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03/10/2019 | FRANCE | N°19PA01361

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 03 octobre 2019, 19PA01361


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Air Tahiti a demandé au Tribunal administratif de Polynésie française, d'une part, d'annuler la décision du 3 août 2018 par laquelle l'inspecteur du travail de la Polynésie française a refusé l'autorisation de licencier M. E... B..., d'autre part, d'enjoindre à l'inspecteur du travail d'autoriser le licenciement du salarié.

Par un jugement n° 1800317 du 19 février 2019, le Tribunal administratif de Polynésie française a fait droit à sa demande d'annulation de la décision du 3 ao

t 2018 et rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la Cour
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Air Tahiti a demandé au Tribunal administratif de Polynésie française, d'une part, d'annuler la décision du 3 août 2018 par laquelle l'inspecteur du travail de la Polynésie française a refusé l'autorisation de licencier M. E... B..., d'autre part, d'enjoindre à l'inspecteur du travail d'autoriser le licenciement du salarié.

Par un jugement n° 1800317 du 19 février 2019, le Tribunal administratif de Polynésie française a fait droit à sa demande d'annulation de la décision du 3 août 2018 et rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la Cour

Par une requête enregistrée le 18 avril 2019, M. B..., représenté par le cabinet Athon- Perez, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 19 février 2019 du Tribunal administratif de Polynésie française ;

2°) de rejeter la demande présentée par Air Tahiti présentée devant le tribunal administratif ;

3°) de condamner la société Air Tahiti à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la minute du jugement attaqué est dépourvue de signature ;

- le jugement attaqué est entaché d'une contradiction interne en ce qu'il indique dans ses motifs qu'il implique que l'inspecteur du travail statue à nouveau sur la demande d'autorisation de licenciement alors que le dispositif ne reprend pas l'injonction de réexamen de la demande ;

- le jugement attaqué est entaché d'une insuffisance de motivation en ce qui concerne le lien entre la demande de licenciement et le mandat ;

- l'insuffisance professionnelle n'est pas établie ; en ce qui concerne le contrôle en ligne (CEL) du 10 mai 2017, le tribunal avait jugé le 15 mai 2018 qu'il avait signalé la panne, rédigé un compte-rendu matériel (CRM) a posteriori et avait demandé à Atuona un dépannage et ces constatations sont revêtues de l'autorité de la chose jugée ; le GO/NO GO GUIDE ne définissait pas de la panne du système audio comme étant une panne pour laquelle il ne convenait pas de décoller ; avant de décoller il a recueilli l'avis de l'instructeur contrôleur de la compagnie présent à bord qui n'a émis aucune contre-indication au décollage ; il a rédigé un CRM remis au service technique qui l'a pris en compte pour effectuer son remplacement à Atuona ; en ce qui concerne le roulage au sol, il a suivi un marquage au sol qui permettait de rejoindre directement le parking de stationnement en l'absence d'avions stationnés et a donc pleine connaissance des règles du roulage au sol et de la nécessité d'adapter son comportement aux nécessités ;

- en ce qui concerne le CEL du 6 décembre 2017, il y a lieu de s'interroger sur la note " non acceptable " qu'il n'avait jamais reçue de toute sa carrière ; la vérification de la quantité de carburant a été confiée au copilote qui était un commandant de bord instructeur ; si sa réponse concernant le dégivrage et l'antigivrage lui a valu la note éliminatoire de 1, elle n'était pas contraire aux indications du manuel d'exploitation (Manex) ; les premiers juges n'ont pas tenu compte des circonstances qu'il n'a pas été programmé durant son entraînement sur la route prévue pour son CEL et qu'il a été soumis lors de ce CEL à une situation d'urgence fictive, en contradiction avec le Manex et qu'il n'avait pas été programmé à un CEL pendant six mois, en violation des procédures du Manex avec des effets de perte des critères d'expérience ;

- il a prorogé sa qualification de pilote d'avion de transport régional le 29 janvier 2017, 15 janvier 2018 et 3 mars 2019, le DGAC le considérant comme apte à piloter ; à la date du jugement attaqué, il était donc bien titulaire de la licence de pilote de ligne et es qualifications ATR42/72 (IR) nécessaires ;

- la compagnie Air Tahiti semble avoir recours aux CEL pour licencier les pilotes trop couteux ou gênants ; le suicide de l'un d'entre eux a poussé les salariés à une grève pour dénoncer le climat de tension ;

- lors de la première demande de licenciement, la société Air Tahiti aurait été en mesure d'invoquer l'insuffisance professionnelle ;

- l'incident du 26 avril 2017 au cours duquel il lui est reproché d'avoir maintenu une altitude supérieure aux recommandations ne traduit pas une insuffisance professionnelle mais démontre que grâce à son expérience, l'avion a évité un nuage dangereux de très grande ampleur qui aurait pu avoir des conséquences graves pour la suite du vol ; en tout état de cause, si l'incident avait mis en danger les personnes à bord, la compagnie n'aurait pas mis deux ans avant de l'apporter à l'appui de sa demande de licenciement ;

- l'incident du 3 août 2016 au cours duquel il lui est reproché d'avoir tenté de décoller alors que les volets de son avion n'étaient pas en position de décollage, la décision d'arrêter le décollage a été prise à temps grâce à son expérience et ses compétences ;

- l'incident du 8 août 2017 au cours duquel il lui est reproché d'avoir remis les gaz à l'approche d'une piste en travaux, l'avion est parti à l'heure ce qui prouve qu'il s'est bien présenté au moins à H-45 pour étudier le vol et c'est le copilote qui n'avait pas l'information actualisée sur les travaux et qui n'a pas été sanctionné ; il a parfaitement réagi grâce à son expérience et le contrôleur aérien en service n'a rédigé aucun compte-rendu sur l'incident qui est invoqué par la compagnie deux ans après les faits ;

- la compagnie Air Tahiti n'a pas respecté la confidentialité des CRV, en violation du règlement UE 376/2014 du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014 , ce qui l'avait conduit à démissionner de ses fonctions d'officier de sécurité le 21 avril 2006 ; elle se base essentiellement sur des CRV qu'il a lui-même rédigés pour demander son licenciement ; la compagnie ne peut lui opposer l'additif au règlement intérieur entré en vigueur le 30 janvier 2017 pour des événements s'étant déroulés en 2016 ; en tout état de cause, les dérogations qu'il prévoit à la protection du rédacteur des CRV ne concernent que des sanctions disciplinaires et aucunement l'insuffisance professionnelle, tout comme l'article 16 du règlement UE 376/2014 ; tous les incidents ayant fait l'objet d'un CRV et dont aucun n'a fait l'objet d'une sanction après leur survenue, ne peuvent être utilisés contre lui ;

- il est un syndicaliste très actif et contestataire ; à la différence d'autres salariés grévistes en mai 2016, il s'est vu décompter ses journées de grève ; la compagnie a refusé de le réintégrer à l'issue du premier jugement du tribunal administratif et ne l'a fait que contrainte par le juge des référés du Tribunal du travail de Papeete par ordonnance du 23 octobre 2017 ; il apporte de nombreux indices de discrimination syndicale et l'inspecteur du travail a retenu dans ses deux décisions de refus de licenciement l'existence d'un lien avec ses mandats ;

- en ce qui concerne les offres de reclassement, aucune n'était sérieuse et le poste de copilote ne lui a été proposé qu'à sa demande et la condition de maintien de son salaire qu'il a posée n'était pas exorbitante.

Par un mémoire en défense et d'appel incident enregistré le 17 mai 2019, la Polynésie française, représentée par Me D..., conclut à l'annulation du jugement attaqué, au rejet de la demande présentée par Air Tahiti devant le tribunal administratif et à la condamnation de la société Air Tahiti à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- contrairement à ce qu'ont affirmé les premiers juges, M. B... était titulaire d'une licence en cours de validité qu'il a prorogée, après son ajournement au contrôle en ligne, pour la dernière fois en mars 2019 ; l'échec aux contrôles en ligne dont l'objet est de vérifier l'aptitude du pilote à réaliser un vol en appliquant les procédures du manuel d'exploitation propre à la compagnie, ne prive pas un pilote du bénéfice de sa licence ;

- les conditions dans lesquelles les contrôles en ligne ont été effectués ont fortement compromis les chances de M. B... de réussir dès lors qu'il était déstabilisé par sa convocation deux jours avant le contrôle du 10 mai 2017 à un entretien avec le directeur des opérations aériennes préalable à l'engagement d'une procédure disciplinaire et que le second contrôle en ligne réalisé le 6 décembre 2017 a été programmé plus de six mois après le premier, entraînant une perte des conditions d'expérience, dans un contexte conflictuel de refus de son employeur de procéder à sa réintégration ; le tribunal n'a pas pris en compte le caractère déstabilisant de ces conditions ; les contrôles en lignes sont effectués par un commandant instructeur agréé par la DGAC et salarié d'Air Tahiti ; en ce qui concerne le contrôle en ligne du 10 mai 2017, la société Air Tahiti ne tient pas compte de l'erreur du constructeur dans la NO GO LIST pourtant retenue par l'inspecteur du travail ; après le premier jugement du tribunal administratif, la société Air Tahiti aurait dû le recevoir pour préparer sa réintégration ; il n'est pas possible de se servir de ces contrôles pour établir l'insuffisance professionnelle de M. B... qui a été soumis à des contrôle en ligne tout au long de sa carrière, soit près d'une vingtaine d'années ;

- si le tribunal a retenu une insuffisance professionnelle générale alors que les faits invoqués avaient préalablement été considérés comme fautifs ; si l'entreprise les avait considérés comme relevant d'une insuffisance professionnelle elle aurait dû en tirer les conséquences en 2016 et 2017 ; l'insuffisance professionnelle doit s'apprécier au regard de l'ensemble de l'activité du salarié, or M. B... est pilote à Air Tahiti depuis 20 ans, a été promu commandant de bord au sein de la compagnie il y a 14 ans et a même exercé les fonctions d'officier de sécurité des vols pendant plus d'une année ;

- les événements de 2016 mis en avant par la société Air Tahiti pour démontrer l'insuffisance professionnelle de M. B... reposent sur des comptes-rendus de vols (CRV) établis dans le cadre du système de sécurité ne comportant aucune indication sur l'identité du personnel, conformément à l'article 33 du règlement UE 376/2014 du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014 qui ne peuvent être utilisés contre ceux qui les ont notifiés en cas de procédure disciplinaire ou administrative ; le document relatif à la " culture juste " d'Air Tahiti n'était pas applicable à la date des faits litigieux ; la société Air Tahiti ne démontre pas que M. B... se serait rendu coupable de méconnaissance caractérisée, sérieuse et grave d'un risque évident et de manquements très graves à l'obligation professionnelle de prendre des mesures manifestement requises dans ces circonstances causant un dommage qui était prévisible à une personne ou à un bien ou ayant pour effet de compromettre sérieusement le niveau de la sécurité aérienne ; elle n'explique pas comment elle a pu lever l'anonymat des CRV établis par M. B... pour en faire état dans la procédure de licenciement et cette levée de la protection apparaît illicite ;

- la société Air Tahiti n'établit pas qu'elle aurait proposé des formations spécifiques pour remédier à l'insuffisance professionnelle dont aurait fait preuve M. B... ;

- dans sa demande, la société Air Tahiti met en avant deux événements tirés du

non-respect des procédures de vols ayant abouti à une remise de gaz le 8 août 2016 et du

non-respect de la procédure applicable lors de la panne survenue le 10 mai 2017 qui ont été écartés dans le jugement du 15 mai 2018, de telle manière qu'il ne peuvent pas plus être retenus pour établir l'insuffisance professionnelle que pour motiver une sanction disciplinaire ;

- en ce qui concerne le lien avec le mandat, le tribunal ne pouvait tirer aucune conclusion résultant d'un précédent jugement alors que le motif de licenciement invoqué n'était pas de même nature ; le tribunal ne pouvait écarter ce lien sans examiner le faisceau d'indices de discrimination relevés par l'inspecteur du travail, tels que les prises de position critiques de M. B... dans l'exercice de ses mandats, la concomitance entre l'insuffisance alléguée et l'obtention de ces mandats, le refus de réintégrer le salarié après la décision de l'inspecteur du travail refusant son licenciement, le délai de six mois entre les deux contrôles en ligne, l'absence d'envoi du programme de formation malgré sa demande, l'absence de proposition de poste de reclassement en qualité de copilote, l'engagement d'une seconde procédure de licenciement et le second refus de réintégration après le nouveau refus de l'inspection du travail ;

- les relations sociales au sein d'Air Tahiti sont marquées par les difficultés de fonctionnement des institutions représentatives du personnel, la dénonciation de la convention collective par la direction débouchant sur une grève en mai 2016, et l'engagement de procédures disciplinaires contre deux autres représentants du personnel, conduisant l'inspection du travail à intervenir ; postérieurement au jugement attaqué, Air Tahiti n'a pas programmé M. B... aux épreuves en vue de la prorogation de sa licence et des qualifications, comme il lui appartenait de le faire, et a sanctionné un délégué du personnel du même syndicat que M. B... ; en présence d'un lien avec les mandats, l'inspecteur du travail était tenu de refuser le licenciement de M. B....

Par un mémoire enregistré le 10 juillet 2019, la société Air Tahiti, représentée par Me H..., conclut au rejet de la requête et à la confirmation du jugement attaqué ainsi qu'à la condamnation de la Polynésie française à lui verser la somme de 500 000 F CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que les moyens de la requête et ceux présentés par la Polynésie française ne sont pas fondés ;

Un mémoire, enregistré le 9 septembre 2019, a été présenté pour M. B....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement UE n° 376/2014 du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014 concernant les comptes rendus, l'analyse et le suivi d'événements dans l'aviation civile ;

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;

- le code de l'aviation civile ;

- le code du travail de la Polynésie française ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F...,

- les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public,

- et les observations de Me C... pour M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. E... B... a été recruté par la société Air Tahiti en 1998 en qualité de copilote, puis a été promu commandant de bord en 2004. Il a été désigné en tant que délégué syndical par le Syndicat Autonome du Personnel Navigant Technique d'Air Tahiti le 27 octobre 2015 et a été élu délégué du personnel suppléant le 28 juillet 2016. La société Air Tahiti a déposé une première demande tendant à obtenir l'autorisation de licencier M. B... pour motifs disciplinaires, qui a été rejetée par décision du 28 juillet 2017 de l'inspecteur du travail, confirmée par jugement du

15 mai 2018 du Tribunal administratif de Polynésie Française. La société Air Tahiti a déposé une seconde demande tendant à obtenir l'autorisation de licencier M. B... pour insuffisance professionnelle. L'inspecteur du travail a rejeté cette nouvelle demande par une décision du 3 août 2018. La société Air Tahiti a demandé au Tribunal administratif de Polynésie Française, d'une part, d'annuler la décision du 3 août 2018, d'autre part, d'enjoindre à l'inspecteur du travail d'autoriser le licenciement de M. B.... Par le jugement attaqué du 19 février 2019, dont M. B... relève appel, le tribunal a fait droit à sa demande d'annulation de la décision du 3 août 2018 et rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En vertu des dispositions du code du travail de la Polynésie française, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par l'inaptitude physique, il appartient à l'inspecteur du travail de rechercher, sous le contrôle du juge, si cette inaptitude est telle qu'elle justifie le licenciement du salarié, compte tenu des caractéristiques de l'emploi exercé à la date à laquelle elle est constatée, de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé, des exigences propres à l'exécution normale des mandats dont il est investi, et de la possibilité d'assurer son reclassement dans l'entreprise. L'autorité administrative ne peut légalement faire droit à une telle demande d'autorisation de licenciement que si l'ensemble de ces exigences sont remplies. Par suite, lorsqu'il est saisi par l'employeur d'une demande tendant à l'annulation d'une décision de l'inspecteur du travail qui a estimé que l'une de ces exigences au moins n'était pas remplie et qui s'est, en conséquence, fondé sur un ou plusieurs motifs faisant, chacun, légalement obstacle à ce que le licenciement soit autorisé, le juge de l'excès de pouvoir ne peut annuler cette décision que si elle est entachée d'illégalité externe ou si aucun des motifs retenus par l'inspecteur du travail n'est fondé.

3. Pour refuser l'autorisation de licenciement de M. B..., l'inspecteur du travail s'est fondé sur les circonstances qu'avant qu'il n'exerce ses mandats de représentant du personnel, aucune insuffisance professionnelle ne lui avait été reprochée puisqu'au contraire, il avait été promu et confirmé dans ses fonctions de commandant de bord pendant treize années en subissant annuellement des contrôles en ligne, que la mise en cause de ses capacités professionnelles en 2016 correspondait à l'obtention desdits mandats, que son employeur avait refusé sa réintégration après le rejet de sa demande d'annulation de refus de licenciement et n'y avait procédé que sous la contrainte d'un jugement du tribunal du travail saisi en référé par le salarié, que l'inspection du travail avait été saisie de plusieurs dysfonctionnement des institutions représentatives du personnel de l'entreprise et, qu'en conséquence, un lien entre la demande d'autorisation de licenciement et les mandats exercés par M. B... ne pouvait être écarté.

4. Il ressort, en effet, des pièces du dossier que M. B... est un syndicaliste actif qui a pris une part importante au mouvement de grève d'une durée de 21 jours, entre le 18 mai et le

3 juin 2016, intervenu dans l'entreprise à la suite, notamment, du suicide d'un commandant de bord d'Air Tahiti. Il ressort également des pièces du dossier que la première autorisation de licenciement, pour motifs disciplinaires, et la seconde, pour insuffisance professionnelle, ont été sollicitées peu après l'obtention des mandats de M. B..., alors qu'aucun antécédent disciplinaire ni indice d'insuffisance professionnelle au cours des dix-huit précédentes années de présence du salarié dans l'entreprise n'ont été mis en avant par la société Air Tahiti, qui a par ailleurs refusé sa réintégration et n'a entrepris aucune action de formation tendant à remédier aux insuffisances professionnelles alléguées. L'ensemble de ces éléments doit faire regarder le lien entre les mandats détenus par le salarié et la demande de licenciement comme établi. Par suite, la société Air Tahiti n'était pas fondée à critiquer le motif de refus opposé à sa demande par l'autorité administrative. Ce motif faisant, à lui seul, obstacle à ce que l'inspecteur du travail puisse légalement accorder l'autorisation de licenciement sollicitée, les autres moyens de légalité interne soulevés par la société Air Tahiti devant le tribunal sont inopérants.

5. Il en résulte et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Polynésie française a annulé la décision du 3 août 2018 par laquelle l'inspecteur du travail de la Polynésie française a refusé l'autorisation de le licencier.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Les dispositions susvisées font obstacle à ce que M. B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à la société Air Tahiti la somme qu'elle demande sur leur fondement. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Air Tahiti la somme de 2 000 euros chacun à verser à M. B... et à la Polynésie Française au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du 19 février 2019 du Tribunal administratif de Polynésie française est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la société Air Tahiti devant le Tribunal administratif de Polynésie française est rejetée.

Article 3 : La société Air Tahiti versera à M. B... et à la Polynésie Française une somme de 2 000 euros chacun sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de la société Air Tahiti présentées sur le fondement de l'article L. 761- 1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B..., à la société Air Tahiti et à la Polynésie française. Copie en sera adressée au ministre des outres-mer et au Haut-commissaire de la république en Polynésie française.

Délibéré après l'audience du 23 septembre 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme A..., président de chambre,

- Mme F..., présidente assesseure,

- M. Mantz, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 octobre 2019.

La rapporteure,

M. F...Le président,

M. A...Le greffier,

I.BEDR

La République mande et ordonne à la ministre du travail, en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 19PA01361 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA01361
Date de la décision : 03/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés.


Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Marianne JULLIARD
Rapporteur public ?: M. BARONNET
Avocat(s) : NEUFFER

Origine de la décision
Date de l'import : 24/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-10-03;19pa01361 ?
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