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01/10/2019 | FRANCE | N°18PA01294

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 01 octobre 2019, 18PA01294


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2010.

Par un jugement n° 1611584/2-2 du 19 février 2018, le Tribunal administratif de Paris a partiellement fait droit à sa demande en prononçant la réduction d'un montant de 6 423,46 euros de sa base de l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2010 et les décharges correspondantes d'imp

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2010.

Par un jugement n° 1611584/2-2 du 19 février 2018, le Tribunal administratif de Paris a partiellement fait droit à sa demande en prononçant la réduction d'un montant de 6 423,46 euros de sa base de l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2010 et les décharges correspondantes d'impôt sur le revenu et des contributions sociales et rejeté le surplus de ses conclusions.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 17 avril et 17 décembre 2018, Mme A..., représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 1611584/2-2 du 19 février 2018 du Tribunal administratif de Paris en tant que, par ce jugement, celui-ci a partiellement rejeté les conclusions de sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2010 ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions ;

3°) de lui accorder le bénéfice du sursis de paiement sur le fondement des dispositions de l'article L. 277 du livre des procédures fiscales ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a établi l'exagération de l'évaluation forfaitaire de son train de vie ;

- conformément à la décision QPC n° 2010-88 du 21 janvier 2011, les dispositions de l'article 168 du code général des impôts ne sont pas applicables lorsqu'il est établi que les ressources du contribuable suffisent à financer le coût de détention de ses éléments de train de vie ; les termes de cette réserve d'interprétation imposent uniquement de justifier que les ressources dont a disposé le contribuable ont permis de financer pour leur coût effectif les éléments de train de vie qui ont été retenus et n'imposent pas de justifier que ces ressources ont permis de financer les autres dépenses liées au train de vie courant ; elle établit que ses ressources suffisaient à financer le coût effectif de détention de ses éléments de train de vie dont elle justifie qu'il ne s'élevait qu'à 14 489,56 euros ;

- subsidiairement, la base forfaitaire de 65 785 euros doit être réduite d'un montant de 4 330,51 euros dont elle justifie qu'il correspond à des charges acquittées par sa mère.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 novembre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- pour échapper à l'imposition sur la base du revenu forfaitaire, le contribuable doit démontrer comment il finance l'ensemble de son train de vie et non pas seulement les éléments de train de vie pris en compte ;

- les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la décision n° 2010-88 QPC du 21 janvier 2011 du Conseil constitutionnel ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- et les conclusions de Mme Stoltz-Valette, rapporteur public.

1. Mme C... A..., qui dispose d'une résidence principale à Paris 16ème et d'une résidence secondaire à Biarritz, a souscrit ses déclarations de revenus au titre des années 2010 et 2011 en indiquant un bénéfice industriel et commercial de 8 400 euros pour chacune des années. A la suite d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle au titre des mêmes années, l'administration fiscale, compte tenu de la disproportion marquée existant entre son train de vie et ses revenus déclarés, a, dans le cadre de la procédure prévue à l'article L. 63 du livre des procédures fiscales, fixé ses bases d'impositions de ces années suivant le barème prévu à l'article 168 du code général des impôts à un montant équivalent à cinq fois la valeur locative cadastrale de ses deux résidences, soit en ce qui concerne l'année 2010 à 93 065 euros. Les rehaussements notifiés au titre de l'année 2011 et une part de ceux notifiés au titre de l'année 2010 ayant été dégrevés dans le cadre de la procédure d'imposition, Mme A... a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande de décharge de la part maintenue à sa charge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2010, pour laquelle l'évaluation forfaitaire des revenus correspondant à son train de vie a été arrêtée en dernier lieu à la somme de 72 209 euros. Elle relève appel du jugement du 19 février 2018 du Tribunal administratif de Paris, en tant que le Tribunal, après avoir réduit d'un montant de 6 423,46 euros la base de l'impôt sur le revenu et prononcé les décharges d'impositions correspondantes, a rejeté le surplus de ses conclusions.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

2. Aux termes du 1 de l'article L. 63 du livre des procédures fiscales : " Lorsque les agents des impôts constatent une disproportion marquée entre le train de vie d'un contribuable et les revenus qu'il déclare, ils peuvent modifier la base d'imposition dans les conditions prévues à l'article 168 du code général des impôts ". Et l'article 168 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année 2010, dispose que : " 1. En cas de disproportion marquée entre le train de vie d'un contribuable et ses revenus, la base d'imposition à l'impôt sur le revenu est portée à une somme forfaitaire déterminée en appliquant à certains éléments de ce train de vie le barème ci-après, compte tenu, le cas échéant, de la majoration prévue au 2, lorsque cette somme est supérieure ou égale à 44 111 € (...) : ELEMENTS DU TRAIN DE VIE / BASE. 1. Valeur locative cadastrale de la résidence principale, déduction faite de celle s'appliquant aux locaux ayant un caractère professionnel / cinq fois la valeur locative cadastrale. 2. Valeur locative cadastrale des résidences secondaires, déduction faite de celle s'appliquant aux locaux ayant un caractère professionnel / cinq fois la valeur locative cadastrale. (...) 2 bis. La disproportion marquée entre le train de vie d'un contribuable et ses revenus est établie lorsque la somme forfaitaire qui résulte de l'application du barème et de la majoration prévus aux 1 et 2 excède d'au moins un tiers, pour l'année de l'imposition, le montant du revenu net global déclaré y compris les revenus exonérés ou taxés selon un taux proportionnel ou libérés de l'impôt par l'application d'un prélèvement. 3. Le contribuable peut apporter la preuve que ses revenus ou l'utilisation de son capital ou les emprunts qu'il a contractés lui ont permis d'assurer son train de vie ".

3. Les dispositions précitées de l'article 168 du code général des impôts, interprétées au regard de la réserve d'interprétation dont la décision du Conseil constitutionnel n° 2010-88 QPC du 21 janvier 2011 a assorti la déclaration de conformité à la Constitution des dispositions du 3 de cet article, établissent une présomption simple de perception par le contribuable des revenus forfaitairement évalués au regard des éléments de train de vie dont il dispose sur la base du barème prévu par ces dispositions. Il peut renverser cette présomption en justifiant que le financement des éléments de train de vie pris en compte pour l'application des ces dispositions n'impliquait pas la perception des revenus définis forfaitairement correspondant à ces éléments.

4. En l'espèce, l'administration a retenu comme éléments du train de vie de Mme A... sa résidence principale, un appartement de trois pièces et ses annexes situé à Paris (16ème arrondissement), d'une valeur locative cadastrale de 14 151 euros en 2010 et sa résidence secondaire, un appartement de quatre pièces à Biarritz d'une valeur locative cadastrale de 4 462 euros en 2010. L'évaluation forfaitaire des revenus imposables correspondant à ces éléments a été fixée en application du barème forfaitaire prévu à l'article 168 du code général des impôts, à cinq fois la valeur locative cadastrale de ces résidences, soit 93 065 euros. Ces revenus forfaitairement évalués étant supérieurs au seuil de 44 111 euros fixé par l'article 168 du code général des impôts pour l'année 2010, et supérieure de plus d'un tiers à ses revenus déclarés s'élevant à 8 400 euros pour 2010, l'administration a fixé son revenu imposable de l'année 2010 à ce montant de 93 065 euros. Après prise en compte des ressources justifiées par la requérante pour un montant total de 27 279,13 euros, provenant notamment des aides familiales dont elle a bénéficié pour le paiement des charges de copropriété et des taxes locales et de la vente d'objets personnels, les revenus forfaitairement évalués correspondant à son train de vie ont été réduits, en dernier lieu à la suite du jugement attaqué, à 65 785,54 euros.

5. Mme A... soutient que la détention de ses résidences principales et secondaires ne nécessitait pas l'existence de revenus d'un tel montant. A cette fin, d'une part, elle fait valoir que ces deux appartements étaient déjà intégralement payés au 1er janvier 2010 et que dans ces conditions les coûts liés à leur usage et leur détention se sont limités en 2010 au paiement des taxes foncières et d'habitation, des charges de copropriété, des dépenses d'eau, de gaz, d'électricité, des primes d'assurance et des dépenses d'entretien et de réparation pour un montant total annuel de 14 489,56 euros. Le ministre ne conteste ni l'évaluation ainsi faite des coûts liés à la détention et l'usage des ces deux résidences, ni les justificatifs produits par la requérante. D'autre part, ainsi qu'il résulte du point 4, Mme A... a établi avoir disposé en 2010 de ressources diverses s'élevant au total à 27 279 euros, supérieures aux coûts effectifs résultant en 2010 de la détention et l'usage des éléments de train de vie retenus par le service, dont elles représentent près du double, et dont elle justifie qu'elles ont été utilisées pour financer ces coûts. En outre, il ne résulte pas de l'instruction, et il n'est au demeurant pas soutenu, que le surplus s'élevant à 1 065 euros par mois de ces ressources lui laissait un reste à vivre manifestement insuffisant. Dans ces conditions, dans les circonstances de l'espèce, Mme A... doit être regardée comme établissant que les éléments de train de vie dont elle disposait n'impliquaient pas la perception de la part maintenue à sa charge des revenus forfaitairement évalués sur la base du barème prévu par les dispositions précitées de l'article 168 du code général des impôts.

6. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus de ses conclusions à fin de décharge. Dans ces conditions, et en tout état de cause, il n'y a pas lieu de statuer sur ses conclusions à fin de bénéfice d'un sursis de paiement sur le fondement des dispositions de l'article L. 277 du livre des procédures fiscales.

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme A... et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Il est accordé à Mme A... la décharge des compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mis à sa charge au titre de l'année 2010.

Article 2 : Le jugement n° 1611584/2-2 du 19 février 2018 du Tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Mme A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris (pôle fiscal parisien 1).

Délibéré après l'audience du 17 septembre 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- Mme Hamon, président assesseur,

- Mme D..., premier conseiller,

Lu en audience publique, le 1er octobre 2019.

Le rapporteur,

L. D...

Le président,

C. JARDIN

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18PA01294


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA01294
Date de la décision : 01/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-02-03 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu. Détermination du revenu imposable.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: Mme Laurence NOTARIANNI
Rapporteur public ?: Mme STOLTZ-VALETTE
Avocat(s) : LABORDE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-10-01;18pa01294 ?
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