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03/10/2019 | FRANCE | N°19PA01587

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 03 octobre 2019, 19PA01587


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler l'arrêté du 7 novembre 2018 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination, d'autre part, d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter du jugement à interve

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Par un jugement n° 1822362/6-2 du 8 avril 2019, le Tribunal administratif...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler l'arrêté du 7 novembre 2018 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination, d'autre part, d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir.

Par un jugement n° 1822362/6-2 du 8 avril 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 10 mai 2019 et des pièces complémentaires enregistrées le 19 septembre 2019, Mme B..., représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris du 8 avril 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de police du 7 novembre 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a renversé la charge de la preuve en estimant qu'il lui appartenait de démontrer que ses traitements médicaux seraient toujours indisponibles au Pakistan dans la région de Lahore alors qu'ils l'étaient il y a un an ou deux ;

- elle souffre d'une polypathologie consistant en une lourde cardiopathie, une hypertension artérielle, un diabète insulinodépendant et une pathologie vertébrale nécessitant la présence d'un tiers, puisqu'elle se déplace en fauteuil roulant ;

- ses facultés contributives ne lui permettent pas de faire face aux dépenses d'acheminement des médicaments dont elle a besoin ;

- il n'a pas été tenu compte des risques qu'elle encourt en raison de sa religion, risque qui a été reconnu par la Cour national du droit d'asile (CNDA) dans sa décision du 31 décembre 2018 sur ses enfants ; elle est fondée à invoquer l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- si elle a un fils en Italie et une fille au Pakistan, elle a en France deux fils dont l'un est français ; elle est dès lors fondée à invoquer l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 8 juillet 2019 le préfet de police conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- et les observations de Me C... pour Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante pakistanaise née le 15 octobre 1950, a sollicité le renouvellement de son titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Par un arrêté du 7 novembre 2018, le préfet de police de Paris a rejeté cette demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Elle relève appel du jugement du 8 avril 2019 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...). La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège des médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que pour refuser de renouveler le titre de séjour de

Mme B... sur le fondement des dispositions précitées, le préfet de police a estimé, après avis du collège des médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) en date du 1er septembre 2018, que si l'état de santé de Mme B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il existe un traitement effectivement approprié à sa pathologie eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans son pays d'origine et que les éléments du dossier ne mettent pas en évidence de risque pour elle de voyager vers son pays d'origine. Mme B... soutient, d'une part, que le tribunal a renversé la charge de la preuve en estimant qu'il lui appartenait de démontrer que ses traitements médicaux seraient toujours indisponibles au Pakistan, dans la région de Lahore, alors qu'ils l'étaient déjà il y a un an ou deux. Toutefois, il ressort de sa requête de première instance que si Mme B... s'y est prévalu de son état de santé, elle y indiquait que " si des traitements dont elle a besoin peuvent sans doute être dispensés au Pakistan, il en était autrement de l'assistance permanente dont elle a besoin " et se prévalait de son état de dépendance ainsi que de l'absence de logement adapté à son handicap au Pakistan. Par suite, et dès lors qu'il n'appartenait pas au préfet de police d'établir l'insuffisance des ressources de Mme B... au Pakistan, ni l'indisponibilité d'un traitement dont elle n'indiquait pas le contenu, c'est à bon droit que le tribunal administratif a considéré que la requérante n'apportait aucun élément de nature à contredire l'avis du collège des médecins de l'OFII.

4. Si, d'autre part, Mme B... fait valoir devant la Cour qu'elle souffre d'une polypathologie consistant en une lourde cardiopathie, une hypertension artérielle, un diabète insulinodépendant et une pathologie vertébrale nécessitant la présence d'un tiers et que ses facultés contributives ne lui permettraient pas de faire face au Pakistan aux dépenses d'acheminement des médicaments dont elle a besoin, elle produit un certificat médical établi par un médecin généraliste le 27 février 2019, soit postérieurement à l'arrêté contesté, qui ne porte aucune indication sur la disponibilité et l'accessibilité effective des soins nécessaires à Mme B... au Pakistan. Par suite, le moyen doit être écarté.

5. Mme B... soutient, en deuxième lieu, qu'elle est fondée à invoquer l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que l'arrêté contesté n'a pas tenu compte des risques qu'elle encourt au Pakistan en raison de sa religion, risque qui a été reconnu par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) dans sa décision du 31 décembre 2018 relative à l'octroi du statut de réfugié à deux de ses enfants. Toutefois,

Mme B... qui n'a pas présenté de demande d'asile en France, n'apporte à l'appui de ce moyen qui doit être regardé comme dirigé contre la décision fixant le pays de renvoi, aucun justificatif relatif à des risques personnels et actuels qu'elle encourrait en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, il ne peut qu'être écarté.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. Mme B... soutient que l'arrêté litigieux a été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que si elle a un fils en Italie et une fille au Pakistan, elle a en France une fille et deux fils, dont l'un est français, l'héberge et prend soin d'elle. Toutefois, Mme B... est arrivée en France le 5 janvier 2015 selon ses déclarations, soit trois ans à la date de l'arrêté contesté. Elle ne justifie pas être isolée dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de

65 ans et où résident, selon ses déclarations, sa fille, son frère et deux soeurs, ni que son fils de nationalité française serait seul en mesure de l'héberger et de l'assister. Par suite, l'arrêté attaqué n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel il a été pris et n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à Mme F... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera délivrée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 23 septembre 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme A..., président de chambre,

- Mme D..., présidente assesseure,

- M. Mantz, premier conseiller.

Lu en audience publique le 3 octobre 2019.

La rapporteure,

M. D...Le président,

M. A...Le greffier,

I. BEDR

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 19PA01587 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA01587
Date de la décision : 03/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Marianne JULLIARD
Rapporteur public ?: M. BARONNET
Avocat(s) : PIQUOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 24/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-10-03;19pa01587 ?
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