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03/10/2019 | FRANCE | N°18PA02583

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 03 octobre 2019, 18PA02583


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société ThyssenKrupp Ascenseurs a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser la somme de 67 246,51 euros, assortie des intérêts moratoires dus à compter du dépassement du délai global de paiement de 45 jours courant à partir de la réception du décompte final adressé par courrier le 3 septembre 2013, au titre du lot n° 24 d'installation d'appareils élévateurs du marché passé dans le cadre de l'opération de restructuration et d'extension de la tour F de la Cité

de l'Air.

Par un jugement n° 1615544/3-2 du 4 juillet 2018, le Tribunal administr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société ThyssenKrupp Ascenseurs a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser la somme de 67 246,51 euros, assortie des intérêts moratoires dus à compter du dépassement du délai global de paiement de 45 jours courant à partir de la réception du décompte final adressé par courrier le 3 septembre 2013, au titre du lot n° 24 d'installation d'appareils élévateurs du marché passé dans le cadre de l'opération de restructuration et d'extension de la tour F de la Cité de l'Air.

Par un jugement n° 1615544/3-2 du 4 juillet 2018, le Tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à verser à la société ThyssenKrupp Ascenseurs la somme de 500 euros, assortie des intérêts moratoires à compter du 21 juillet 2017, au titre du solde du marché et rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la Cour

Par une requête enregistrée sous le n° 18PA02583, le 27 juillet 2018 et un mémoire en réplique enregistré le 4 décembre 2018, la société ThyssenKrupp Ascenseurs, représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 4 juillet 2018 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il a rejeté ses conclusions visant à obtenir l'annulation des pénalités pour non-remise des documents

2°) d'annuler les pénalités pour non-remise des documents d'un montant de 55 200 euros

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- dès lors qu'il s'est fondé sur l'article 4.6. 2 du CCAP pour juger que les pénalités de retard pour non remise de documents lui étaient imputables alors qu'en application de l'annexe 3 du CCAP, la gamme de maintenance des ascenseurs est un document qui fait partie du dossier d'exécution des ouvrages et qui n'est exigible qu'une fois les travaux achevés et réceptionnés ; le CCAP du marché ne contenant aucune dérogation à l'article 40 du CCAG Travaux, la ministre n'était pas fondée à demander communication de ce document en cours d'exécution du marché ;

- il n'est pas établi que la communication des notices d'entretien et de maintenance soit déterminante dans le choix des différents matériaux et matériels par le maître d'oeuvre ; la réception et la mise en marche des ascenseurs n'ont été réalisées que plus de deux ans après la demande de fourniture de la gamme de maintenance des ascenseurs ;

Par des mémoires en défense enregistrés le 26 octobre 2018 et le 25 février 2019, la ministre de la défense conclut à la réformation du jugement attaqué en qu'il a condamné l'Etat à verser à la société Thyssenkrupp Ascenseurs la somme de 500 euros et au rejet de la requête ;

Elle soutient que :

- les dispositions de l'article 40 du CCAG Travaux en vigueur à la date de notification du marché prévoient seulement une date limite pour la remise des notices de fonctionnement et d'entretien des ouvrages et n'interdit en aucun cas au maître d'ouvrage de fixer une date antérieure de remise de ces documents dans les documents particuliers du marché ; en l'espèce, l'annexe 3 du CCAP relative à la prise en compte de l'exploitation-maintenance précisant la liste de documents à communiquer durant l'exécution du marché afin de permettre le choix des différents matériaux et matériels par le maître d'oeuvre, mentionne les fiches d'exploitation/ maintenance et les notices d'entretien/ maintenance ; par suite la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la communication de la gamme de maintenance ne pouvait être exigée en cours d'exécution du marché et que les pénalités de retard qui lui ont été appliquées conformément à l'article 4.6.3 du CCAP du marché et l'article 49.4 du CCAG Travaux en l'absence de réponse à la mise en demeure du 8 avril 2011 ;

- le moyen tiré de ce que la communication des documents n'était pas déterminante dans le choix des différents matériaux et matériels par le maître d'oeuvre est inopérant, et le fait que la réception et la mise en marche des ascenseurs aient eu lieu deux ans après la demande n'est pas de nature à établir que les pénalités n'étaient pas justifiées en droit ou en opportunité ;

- elle établit, par la production de la feuille de présence jointe au compte-rendu de la réunion de chantier du 24 mars 2011, le bien-fondé de l'application à la société requérante de la pénalité de 500 euros.

La société ThyssenKrupp Ascenseurs, représentée par Me B... a présenté un mémoire enregistré le 16 juillet 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de travaux approuvé par le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- et les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par un acte d'engagement du 2 décembre 2008, le ministère de la défense a confié à la société ThyssenKrupp Ascenseurs un marché public d'installation de huit ascenseurs dans le cadre du projet de restructuration et d'extension de la tour F, située dans la Cité de l'Air, à Paris 15ème arrondissement. Les travaux ont été réceptionnés par décisions des 12 avril 2013 et 14 mai 2013. La société ThyssenKrupp Ascenseurs s'est vu appliquer un montant de 67 246,51 euros de pénalités pour absence à huit réunions de chantier et pour un retard de 184 jours dans la remise de documents. Elle relève appel du jugement du 4 juillet 2018 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il a limité à la somme de 500 euros la condamnation de l'Etat à lui verser le montant de ces pénalités. La ministre de la défense présente des conclusions incidentes tendant à l'annulation du jugement en tant qu'il a condamné l'Etat au paiement de cette somme de 500 euros assortie des intérêts moratoires à compter du 21 juillet 2017.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne les pénalités pour absence aux réunions :

2. Aux termes de l'article 4.6.1 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) du marché en cause : " (...) En cas d'absence ou de retard à une réunion de chantier (...) le titulaire de chaque lot encourt une pénalité hors taxe fixée à 500 euros. Par dérogation à l'article 49.1 du CCAG Travaux, cette pénalité sera appliquée sans aucune mise en demeure mais sur constatation de l'absence ou du retard à une réunion de chantier ".

3. Si la société ThyssenKrupp Ascenseurs ne développe aucun moyen à l'appui de sa contestation du jugement en tant qu'il a déclaré bien fondées, en application de l'article 4.6.1 du CCAP du marché, les pénalités relatives à son absence aux réunions de chantier des 26 novembre 2009, 3 décembre 2009, 10 décembre 2009, 17 décembre 2009, 6 janvier 2010, 13 janvier 2010 et 20 janvier 2010, la ministre établit par la production de la feuille d'émargement de la réunion de chantier du 24 mars 2011, son absence à cette réunion. Par suite, et faute de contestation du caractère probant de ce document, le bien-fondé de l'application à la société requérante de la pénalité de 500 euros doit donc être regardé comme établi et le jugement réformé sur ce point.

En ce qui concerne les pénalités pour absence de remise des documents prévus au marché :

4. D'une part, aux termes de l'article 4.6.2 du CCAP du marché : " En cas de retard ou de non fourniture de documents en cours d'exécution de chantier ou durant la période de préparation hors projet de décompte, le titulaire de chaque lot encourt une pénalité hors taxe par document fixée à 300 euros HT par document et par jour calendaire. Cette pénalité sera appliquée après mise en demeure conformément aux stipulations de l'article 49.1 du CCAG Travaux. (...) ". L'annexe n° 3 du CCAP intitulée " Prise en compte de l'exploitation maintenance " dispose que : " Dans le cadre du choix des différents matériaux et matériels par le maître d'oeuvre, les entreprises devront fournir (...) des notices d'entretien/maintenance et une fiche d'exploitation/maintenance dûment renseignée. (...) La remise de l'ensemble de ces documents est contractualisée au même titre que la planification générale des travaux ".

5. D'autre part, l'article 40 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) Travaux de 1976 susvisé, alors applicable, relatif aux documents fournis après exécution dispose que : " Sauf stipulation différente du marché et indépendamment des documents qu'il est tenu de fournir avant ou pendant l'exécution des travaux en application du 1 de l'article 29, l'entrepreneur remet au maître d'oeuvre, en trois exemplaires dont un sur calque : Au plus tard lorsqu'il demande la réception : les notices de fonctionnement et d'entretien des ouvrages établies conformément aux prescriptions et recommandations des normes françaises en vigueur ;Dans les deux mois suivant la réception : les plans et autres documents conformes à l'exécution, pliés au format normalisé A 4. " et l'article 49.1 dispose que " (...) lorsque l'entrepreneur ne se conforme pas aux dispositions du marché ou aux ordres de service, la personne responsable du marché le met en demeure d'y satisfaire, dans un délai déterminé, par une décision qui lui est notifiée par écrit. / Ce délai, sauf pour les marchés intéressant la défense ou en cas d'urgence, n'est pas inférieur à quinze jours à compter de la date de notification de la mise en demeure. ".

6. La société ThyssenKrupp Ascenseurs soutient, en premier lieu, que les dispositions de l'article 4.6. 2 du CCAP ne peuvent fonder les pénalités de retard pour non remise de documents mises à sa charge alors qu'en application de l'annexe 3 du CCAP relatif aux marchés de travaux, la gamme de maintenance des ascenseurs est un document qui fait partie du dossier d'exécution des ouvrages et qui n'est exigible qu'une fois les travaux achevés et réceptionnés. Elle fait valoir que dès lors que le CCAP du marché ne contient aucune dérogation à l'article 40 du CCAG Travaux, la ministre n'était pas fondée à demander communication de ce document en cours d'exécution du marché. Toutefois, il résulte des dispositions précitées que la société ThyssenKrupp Ascenseurs ne peut se prévaloir de l'article 40 du CCAG Travaux qui, en tout état de cause, prévoit une dérogation possible par le marché à ses propres stipulations. En revanche, c'est à bon droit qu'en application de l'article 4.6.2 du CCAP elle s'est vu infliger des pénalités de 300 euros par jour à compter du 28 avril 2011 pour ne pas avoir fourni la gamme de maintenance dans le délai de quinze jours après mise en demeure du 8 avril 2011 notifiée le 12 avril 2011.

7. La société ThyssenKrupp Ascenseurs soutient, en second lieu, qu'il n'est pas établi que la communication des notices d'entretien et de maintenance ait été déterminante dans le choix des différents matériaux et matériels par le maître d'oeuvre et que la réception et la mise en marche des ascenseurs n'ont été réalisées que plus de deux ans après la demande de fourniture de la gamme de maintenance des ascenseurs. Toutefois et en tout état de cause, la fourniture de ces documents en cours de marché constituait une obligation contractuelle et le moyen ne peut qu'être écarté.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de la société ThyssenKrupp Ascenseurs ne peut qu'être rejetée.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance, la partie perdante, verse à la société ThyssenKrupp Ascenseurs la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1615544/3-2 du 4 juillet 2018 du Tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a condamné l'Etat à verser à la société ThyssenKrupp Ascenseurs la somme de 500 euros, assortie des intérêts moratoires à compter du 21 juillet 2017, au titre du solde du marché d'installation d'appareils élévateurs passé dans le cadre de l'opération de restructuration et d'extension de la tour F de la Cité de l'Air.

Article 2 : La requête de la société ThyssenKrupp Ascenseurs est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société ThyssenKrupp Ascenseurs et à la ministre des armées.

Délibéré après l'audience du 23 septembre 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme A..., président de chambre,

- Mme C..., présidente assesseure,

- M. Mantz, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 octobre 2019.

La rapporteure,

M. C...Le président,

M. A...Le greffier,

I. BEDR

La République mande et ordonne à la ministre des armées, en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 18PA02583 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA02583
Date de la décision : 03/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05-02 Marchés et contrats administratifs. Exécution financière du contrat. Règlement des marchés.


Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Marianne JULLIARD
Rapporteur public ?: M. BARONNET
Avocat(s) : NIVAULT

Origine de la décision
Date de l'import : 24/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-10-03;18pa02583 ?
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