Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... C... a demandé au Tribunal administratif de La Réunion d'annuler la décision, révélée par le courriel du 24 décembre 2013, par laquelle la société Orange a confirmé le rejet de sa demande du 11 juillet 2012 tendant à être promu en qualité de contrôleur divisionnaire, et d'enjoindre à la société Orange, sous astreinte, de lui accorder la promotion sollicitée à compter du 1er janvier 2013.
Par un jugement n° 1500389 du 18 mai 2017, le Tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 23 juin 2017 au greffe de la Cour administrative d'appel de Bordeaux, dont le jugement a été attribué à la Cour administrative de Paris par ordonnance n° 428220 du 1er mars 2019 du président de la section du contentieux de Conseil d'Etat, sur le fondement des dispositions de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, M. C..., représenté par la S.E.L.A.F.A. cabinet Cassel, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1500389 du 18 mai 2017 du Tribunal administratif de La Réunion ;
2°) d'annuler la décision de rejet de sa demande de promotion ;
3°) d'enjoindre à la société Orange de le promouvoir au grade de contrôleur divisionnaire, 10ème échelon, à compter du 1er janvier 2013 ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de la société Orange le versement de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le Tribunal s'est à tort fondé sur la jurisprudence issue de la décision n° 387763 du 13 juillet 2016, qui est directement contraire à l'article R. 421-5 du code de justice administrative, viole la séparation des pouvoirs, porte atteinte au droit au recours et à un procès équitable ainsi qu'au principe de sécurité juridique ;
- les règles issues de cette jurisprudence portent atteinte au principe d'intelligibilité des lois ;
- à supposer que cette jurisprudence soit applicable, aucun motif d'intérêt général n'est justifié pour faire obstacle à la recevabilité de sa requête ;
- il justifie de circonstances faisant obstacle à ce que lui soit opposé le délai raisonnable d'un an pour contester la décision attaquée ;
- faute pour la société Orange d'établir que ses mérites ne justifiaient pas une promotion, la décision attaquée est entachée d'erreur de fait ou, à tout le moins, d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 janvier 2018, la société Orange, représentée par Me D... et Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce que le versement de la somme de 2 500 euros soit mis à la charge de M. C... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision de l'Assemblée du contentieux du Conseil d'Etat n° 387763 du 13 juillet 2016 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de Mme Stoltz-Valette, rapporteur public,
- et les observations de Me B... pour la société Orange.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., fonctionnaire de la société Orange relevant du corps des contrôleurs, a demandé à son employeur, le 11 juillet 2012, à être promu dans le corps des contrôleurs divisionnaires. Il fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa requête tendant à l'annulation de la décision rejetant sa demande.
Sur le bien fondé du jugement :
2. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 421-1 du code de justice administrative dans sa rédaction applicable au présent litige : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée " et aux termes de l'article R.421-5 du même code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ". Il résulte de ces dispositions que lorsque la notification ne comporte pas les mentions requises, ce délai n'est pas opposable.
3. Toutefois, le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci en a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance.
4. La règle énoncée ci-dessus, qui a pour seul objet de borner dans le temps les conséquences de la sanction attachée au défaut de mention des voies et délais de recours, ne porte pas atteinte à la substance du droit au recours, mais tend seulement à éviter que son exercice, au-delà d'un délai raisonnable, ne mette en péril la stabilité des situations juridiques et la bonne administration de la justice, en exposant les défendeurs potentiels à des recours excessivement tardifs. Il appartient dès lors au juge administratif d'en faire application au litige dont il est saisi, quelle que soit la date des faits qui lui ont donné naissance.
5. En premier lieu, il résulte de ce qui a été énoncé au point 3 que M. C... n'est pas fondé à soutenir que l'application rétroactive de la règle énoncée au point 2 porterait atteinte à la substance du droit au recours et méconnaîtrait ainsi les stipulations des articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
6. En deuxième lieu, il résulte également de ce qui a été dit au point 2 que le motif d'intérêt général que constitue le principe de sécurité juridique faisait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment la décision individuelle refusant de promouvoir M. C....
7. En troisième lieu, M. C... ne peut utilement invoquer à l'encontre d'une décision administrative individuelle, ni à l'encontre du jugement statuant sur une demande d'annulation de celle-ci, les moyens tirés de l'atteinte aux principes de séparation des pouvoirs et d'intelligibilité de la loi.
8. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que la demande de promotion présentée par M. C... a été rejetée par une lettre du 17 octobre 2012 de la directrice des ressources humaines de la direction Orange Réunion Mayotte. Ce refus a été confirmé en dernier lieu par un courrier électronique du 24 décembre 2013, dont la copie lui a été adressée le 6 janvier 2014. Si le délai de deux mois fixé par les dispositions précitées de l'article R. 421-1 du code de justice administrative n'était pas opposable à M. C... en ce qui concerne cette décision, en l'absence d'indications sur les voies et les délais de recours, il est constant que celui-ci n'a introduit un recours devant le Tribunal administratif de La Réunion contre cette décision que le 11 avril 2015, soit plus d'un an après en avoir eu connaissance.
9. A cet égard M. C... n'est pas fondé à soutenir, compte tenu des termes dénués d'ambiguïté du courrier électronique qui lui a été communiqué le 6 janvier 2014, que l'identification de la décision de refus de promotion qu'il entendait attaquer aurait été difficile. En se bornant, par ailleurs, à faire état des diverses démarches qu'il a dû entreprendre pour la prise en charge de ses parents en situation de dépendance, il ne justifie pas plus de circonstances particulières qui auraient été de nature à conserver à son égard le délai de recours contentieux.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande comme étant présentée au-delà du délai de recours contentieux et, par suite, tardive. Par voie de conséquence ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions présentées au titre des frais de justice :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société Orange, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. C... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. C... la somme que demande la société Orange sur le fondement des mêmes dispositions
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la société Orange présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... C... et à la société Orange.
Délibéré après l'audience du 17 septembre 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- Mme A..., président assesseur,
- Mme Oriol, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 1er octobre 2019.
Le rapporteur,
P. A...Le président,
C. JARDIN
Le greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 17PA21982 2