La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/10/2019 | FRANCE | N°17PA21987

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 01 octobre 2019, 17PA21987


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Si' Pro Alu a demandé au Tribunal administratif de la Guadeloupe la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui ont été mis à sa charge au titre de la période couverte par les années 2011 à 2013, ainsi que des intérêts de retard correspondants.

Par un jugement n° 1600349 du 30 mars 2017, le Tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 23 juin 2017

au greffe de la Cour administrative d'appel de Bordeaux, dont le jugement a été attribué à la Cour a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Si' Pro Alu a demandé au Tribunal administratif de la Guadeloupe la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui ont été mis à sa charge au titre de la période couverte par les années 2011 à 2013, ainsi que des intérêts de retard correspondants.

Par un jugement n° 1600349 du 30 mars 2017, le Tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 23 juin 2017 au greffe de la Cour administrative d'appel de Bordeaux, dont le jugement a été attribué à la Cour administrative de Paris par ordonnance n° 428220 du 1er mars 2019 du président de la section du contentieux de Conseil d'Etat, sur le fondement des dispositions de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, la société Si' Pro Alu, représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1600349 du 30 mars 2017 du Tribunal administratif de la Guadeloupe ;

2°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et intérêts de retard contestés.

Elle soutient que :

- en application des dispositions combinées du 5° du 1 de l'article 295 du code général des impôts et de son article 268 bis, elle était en droit de soumettre à un régime d'imposition différent à la taxe sur la valeur ajoutée la fabrication d'éléments de menuiserie en aluminium destinés à être installés chez ses clients, d'une part, et leur pose proprement dite, d'autre part ;

- à supposer, comme le soutient le service, que la fabrication et la pose de ces éléments aient constitué une seule et même opération de travail immobilier normalement imposable à la taxe sur la valeur ajoutée sur la totalité de son prix, l'administration ne pouvait assujettir à la taxe la fraction du prix facturé hors taxe à ses clients ;

- à titre subsidiaire, le service aurait dû extourner des rappels proposés ceux correspondant aux ventes d'équipements non assorties de pose, pour lesquelles la taxe sur la valeur ajoutée a été facturée à tort.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 décembre 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les conclusions de Mme Stoltz-Valette, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société Si' Pro Alu, spécialisée dans la fabrication et la pose d'éléments de menuiserie en aluminium dans le secteur du bâtiment, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de la période couverte par les années 2011 et 2013. A l'issue de ce contrôle, le service lui a proposé, selon la procédure de rectification contradictoire, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée correspondant à des opérations selon lui exonérées à tort. La société fait appel du jugement du 30 mars 2017 par lequel le Tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces rappels et des intérêts de retard correspondants.

2. En premier lieu, aux termes de l'article 295 du code général des impôts : " 1. Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : (...) 5° Dans les départements de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Réunion : a. Les importations de matières premières et produits dont la liste est fixée par arrêtés conjoints du ministre de l'économie et des finances et du ministre chargé des départements d'outre-mer ; b. Les ventes et les livraisons à soi-même des produits de fabrication locale analogues à ceux dont l'importation dans les départements susvisés est exemptée en vertu des dispositions qui précèdent (...) ". En vertu de l'article 268 bis du même code : " Lorsqu'une personne effectue concurremment des opérations se rapportant à plusieurs des catégories prévues aux articles du présent chapitre, son chiffre d'affaires est déterminé en appliquant à chacun des groupes d'opérations les règles fixées par ces articles ". Enfin, aux termes du 1. de l'article 266 du code général des impôts : " La base d'imposition est constituée : (...) f) pour les travaux immobiliers, par le montant des marchés, mémoires ou factures ".

3. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que le producteur ou l'importateur de matières premières et produits relevant des dispositions du 5° du 1. de l'article 295, qui en assure accessoirement l'installation ou le montage chez des clients, ne doit en principe être assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée que pour la fraction de son chiffre d'affaires qui se rapporte à la partie de son activité qui consiste dans l'exécution des travaux d'installation. Il en va toutefois autrement si l'installation de ces matières premières et produits est au nombre des opérations qui concourent à l'édification d'un bâtiment et constitue un travail immobilier dont le prix comprend, à la fois, celui des matières et produits fournis et celui de leur mise en oeuvre. Dans ce dernier cas, il y a lieu d'assujettir à la taxe l'ensemble du prix facturé aux clients.

4. L'installation de portes, fenêtres, volets, balcons et rambardes, qu'ils soient ou non démontables, est au nombre des opérations qui concourent directement à l'édification d'un bâtiment, constituant par suite un travail immobilier dont le prix comprend à la fois celui des matériaux fournis et celui des travaux de pose. En installant de tels éléments chez ses clients, la société Si' Pro Alu doit être regardée comme ayant réalisé des travaux immobiliers au sens du f) du 1. de l'article 266 du code général des impôts. Elle n'est donc pas fondée à soutenir que c'est à tort que le service les a assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée sur l'ensemble de leur prix, tant pour la fourniture des matériaux que pour leur pose, alors même que les équipements en cause, dont elle assurait la production, étaient au nombre des produits dont la vente est exonérée de taxe en application des dispositions du 5° du 1. de l'article 295 du même code.

5. En deuxième lieu, aux termes du 1. de l'article 266 du code général des impôts : " La base d'imposition est constituée : a) Pour les livraisons de biens, les prestations de services et les acquisitions intracommunautaires, par toutes les sommes, valeurs, biens ou services reçus ou à recevoir par le fournisseur ou le prestataire en contrepartie de ces opérations, de la part de l'acheteur, du preneur ou d'un tiers (...) ". En vertu de l'article 267 du même code : " Sont à comprendre dans la base d'imposition : 1° Les impôts, taxes, droits et prélèvements de toute nature à l'exception de la taxe sur la valeur ajoutée elle-même (...) ".

6. Il résulte de ces dispositions que lorsqu'un assujetti réalise une opération moyennant un prix convenu qui ne mentionne aucune taxe sur la valeur ajoutée dans des conditions qui ne font pas apparaître que les parties seraient convenues d'ajouter, au prix stipulé, un supplément de prix égal à la taxe sur la valeur ajoutée applicable à l'opération, la taxe due au titre de cette opération doit être assise sur une somme égale à ce prix, diminué du montant de cette même taxe. C'est donc à bon droit que le service s'est fondé sur ce principe pour rappeler " en dedans " la taxe sur la valeur ajoutée correspondant aux opérations pour lesquelles la Si' Pro Alu n'en avait pas facturé à ses clients.

7. En troisième lieu, aux termes du 3. de l'article 283 du code général des impôts : " Toute personne qui mentionne la taxe sur la valeur ajoutée sur une facture est redevable de la taxe du seul fait de sa facturation ". Toutefois, ainsi que l'a jugé la Cour de justice des Communautés européennes dans son arrêt du 13 décembre 1989, Genius Holding BV (C-342/87), le principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée implique qu'une taxe indûment facturée puisse être régularisée, sans que cette régularisation ne dépende d'un pouvoir d'appréciation discrétionnaire de l'administration fiscale. La Cour a également dit pour droit, notamment dans son arrêt du 18 juin 2009, Staatssecretaris van Financiën c/ Stadeco BV (C-566/07), que les mesures que les Etats membres ont la faculté d'adopter afin d'assurer l'exacte perception de la taxe et d'éviter la fraude ne doivent pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre de tels objectifs et qu'elles ne peuvent, dès lors, être utilisées de manière telle qu'elles remettraient en cause la neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée, laquelle constitue un principe fondamental du système de cette taxe. Ce principe ne s'oppose toutefois pas à ce qu'un Etat membre subordonne la correction de la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée par erreur sur une facture à la condition que l'émetteur de la facture initiale ait envoyé à son destinataire une facture rectifiée ne mentionnant pas la taxe sur la valeur ajoutée si cet émetteur n'a pas éliminé, en temps utile, complètement le risque de pertes de recettes fiscales.

8. Il résulte de l'instruction que la société Si' Pro Alu a vendu à ses clients des éléments de menuiserie qu'elle a fabriqués sans les avoir assortis de pose, opérations qui, en vertu du 5° du 1. de l'article 295 du code général des impôts, auraient dû être exonérées de taxe sur la valeur ajoutée. Si c'est par suite par erreur que la société a facturé ces opérations en mentionnant un taux de taxe de 2,5 %, elle n'établit ni même n'allègue qu'elles auraient été régularisées par l'émission de factures rectificatives. C'est dès lors à bon droit que le service a estimé que la taxe sur la valeur ajoutée facturée par erreur par la société Si' Pro Alu restait due sur le fondement du 3. de l'article 283 du code général des impôts.

9. ll résulte de ce qui précède que la société Si' Pro Alu n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe en litige et des intérêts de retard correspondants.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Si' Pro Alu est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Si' Pro Alu et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction du contrôle fiscal Sud-Ouest.

Délibéré après l'audience du 17 septembre 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- Mme Hamon, président assesseur,

- Mme A..., premier conseiller,

Lu en audience publique, le 1er octobre 2019.

Le rapporteur,

C. A...Le président,

C. JARDIN

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17PA21987


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA21987
Date de la décision : 01/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-02 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Exemptions et exonérations.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: Mme Christelle ORIOL
Rapporteur public ?: Mme STOLTZ-VALETTE
Avocat(s) : DAGNON

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-10-01;17pa21987 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award