution du taux de prime maximal de 15%. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que le Haut conseil aurait fixé ses taux de prime de résultat de 2011 à 2015, sans tenir compte du travail accompli et ce, même si Mme A... n'a pas bénéficié d'entretiens d'évaluation en 2011 et 2012, alors qu'il résulte en particulier des procès-verbaux des séances du Haut conseil au cours desquelles le taux de prime a été décidé, que ce taux était fixé en fonction du budget de l'autorité et du travail accompli par Mme A.... Dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que le Haut conseil aurait entaché son évaluation des mérites professionnelles de Mme A... d'erreur manifeste d'appréciation, en fixant les taux de cette prime de résultat de 2011 à 2015 respectivement à 8,3%, 11%, 11%, 12,5% et 13,1%.

9. En quatrième et dernier lieu, si le Haut conseil a commis une faute en n'organisant pas d'entretiens d'évaluation au titre des années 2011 et 2012, Mme A..., qui se borne à soutenir qu'elle subi de ce fait un préjudice moral, n'établit pas la réalité du préjudice dont elle demande réparation sur ce fondement.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions indemnitaires.

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du Haut Conseil du commissariat aux comptes qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que Mme A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Enfin, dans les circonstances de l'espèce, il n'y pas lieu de faire droit aux conclusions du Haut Conseil du commissariat aux comptes et tendant à l'application du même article.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le Haut Conseil du commissariat aux comptes sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... A... et au Haut Conseil du commissariat aux comptes.

Délibéré après l'audience du 24 septembre 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- M. B..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 octobre 2019.

Le rapporteur,

D. PAGESLe président,

O. FUCHS TAUGOURDEAU

Le greffier,

A-L. CHICHKOVSKY-PASSUELLO

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 18PA02693 4


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA02693
Date de la décision : 09/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Cessation de fonctions.

Fonctionnaires et agents publics - Agents contractuels et temporaires.


Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: M. Dominique PAGES
Rapporteur public ?: M. BAFFRAY
Avocat(s) : SELARL FGD AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-10-09;18pa02693 ?
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