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01/10/2019 | FRANCE | N°19PA00593

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 01 octobre 2019, 19PA00593


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté en date du 1er octobre 2018 par lequel le préfet de police a décidé de son transfert aux autorités suédoises, de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle et d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de quinze jours à compter de la date de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard.

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ar un jugement n° 1817757/8 du 14 décembre 2018, le Tribunal administratif de Paris a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté en date du 1er octobre 2018 par lequel le préfet de police a décidé de son transfert aux autorités suédoises, de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle et d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de quinze jours à compter de la date de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1817757/8 du 14 décembre 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée 1er février 2019, M. A..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1817757/8 du 14 décembre 2018 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour au titre de l'asile dans le délai de quinze jours à compter de la date de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le Tribunal administratif a entaché son jugement d'erreur de fait, d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen de sa situation personnelle en indiquant que l'arrêté du préfet de police décidait de sa remise aux autorités danoises, et non suédoises ;

- le préfet a entaché son arrêté d'erreurs de fait et de droit, d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen de sa situation personnelle en se fondant sur le b) de l'article 18 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013 ;

- l'arrêté a méconnu les dispositions de l'article 17 de ce même règlement, et est en conséquence entaché d'erreurs de fait et de droit, ainsi que d'une erreur manifeste d'appréciation.

Un moyen relevé d'office, pris de ce que la Cour se propose de substituer d'office le d) du paragraphe 1 de l'article 18 du règlement (UE) du parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 au b) du paragraphe 1 du même article, a été communiqué aux parties le 15 avril 2019 en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative.

Par un mémoire en défense et en réponse au moyen relevé d'office, enregistré le 23 mai 2019, le préfet de police conclut au rejet de la requête de M. A... et au mal fondé du moyen de substitution de base légale relevé d'office par la Cour.

Il soutient que :

S'agissant de la requête de M. A... : les moyens de M. A... sont mal fondés.

S'agissant du moyen relevé d'office par la Cour : dès lors qu'en raison des déclarations contradictoires de M. A..., il n'était pas établi que la Suède avait rejeté sa demande d'asile, le préfet de police a saisi a bon droit les autorités suédoises sur le fondement des dispositions du b) du 1 de l'article 18 du règlement.

Un second moyen relevé d'office, pris de ce qu'il n'y a pas lieu à statuer sur la requête de M. A... dès lors que le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par la Suède et a recommencé à courir à compter de la notification du jugement attaqué au préfet de police le date du 28 décembre 2018, a pris fin le 28 juin 2019, a été communiqué aux parties le 2 juillet 2019 en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative.

Par un mémoire en réponse à ce moyen, le préfet de police soutient que dès le 20 mai 2019 le délai de remise a été prolongé au 14 juin 2020 en raison de la fuite de M. A....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relatif à la création d'Eurodac pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace du règlement (UE) n° 604/2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;

- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers, modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... D... a été entendu au cours de l'audience publique.

1. M. A..., ressortissant afghan né le 23 mars 1989, est entré irrégulièrement en France, et a sollicité le 20 juillet 2018 son admission au séjour au titre de l'asile. La consultation du fichier Eurodac a révélé que l'intéressé avait présenté une demande d'asile auprès des autorités suédoises le 3 novembre 2015. Le 8 août 2018, le préfet de police a adressé aux autorités suédoises une demande de reprise en charge de M. A... en application des dispositions du b) du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, que les autorités suédoises ont accepté par un accord implicite du 23 août 2018. Par un arrêté en date du 1er octobre 2018, le préfet de police a décidé de remettre M. A... à ces autorités.

2. En premier lieu, M. A... soutient qu'en indiquant que l'arrêté pris par le préfet de police porte transfert aux autorités danoises, et non aux autorités suédoises, le tribunal administratif a entaché son jugement d'erreur de fait, d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen de sa situation personnelle. Toutefois, s'il est constant que le Tribunal administratif de Paris s'est référé à tort dans son jugement à plusieurs reprises à un transfert vers les autorités danoises, cette erreur de plume, pour regrettable qu'elle soit, n'a pas eu d'incidence sur le sens du jugement attaqué, dès lors qu'il résulte de l'instruction que ce jugement est fondé sur les faits propres à la situation du requérant et notamment sur la demande d'asile précédemment déposée en Suède par ce dernier.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. L'État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de : (...) b) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le demandeur dont la demande est en cours d'examen et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre ; (...) d) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le ressortissant de pays tiers ou l'apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre. (...) ".

4. En application de ces dispositions, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.

5. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application.

6. S'agissant d'un étranger ayant, dans les conditions posées par le règlement, présenté une demande d'asile dans un autre Etat membre et devant, en conséquence, faire l'objet d'une reprise en charge par cet Etat, doit être regardée comme suffisamment motivée la décision de transfert qui, après avoir visé le règlement, relève que le demandeur a antérieurement présenté une demande dans l'Etat en cause, une telle motivation faisant apparaître qu'il est fait application du b), c) ou d) du paragraphe 1 de l'article 18 ou du paragraphe 5 de l'article 20 du règlement.

7. L'arrêté du 29 mai 2018 par lequel le préfet de police a décidé de la remise de M. A... aux autorités suédoises, regardées comme responsables de l'examen de sa demande d'asile, comporte le visa du règlement (UE) n° 604/2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers. Il indique que " il ressort de la comparaison des empreintes digitales de M. A... E... au moyen du système " EURODAC ", effectuée conformément au règlement n° 604/2013 susvisé, que l'intéressé a sollicité l'asile auprès des autorités suédoises le 3 novembre 2015 " et que " les critères prévus par le chapitre III ne sont pas applicables à la situation de M. A... E..., qu'en conséquence, au regard des articles 3 et 18 (1) (b), les autorités suédoises doivent être regardées comme étant responsables de la demande d'asile de M. A... E... ".

8. Si M. A... soutient que sa demande d'asile avait été définitivement rejetée en Suède, et que le préfet de police ne pouvait se fonder sur les dispositions précitées du b) du paragraphe 1 de l'article 18 du règlement (UE) du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 alors que la demande de reprise en charge relevait du point d) du paragraphe 1 de l'article 18 précité, il résulte cependant des motifs circonstanciés de la décision attaquée que le préfet de police a bien procédé à un examen personnel et complet de sa situation et a suffisamment motivé son arrêté, et que même à supposer l'existence d'une erreur quant à la disposition applicable, le préfet pouvait décider son transfert sur ce fondement, la substitution de cette base légale à celle du b) n'ayant pas pour effet de priver M. A... d'une garantie.

9. Dans ces conditions, et contrairement à ce que soutient M. A..., l'arrêté du préfet de police portant son transfert aux autorités suédoises n'est pas entaché d'une insuffisance de motivation ou d'un défaut d'examen de sa situation personnelle.

10. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".

11. M. A... soutient qu'il sera renvoyé Afghanistan en cas de transfert vers la Suède en raison du rejet de sa demande d'asile par les autorités de ce pays, qu'il encourt des risques pour sa vie en cas de retour dans son pays d'origine, et qu'en s'abstenant d'actionner la clause discrétionnaire visée à l'article 17 du règlement précité, le préfet de police en a méconnu les dispositions et commis une erreur manifeste d'appréciation. Il ressort des pièces du dossier que si les autorités suédoises ont rejeté la demande d'asile de M. A... par une décision du 18 juin 2018, il a été donné acte du désistement de ce dernier par un jugement du 13 août 2018. Par ailleurs, si la demande d'asile de M. A... a ainsi été rejetée définitivement par les autorités suédoises, l'intéressé n'établit ni même n'allègue qu'il ne pourra solliciter de ces autorités le réexamen de sa demande d'asile afin de faire valoir des éléments nouveaux. En outre, l'arrêté en litige a seulement pour objet de renvoyer l'intéressé en Suède et non dans son pays d'origine alors que la Suède, Etat membre de l'Union européenne, est partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut de réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dans ces conditions, le moyen, dans son ensemble, doit être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er octobre 2018 du préfet de police. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 17 septembre 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- Mme Hamon, président assesseur,

- Mme D..., premier conseiller,

Lu en audience publique, le 1er octobre 2019.

Le rapporteur,

L. D...Le président,

C. JARDIN

Le greffier,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19PA00593


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA00593
Date de la décision : 01/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-03


Composition du Tribunal
Président : M. DALLE
Rapporteur ?: Mme Laurence NOTARIANNI
Rapporteur public ?: Mme STOLTZ-VALETTE
Avocat(s) : PIEROT

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-10-01;19pa00593 ?
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