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03/10/2019 | FRANCE | N°18PA03528

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 03 octobre 2019, 18PA03528


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... G... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 21 juillet 2018 par lequel le préfet de l'Essonne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1806101 du 1er août 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a annulé cet arrêté.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 9 novembre 2018, le préfet de l'Essonne demande à la Cour :r>
1°) d'annuler le jugement n°1806101 du 1er août du magistrat désigné par le président du tribunal admi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... G... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 21 juillet 2018 par lequel le préfet de l'Essonne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1806101 du 1er août 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a annulé cet arrêté.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 9 novembre 2018, le préfet de l'Essonne demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°1806101 du 1er août du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun ;

2°) de rejeter la demande de M. G....

Il soutient que :

- dès lors que M. G... pouvait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, il n'a pas commis d'erreur de droit en l'obligeant à quitter le territoire français ;

- les autres moyens invoqués par M. G... en première instance ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. G..., ressortissant géorgien né le 28 juillet 1974 et entré en France en mars 2013 selon ses déclarations, a été interpellé le 20 juillet 2018 pour vol précédé de dégradation. Par un arrêté du 21 juillet 2018, le préfet de l'Essonne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans lui accorder de délai de départ volontaire et a fixé le pays où il pourrait être reconduit. Le préfet de l'Essonne fait régulièrement appel du jugement du 1er août 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a annulé son arrêté du 21 juillet 2018.

Sur le moyen d'annulation retenu par le premier juge :

2. L'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ". L'article R. 511-1 du même code dispose : " L'état de santé défini au 10° de l'article L. 511-4 est constaté au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...).Toutefois, lorsque l'étranger est retenu en application de l'article L. 551-1, le certificat est établi par un médecin intervenant dans le lieu de rétention conformément à l'article R. 553-8 ".

3. Il résulte de ces dispositions que l'autorité administrative, lorsqu'elle dispose d'éléments d'informations suffisamment précis et circonstanciés établissant qu'un étranger résidant habituellement sur le territoire français est susceptible de bénéficier des dispositions protectrices du 10° de l'article L. 511-4 cité ci-dessus, doit, avant de prononcer une mesure d'éloignement à l'encontre de celui-ci, saisir pour avis l'autorité médicale mentionnée à l'article R. 511-4 du même code.

4. En l'espèce, M. G... a indiqué lors de sa garde à vue le 20 juillet 2018 être toxicomane et avoir besoin de Subutex, qui lui a été délivré le même jour sur prescription médicale, le certificat alors dressé ne faisant pas état d'autre troubles et estimant son état compatible avec la garde à vue. Lors de son audition par un officier de police, le 21 juillet 2018, M. G... a indiqué en outre " avoir une hépatite C " à la suite de sa toxicomanie et " s'adresser aux associations " pour se soigner. Si, interrogé sur cette éventualité, il a également déclaré qu'il ne souhaitait pas retourner en Géorgie car il avait des problèmes avec les autorités et " préférait se suicider ", ces déclarations ne sauraient être tenues comme révélatrices d'une pathologie mentale telle qu'elle pourrait faire obstacle à la mesure d'éloignement. Si M. G... a produit devant le premier juge un certificat médical, non daté, d'un praticien du Centre médical Marmottan faisant état d'une addiction aux opiacés pour laquelle il a commencé à consulter en décembre 2012 et d'une " schizophrénie paranoïde avec un délire de persécution centré sur la Géorgie ", il résulte de ce même certificat qu'aucun " suivi psychiatrique " de M. G... n'était alors en cours. En outre, s'il n'est pas contesté que M. G... bénéficiait auprès du même centre d'un traitement de substitution aux opiacés par Subutex, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il ne pourrait bénéficier du traitement nécessaire en Géorgie, alors que le préfet démontre que des traitements de substitution aux opiacés, telles la méthadone, existent en Géorgie. Le préfet de l'Essonne est donc fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné a annulé l'arrêté litigieux aux motifs que M. G... était susceptible de bénéficier de la protection du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que le préfet aurait dû de ce fait recueillir l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

5. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. G....

Sur les autres moyens de la demande de première instance :

En ce qui concerne la compétence de l'auteur de l'acte :

6. Par un arrêté du 22 mai 2018, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de l'Essonne du même jour, M. A... E..., sous-préfet et directeur de cabinet du préfet de l'Essonne, a reçu délégation du préfet pour signer en son nom les décisions contenues dans l'arrêté attaqué. Par suite, le moyen tiré du vice d'incompétence manque en fait.

En ce qui concerne les moyens dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français :

7. En premier lieu, l'arrêté attaqué vise les textes dont il fait application, notamment le I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui constitue le fondement de droit de l'obligation de quitter le territoire français, et fait état des éléments de faits précis relatifs à la situation de M. G... qui justifient cette mesure, notamment la circonstance qu'il s'est maintenu sur le territoire français sans être titulaire d'un titre de séjour et que, sans domicile fixe, sans ressources et sans enfants à charge en France, il ne peut prétendre à la régularisation de sa situation. Par suite, l'arrêté attaqué comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit qui constituent le fondement de l'obligation de quitter le territoire français et est suffisamment motivé. La circonstance que l'arrêté ne mentionne pas l'état de santé de l'intéressé est compatible avec un retour en Géorgie n'est pas de nature à révéler un défaut d'examen de la situation personnelle de l'intéressé, dès lors que, comme dit ci-dessus, les éléments dont M. G... avait fait état n'étaient pas de nature à susciter un doute sérieux sur ce point.

8. En deuxième lieu, les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicables prévoyaient la délivrance d'une carte temporaire de séjour de plein droit à " l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité (...) si, au égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ". Comme dit au point 4, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'état de santé de M. G... nécessitait à la date de l'arrêté une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et dont il n'aurait pu bénéficier en Géorgie.

9. En troisième lieu, l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration dispose : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales ". L'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne dispose : " 1. Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / 2. Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) ". Si l'article 41 de la charte s'adresse non pas aux États membres, mais uniquement aux institutions, aux organes et aux organismes de l'Union, le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union également invoqué par le requérant

10. Il ressort du procès-verbal d'audition de M. G... établi le 21 juillet 2018 à 9 h 30 par les services de police, antérieurement à la décision attaquée, que l'intéressé, qui a expressément accepté de répondre, a été interrogé sur sa situation au regard de la législation sur le séjour des étrangers. Le procès-verbal révèle que l'intéressé, qui a pu s'exprimer, avait connaissance du fait qu'il se trouvait en situation irrégulière sur le territoire français. A cette occasion, il a pu préciser sa situation familiale et, après avoir été informé qu'une obligation de quitter le territoire français était susceptible d'intervenir à son encontre, a exprimé son souhait de rester sur le territoire français. Par suite, le moyen tiré de ce que l'intéressé aurait été privé du droit d'être entendu que garantissent les principes généraux du droit de l'Union européenne ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne les moyens dirigés contre la décision portant refus de délai de départ volontaire :

11. Le II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification pour rejoindre le pays dont il possède la nationalité ou tout autre pays non membre de l'Union européenne ou avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen où il est légalement admissible. (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : 1° Si le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation ".

12. Il ressort des mentions de l'arrêté contesté que le préfet de l'Essonne a décidé de ne pas accorder de délai de départ volontaire à M. G... au motif que le comportement de celui-ci, interpellé pour vol précédé de dégradation, constituait une menace pour l'ordre public. Le moyen selon lequel le préfet de l'Essonne aurait commis une erreur d'appréciation en estimant qu'il existait un risque qu'il se soustraie à l'obligation qui lui était faite de quitter la France est donc inopérant et doit être écarté.

En ce qui concerne le moyen dirigé contre la décision fixant le pays de renvoi :

13. Si M. G... soutient que cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation, il n'assortit ce moyen d'aucune précision et ne permet pas au juge d'en apprécier le bien-fondé.

14. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de l'Essonne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a annulé son arrêté du 21 juillet 2018. Le jugement ne peut qu'être annulé et la demande de première instance de M. G... rejetée dans l'ensemble de ses conclusions.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1806101 du 1er août 2018 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun est annulé.

Article 2 : La demande de M. G... devant le tribunal administratif de Melun est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... G... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Essonne.

Délibéré après l'audience du 12 septembre 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme F..., présidente de chambre,

- M. D..., premier conseiller,

- M. Platillero, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 octobre 2019 .

Le rapporteur,

A. D...La présidente,

S. F...La greffière,

M. B... La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18PA03528


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18PA03528
Date de la décision : 03/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: M. Alain LEGEAI
Rapporteur public ?: Mme GUILLOTEAU
Avocat(s) : HENRY-WEISSGERBER

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-10-03;18pa03528 ?
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